Argent
Les cotées qui communiquent suffisammentÂ… et les autres
L’ONA et ses filiales, le secteur BTP et deux ou trois autres sociétés
vont largement au-delà du minimum requis.
La majorité des sociétés cotées communique de manière
irrégulière.
Six sociétés se limitent au strict minimum réglementaire.

La Bourse de Casablanca vit l’une de ses périodes les plus fastes en matière de communication financière. En effet, à peine les entreprises cotées ont-elles clos la première phase, qui consistait en la publication obligatoire des bilans et des chiffres d’affaires avant le 31 mars, qu’elles entament la préparation des assemblées générales d’actionnaires. Ces AGO doivent être précédées par la publication des projets de résolutions et des états de synthèses complets. Analystes, investisseurs et petits porteurs sont donc à l’affût de ces publications, afin de se faire une idée précise sur les fondamentaux des entreprises dans lesquelles ils ont investi ou dans lesquelles ils comptent le faire.
La fournée 2 003 des publications aura été satisfaisante, tant au niveau quantitatif (croissance bénéficiaire de la Bourse de Casablanca) que qualitatif. En effet, investisseurs, analystes et journalistes ont été agréablement surpris par le saut qualitatif de l’information financière présentée par les sociétés cotées. Alors que les dispositions réglementaires les obligent à publier uniquement le bilan provisoire et le chiffre d’affaires des trois derniers trimestres, une majorité d’entre elles a choisi de fournir un effort supplémentaire et de suivre certaines recommandations du CDVM (Conseil déontologique des valeurs mobilières), tant au niveau de la publication d’informations complémentaires et de commentaires sur les résultats, que de la tenue de réunions avec les analystes et la presse spécialisée. Ainsi, 34 sociétés cotées parmi les 49 concernées par le délai du 31 mars, ont fourni au public un CPC (compte de produit et de charges) ou un état de solde de gestion (ESG) à même de renseigner de manière plus exhaustive sur la situation financière de l’entreprise. Toutes les banques cotées de la place (et même celles qui ne le sont pas), ainsi que les sociétés de financement les plus importantes ont, pour leur part, publié l’état de leurs créances en souffrance et des provisions correspondantes, afin de permettre aux observateurs de mieux apprécier le niveau de risque des établissements de crédit.
Les banques ont publié l’état des créances en souffrance
Les sociétés cotées ne se sont pas limitées à communiquer des chiffres à l’état brut et se sont le plus souvent données la peine de fournir quelques explications via des communiqués de presse. Ces commentaires faisaient le plus souvent suite aux conseils d’administration qui devaient entériner les comptes de l’exercice 2 003. Certaines sociétés n’ont donc pas hésité à renseigner les actionnaires sur le dividende qui sera distribué et à fournir des indications sur les programmes d’investissement et les perspectives pour l’année 2004. Autant dire qu’au 31 mars dernier, les analystes avaient les éléments de base nécessaires à une première appréciation, certes sommaire, de la situation financière, de la rentabilité et des perspectives de croissance d’un bon nombre de sociétés cotées.
Outre le volet publication, les patrons de 22 sociétés cotées ont répondu directement aux questions des analystes et des journalistes conviés aux conférences de presse organisées en marge de la publication des résultats. La récolte 2 003 a donc été meilleure que la précédente (cf. tableau).
Le jeu de la transparence qui s’impose aux sociétés choisissant de faire appel public à l’épargne ne s’évalue cependant pas uniquement par le nombre de communiqués de presse ou la lisibilité du bilan publié dans les différents journaux d’annonces légales, encore moins à l’anticipation du délai légal de publication. Une bonne information financière vaut d’abord par son contenu. Et dans ce cas, toutes les sociétés cotées ne peuvent être considérées de la même manière.
Les entreprises du BTP, championnes de la communication financière
Sur la base de la qualité de l’information, on distingue trois groupes de sociétés. Le premier est celui des bons élèves qui ont mis en œuvre, depuis quelques années déjà, une véritable stratégie de communication et se prêtent, sans trop rechigner, au jeu de la transparence. Plutôt que de se limiter aux exigences et conseils du CDVM, certaines sociétés vont assez loin durant cette période : bilan, CPC et ESG sont le plus souvent accompagnés de commentaires assez clairs, lors des conférences presse, sur les faits marquants de l’exercice passé en revue. Le tout, bien évidemment, avant la date butoir. En ce sens, le «surdoué» de la cote casablancaise n’est autre que le premier groupe privé du Royaume que constitue le tandem ONA-SNI. Certes, les analystes reprocheront toujours au groupe ses changements permanents de périmètres, les retraitements des résultats, la récurrence d’éléments exceptionnels et la mise en valeur des seuls éléments positifs, mais il est indéniable que la communication financière du groupe est l’une des plus régulières et des plus professionnelles de la place. La transparence du groupe a été consolidée depuis que le nouveau management a décentralisé ce rôle vers les filiales les plus importantes. Centrale Laitière, Managem, Sonasid, Agma, Lesieur et Cosumar fournissent un effort appréciable pour informer de la manière la plus convenable le public de leurs réalisations.
A noter que, parmi les banques, on peut classer dans le groupe de ceux qui communiquent largement la BMCE et la BCM.
Loin de démériter, d’autres entreprises ont choisi de communiquer dans les règles de l’art. Un art que partage d’ailleurs l’ensemble des sociétés de BTP. C’est d’ailleurs une des raisons qui expliquent «l’affection» que peuvent porter certains analystes à ce secteur. Si ce n’était sa petite taille, Aluminium du Maroc disputerait facilement la première place à l’ONA. La filiale
du Groupe Alami applique les recommandations du CDVM à la lettre depuis plusieurs années et s’offre le luxe de publier des indicateurs trimestriels et d’établir des prévisions chiffrées concernant l’exercice suivant. Elle n’est pas la seule dans ce cas. Auto Hall et Holcim suivent la même logique et l’effort est méritoire.
La Bourse compte aussi ses cancres de la communication. Des entreprises qui, tout en respectant à la lettre le minimum légal et – précisons-le – dans les délais impartis, ont une vision assez étriquée de la transparence due au marché. Pour ces sociétés, la communication financière se limite à la publication d’un bilan provisoire et du montant du chiffre d’affaires, agrémenté d’une attestation des commissaires aux comptes, deux fois par an. En vue de se faire une idée plus ou moins complète sur la situation financière de ces sociétés, les petits porteurs devront attendre les convocations aux assemblées générales. Pour l’exercice 2003, six sociétés peuvent être classées dans ce groupe. Il s’agit de Nexans, Le Carton, Papelera, Oulmes, Diac Salaf et Diac équipement.
Entre ces deux extrêmes, on retrouve des élèves plutôt irréguliers, alliant, au rythme des semestres et des années, le bon au moins bon. Les conférences de presse ne sont pas systématiques et les analystes ont plutôt l’impression que les dirigeants de certaines cotées ne choisissent de communiquer que lorsqu’un événement plus ou moins important nécessite de plus amples explications. «Une grande partie des sociétés cotées adapte sa communication aux résultats. On a souvent l’impression qu’elles communiquent plus lorsqu’elles ont des éléments positifs à transmettre», commente un analyste. Ce sont les grandes et moyennes capitalisations qui forment l’essentiel de ce dernier groupe.
Les banques, certaines sociétés de financement, les compagnies d’assurance et autres sociétés de distribution assurent un «minimum syndical» en publiant automatiquement leurs CPC et un communiqué de presse comportant le commentaire nécessaire à une bonne appréhension des réalisations de l’exercice. Dans le lot on retrouve Brasseries du Maroc, Berliet, Fertima, SCE…
Les minoritaires demandent des publications trimestrielles
Cette année, certaines cotées ont pris l’engagement solennel de remédier à ce manque de transparence et les premiers résultats sont déjà là pour le prouver. La petite société de crédit à la consommation de Axa Assurance Maroc, Acred, s’est par exemple adjoint les services du CDMC (Crédit du Maroc Capital) pour travailler sur sa communication financière. Le groupe Akwa a décidé pour sa part de créer un service dédié au sein de sa direction stratégique afin de «mettre en place une stratégie volontariste en matière de communication financière», explique la responsable du département. Les analystes n’ont pas tardé à en noter l’impact sur les deux filiales du groupe cotées en bourse, Afriquia Gaz et Maghreb Oxygène. La CTM a également agréablement surpris les analystes en publiant cette année des comptes consolidés.
Tous ceux qui gravitent autour de la Bourse s’accordent aujourd’hui à dire que la communication financière des sociétés cotées s’est améliorée cette année. Cependant, beaucoup reste à faire, même pour les sociétés les plus performantes en la matière. Les petits porteurs par exemple militent toujours pour une communication trimestrielle. «La loi devrait obliger les sociétés cotées à fournir des indicateurs du trimestre dans les 30 jours qui suivent sa clôture», explique Hassan Kettani, président de l’Association marocaine pour la défense des actionnaires minoritaires (AMDAM). Une réclamation tout à fait légitime qui éviterait des surprises à la publication des comptes semestriels qui n’interviennent que 9 mois après le début de l’exercice. Et M. Kettani d’ajouter : « Nous voulons également que le management des sociétés cotées endosse une véritable responsabilité, en communiquant des prévisions chiffrées. Des objectifs qui seront comparés aux réalisations et qui mettraient les dirigeants devant leurs responsabilités». Ces revendications ne sont pas superflues puisqu’elles correspondent à ce qui se fait sous d’autres cieux, et font même l’objet de recommandations de la part du gendarme du marché. D’ailleurs, les petits porteurs réunis au sein de l’Amdam s’étonnent de voir que les nouveaux textes – ils devront entrer en application dans les prochaines semaines et n’attendent que leur publication au Bulletin officiel – n’aient pas cherché à placer la barre plus haut pour les sociétés faisant appel public à l’épargne.
Un effort supplémentaire peut également être fourni par les sociétés cotées au niveau des délais de publication de leurs rapports annuels. Le plus souvent, ce n’est qu’en septembre qu’ils sont édités. Enfin, et pour que la communication soit rapidement disponible, les sites internet doivent être mis à contribution. Sans aller jusqu’à retransmettre leurs conférences de presse via le net, à l’image de ce que fait l’ONA, les entreprises devraient penser à mettre en ligne leurs comptes et les communiqués de presse, et ne plus compter sur l’effort, louable par ailleurs, fourni par la Bourse de Casablanca, au niveau de son site web
