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Les bénéfices des sociétés de bourse chutent de 45% en 2014!
Le chiffre d’affaires est en recul de 3% en raison de la baisse du volume global des transactions. Les charges incompressibles, notamment la masse salariale, grèvent la rentabilité des opérateurs.

Les sociétés de bourse peinent à se redresser. Même si l’indice général du marché s’est amélioré de 5,6% en 2014, le volume global des transactions s’est contracté de 20,8%, à 200,8 MDH en moyenne quotidienne. Du coup, le chiffre d’affaires des intermédiaires de la place s’est établi l’année dernière à 173,4 MDH, en baisse de 3%, sachant qu’une année auparavant, il avait quasiment stagné. Certaines sociétés de bourse de grande taille (BMCE Capital Bourse, CDG Capital Bourse et Upline Securities) n’ont pas vu leur activité fléchir en raison de leur positionnement sur la clientèle des institutionnels aussi bien marocains qu’étrangers. Ce type de clients, de par la fréquence et l’importance de ses interventions sur le marché, choisit de passer par des sociétés adossées à des groupes bancaires qui disposent des moyens humains, techniques et organisationnels nécessaires. De plus, ces intermédiaires ne considèrent pas le courtage comme seule et principale source de revenus. Ils tirent leur volume d’affaires aussi de l’activité dépositaire, du corporate, de l’analyse et recherche, des opérations de contrepartie et des opérations sur titres. C’est le cas notamment d’Upline Securities qui a misé, en plus de son activité classique, sur les OST pour doubler ses revenus à 26,3 MDH. Mais de manière générale, la commission des transactions sur valeurs mobilières continue de représenter une grande part du chiffre d’affaires des sociétés de bourse. Elle se situe en moyenne à 78% à fin 2014, mais cette part monte à beaucoup plus chez les petites structures. Certaines ont su sauver la mise en développant des activités parallèles, à l’instar d’Atlas Capital Bourse dont les produits sur prestations de service ont augmenté de 36%. Mais la majorité des opérateurs souffre de l’atonie persistante du marché boursier et de son manque de profondeur. D’ailleurs, selon les dires des patrons des sociétés de bourse, 90% des transactions portent sur les mêmes valeurs (promoteurs immobiliers, banques, cimenteries…).
Cette situation est d’autant plus insupportable que les sociétés de bourse doivent faire face à plusieurs charges incompressibles, dont la plus importante est la masse salariale. A 91 MDH, les charges du personnel consomment, en moyenne, plus de la moitié du chiffre d’affaires global. «Nous essayons d’optimiser la gestion des ressources humaines, mais ce n’est pas toujours évident vu que la réglementation impose un nombre minimum de personnel à avoir avec des murailles de Chine entre un service et un autre», explique le directeur d’une société de bourse. Certains patrons de grandes sociétés de bourse nous ont confié avoir réduit leur effectif en procédant à des réaffectations de quelques membres de leur personnel au sein du groupe. Ils évitent ainsi les licenciements tout en allégeant le poids du personnel pour ne garder que le strict minimum. Aussi, les primes, les revalorisations des salaires qui étaient monnaie courante pendant les années 2006 à 2008, ne le sont plus actuellement. «Nous avons mis en stand-by notre politique de rémunération du personnel en attendant des jours meilleurs», se désole un directeur.
Mais il y a une autre charge qui grève la rentabilité des sociétés de bourse: l’investissement dans la rénovation des systèmes d’information. «Une société de bourse ne peut lésiner sur les moyens pour le renouvellement de son parc informatique ou l’acquisition de logiciels de gestion et de traitement des données…», précise un professionnel. En effet, dans un marché en contraction et compte tenu du nombre important d’intervenants (17), les sociétés de bourse doivent constamment se mettre à niveau sur le plan humain et technique afin de rester compétitives. Du coup, il est difficile de réduire le niveau de ces charges.
Dans ces conditions, le résultat d’exploitation du secteur a viré au rouge, à -3 MDH alors qu’il avait atteint 3,6 MDH une année auparavant. Et tant que le chiffre d’affaires ne se rétablit pas et que les charges opérationnelles demeurent irréductibles, le résultat d’exploitation ne peut que s’enfoncer.
Au final, huit sociétés de bourse sont déficitaires à fin 2014 et trois autres ont vu leur résultat net accuser une forte baisse. Du coup, le résultat net sectoriel a chuté de 45% pour se situer à 14,5 MDH. En plus de la contraction du volume d’activité, les intermédiaires ont enregistré de lourdes pertes au niveau de leurs placements propres sur le marché. Cependant, le reste des opérateurs a pu améliorer ses bénéfices. La meilleure performance est à mettre à l’actif d’Upline Securities dont le résultat net est passé de 1,1 à 9 MDH. Elle est suivie par BMCE Capital qui, après une année 2013 des plus difficiles, a réussi à quintupler son profit annuel à 0,4 MDH.
Compte tenu de cette situation, «ce sera bientôt la fin de l’aventure pour nombre de sociétés de bourse», nous confie un intermédiaire en bourse. Celles de très petite taille plongent en raison de la chute continue des volumes, les autres essayent tant bien que mal de développer des activités parallèles en vue de contrecarrer la baisse des commissions sur transactions. Quoi qu’il en soit, «si les sociétés de bourse en difficulté ne développent pas des activités annexes, elles seront amenées à disparaître», souligne-t-il.
D’ailleurs, le mouvement est déjà entamé avec le rapprochement, il y a quelques mois entre Valoris Securities (ex-Eurobourse) et Capital gestion Group, et tout récemment entre Alma Finance et Africa Capital Partners. Par ailleurs, les bruits du marché parlent d’un rachat par le Crédit Agricole du Maroc de la société de bourse MSIN.
En tout cas, les professionnels contactés assurent que l’heure est à l’accentuation du mouvement de concentration car «la taille du marché, telle qu’il est actuellement, est trop petite pour permettre aux 17 sociétés de bourse de poursuivre leurs activité», ajoute-t-il. «Dans 2 ou 3 ans, l’idéal serait d’avoir sur le marché 7 ou 8 groupes financiers qui devraient se partager le gâteau, d’une manière, disons, égale», conclut-il.
