Argent
Le Trésor redore la signature Maroc à l’international
En réussissant un retour remarquable sur les marchés financiers internationaux, le Royaume a soigné son image de pays fiable, sérieux et apprécié des investisseurs étrangers.
La sortie du Maroc de la liste grise du Gafi lui a permis de faire son grand retour sur le marché financier international, après l’avoir déserté en 2022 à cause de l’extrême volatilité qui y régnait. Le «certificat» de bonne conduite en matière de blanchiment d’argent en poche, les autorités monétaires du Royaume ont réussi, mercredi 1er mars, à lever 2,5 milliards de dollars auprès d’investisseurs étrangers, à l’issue d’un roadshow international mené par la ministre des Finances, Nadia Fettah Alaoui. L’emprunt a été réalisé en deux tranches d’un montant de 1,25 milliard de dollars, selon les données communiquées par le ministère : une première d’une maturité de 5 ans a été émise à un spread de 195 points de base à un taux de 5,95%, et une seconde d’une maturité de 10 ans, émise à un spread de 260 pbs à un taux de 6,4%.
La demande a été largement au rendez-vous, puisque le livre d’ordre a dépassé les 11 milliards de dollars. Ce qui témoigne, selon le département des Finances, «de la confiance dont jouit le Maroc», dont l’économie a fait preuve de résilience dans un contexte de crise et dont les fondamentaux macro-économiques restent solides. Des caractéristiques fortement appréciées des investisseurs internationaux, comme le souligne Farid Mezouar, directeur de FL Market et spécialiste des marchés financiers: «Le papier du Maroc est plutôt prisé par les investisseurs car le Royaume a toujours honoré ses engagements. De plus, avec un déficit budgétaire prévu de 4,6% du PIB en 2023, les finances publiques demeurent sous contrôle», explique-t-il.
Satisfecit également du côté des spreads (primes de risques) obtenus, puisqu’ils sont inférieurs de 40 pbs à ceux proposés à l’ouverture des souscriptions. «Le Trésor a levé ce qu’il souhaitait à des spreads corrects», confirme notre source. «Certes, ajoute-t-il, le niveau absolu des taux peut paraître élevé avec le franchissement du seuil symbolique de 6%, mais il est surtout lié au resserrement monétaire de la FED et de l’envolée des rendements des emprunts en dollars». Toujours est-il que ces spreads sont inférieurs de plusieurs dizaines de points de base à ceux du benchmark.
Une image renforcée à l’international
Au-delà des caractéristiques techniques de cet emprunt obligataire en devises, les implications positives sur l’image du Maroc sont nombreuses. Si la levée constitue d’abord une source de devises qui renforce les réserves de change du pays, elle permet surtout d’habituer les marchés internationaux à la signature du Maroc. La sortie sur le marché international permet en effet de «donner à la signature marocaine une appréciation réelle par les investisseurs, matérialisée par le spread de la levée», poursuit notre source. Ce qui permettra à d’autres entreprises marocaines d’avoir un repère pour des levées potentielles, explique-t-il.
De même, ce spread donne aussi une orientation pour les agences de notation. Ces dernières avaient, rappelons-le, dégradé la note du Maroc après le déclenchement de la crise sanitaire, lui faisant perdre son précieux «Investment Grade». Une note que le Maroc pourrait bien retrouver lors des prochaines évaluations des agences de notation. «Tout est possible, surtout après la sortie de la liste grise du GAFI», assure notre interlocuteur.
De manière plus globale, cette sortie à l’international, et l’appétit des investisseurs étrangers pour le papier Maroc qu’elle a suscité, renforce la «bonne» image dont jouit le Royaume sur les marchés financiers : celle d’un pays stable, sérieux dans la gestion des finances publiques et doté de fondamentaux macro-économiques solides.
Détente sur le marché domestique
Cette levée réussie à l’international a le mérite aussi de sécuriser une partie des besoins du Trésor, sans peser sur le marché obligataire domestique. «Au niveau théorique, cette levée combinée à l’octroi potentiel de 5 milliards de dollars de la ligne de crédit modulable du FMI (voir encadré) place le Trésor dans une position confortable pour gérer ses levées sans peser sur les taux», résume Farid Mezouar.
Attijari Global Research abonde dans le même sens. Dans sa dernière note analytique, la société de recherche affirme que «cette levée devrait partiellement compenser les tombées importantes du Trésor attendues au cours des mois à venir et permettre d’atténuer les pressions haussières sur les taux obligataires en 2023». D’ailleurs, lors de la dernière séance d’adjudication réalisée, mardi dernier, par le Trésor, les taux de rendement de la courbe primaire sont restés quasi stables par rapport à la semaine précédente. Une accalmie bienvenue, dans l’attente de la prochaine décision sur le taux directeur du conseil de Bank Al-Maghrib, dont la réunion est prévue le 21 mars prochain.
Cap sur la LCM du FMI
La sortie du Maroc de la liste grise du Gafi lui donne des ailes sur le plan des financements extérieurs. Après la sortie réussie du Trésor, le Maroc sollicite désormais, à titre de précaution, la ligne de crédit modulable auprès du FMI pour un montant de 5 milliards de dollars. Le Royaume satisfait l’ensemble des critères mis en place par le FMI pour accéder à ce financement qui, à ce jour, n’a été accordé qu’à 5 pays : le Mexique, la Pologne, la Colombie, le Chili et le Pérou. Le Maroc a toutes les chances de son côté, puisque la directrice générale du FMI recommande l’approbation par le conseil d’administration du Fonds de cette ligne de financement. A suivre…