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Le nombre d’interdits bancaires pourrait exploser en 2020
• Plus de 606 350 individus sont interdits bancaires en 2019.
• Le nombre de chèques sans provision est en aggravation depuis le confinement…
• Pourtant les sanctions deviennent moins sévères à partir de cette année.

Dans son rapport de 2019 sur la situation économique, monétaire et financière, la banque centrale révèle que le nombre d’interdits d’émission de chèques s’est aggravé de 3% pour 689 045 cas, dont 88% personnes physiques. En clair, ils sont plus de 606 350 individus à avoir émis des chèques sans provision l’année dernière. Durant l’année en cours, pendant le confinement, le nombre d’incidents de paiement a continué d’augmenter pour atteindre 117 096 cas, soit 52% du total d’incidents déclarés depuis le début de 2020. Le ministère des finances ramène cette situation alarmante à l’impact économique et social de la crise sanitaire et des difficultés financières qui en découlent. Une situation qui va probablement s’aggraver et pourrait menacer la crédibilité du chèque dans les transactions commerciales
Selon les professionnels, l’augmentation du nombre des interdits bancaires au fil des années reflète un manque de connaissance quant à la valeur juridique du chéquier chez certains, ainsi que des lourdes conséquences qui peuvent s’en suivre.
Qu’est-ce qui déclenche une procédure d’interdiction bancaire ?
Tout rejet de chèque n’est pas assimilé à un incident de paiement susceptible d’entraîner une interdiction bancaire. Conformément à la loi, est considéré comme tel tout non-paiement des chèques pour défaut ou insuffisance de provision. Le règlement partiel du chèque à concurrence de la provision disponible, ainsi que le défaut de paiement des chèques émis sur un compte clôturé ou frappé d’indisponibilité sont, par assimilation, considérés comme incidents. «Ce n’est pas le cas de certaines autres formes de rejet, telles que l’absence ou la non-conformité de la signature, la surcharge, non-conformité de la somme en lettres et en chiffres, etc.», explique un directeur d’agence bancaire.
Grâce à un système centralisé qui la lie au réseau bancaire, Bank Al-Maghrib est instantanément tenue au courant de l’incident. Une fois ce dernier vérifié, la banque de l’émetteur devra délivrer au bénéficiaire du chèque un certificat de refus de paiement qui doit mentionner, entre autres, le montant disponible sur le compte de l’émetteur (s’il s’agit d’un compte collectif sans solidarité active, la banque devra délivrer un certificat au nom de chaque co-titulaire).
Dans la foulée, la banque notifie son client émetteur du chèque sans provisions via une lettre d’injonction pour lui restituer incessamment, ainsi qu’à tous les autres établissements bancaires les formules de chèques en sa possession. Dans cette lettre, il lui est également demandé de ne plus émettre, pendant une durée de 10 ans, des chèques autres que ceux permettant le retrait de fonds ou ceux qui sont certifiés, et ce conformément à l’article 313 du code de commerce.
A noter cependant que même en étant interdit bancaire, la personne continuera à faire fonctionner son compte. Elle pourra, par exemple, garder sa carte de retrait, effectuer des virements et opérer certains prélèvements. Elle continuera aussi à recevoir ses relevés bancaires.
Par contre, si malgré l’injonction elle émet un chèque classique, autre que ceux qui lui sont autorisés (certifiés ou de retrait de fonds), la personne encourt non seulement une amende (1 000 à 10 000 DH), mais également l’emprisonnement (1mois à 2 ans). Pour sa part, la banque est obligée de payer les chèques émis en violation de l’injonction de ne plus émettre de chèques, si bien sûr l’émetteur dispose d’une provision suffisante sur son compte. Mais elle devra aussitôt notifier Bank Al-Maghrib.
Il est possible de recouvrer la possibilité d’émettre des chèques conformément à l’article 314 du code de commerce, si la personne s’acquitte d’une amende fiscale auprès de la perception. Jusqu’à l’année dernière, le montant de l’amende était de 5% au premier incident de paiement (1ère injonction), 10% au second et de 20% au troisième.
A partir de 2020, les interdits bancaires payent unanimement et uniquement une amende fiscale de 1,5% du montant. Plafonné à 10 000 DH pour les personnes physiques et 50 000 DH pour les personnes morales, quel que soit le nombre d’incidents de paiement non régularisés, à condition que le règlement de cette contribution intervienne en un seul versement, au cours de l’année 2020. Cette mesure a été étendue, dans le cadre de la Loi de finances rectificative 2020, aux chèques présentés au paiement entre le 1er janvier 2020 et la date de publication de cette loi. Le but étant d’atténuer l’impact économique et social causé par la crise sanitaire de la pandémie et aux difficultés financières qui en découlent pour les citoyens. A en croire un directeur de banque, «plusieurs opérateurs souhaitaient renouer des liens avec leurs banques, mais le coût des amendes pécuniaires relatives aux incidents de paiement s’est tellement alourdi avec le temps, qu’ils avaient les mains liées. Cette initiative du gouvernement est une bouffée d’oxygène pour eux».
En tout cas, une fois que l’émetteur interdit bancaire régularise totalement sa situation, la banque prévient le service de centralisation des incidents de paiements à Bank Al-Maghrib qui supprimera alors le nom du client du fichier national des chèques irréguliers. Il recevra, par la suite, une attestation de régularisation et pourra à nouveau émettre des chèques, une fois sa situation régularisée.
Il faut savoir que tout rejet de chèque entraîne des frais bancaires prélevés directement sur son compte bancaire. Il est donc important de faire des photocopies, réunir les justificatifs des amendes payées pour régulariser le rejet du chèque.
