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Le casse-tête des vices de construction
Tant que la transaction est conclue entre le client et le promoteur,
la responsabilité de ce dernier est engagée de facto, même si c’est une entreprise de construction qui se charge de mener les travaux.
Combien de personnes se sont retrouvées confrontées à des imperfections de construction, après l’acquisition d’un bien immobilier, considéré pour la plupart comme un investissement à vie !
Dès l’occupation des lieux, il est devenu presque normal de refaire la peinture de la maison, quelques prises électriques, tuyaux, ou encore le sanitaire…, et les clients sont nombreux à débourser des sommes assez considérables pour régler ces différents soucis, quelques dizaines de milliers de dirhams à rajouter au coût de financement supporté par le client.
Mais, souvent, certains font face à des soucis bien plus conséquents que cela, comme des fissures au niveau des murs, des problèmes d’isolation, de fils électriques, ou même des défauts de raccordement aux réseaux d’eau, de télécommunications, d’assainissement parfois.
Pour cela, le promoteur est obligé de garantir le bien remis au client.
Il faut tout de même préciser qu’en cas d’existence de vices apparents au moment de la signature de la transaction, aucune garantie n’est mise en jeu, puisqu’ils sont, de fait, acceptés. Mais ils doivent être mentionnés dans le contrat. En revanche, si le promoteur reconnait lui-même l’existence de vices, l’acquéreur peut soit bénéficier d’une baisse du prix d’achat ou carrément une annulation du contrat de vente suivie d’une restitution du prix d’achat.
Cela avant l’occupation des lieux. Mais si cela arrive après la remise des clés, quels recours s’offrent au client ? «Il devra s’adresser directement au promoteur, le notifier et l’inciter à réparer l’anomalie liée à la construction», explique un avocat au barreau de Casablanca.
Le client ne doit pas s’arrêter là, surtout si le promoteur se montre réticent ou s’il le fait languir. Il devra même faire constater le dégât en question par un huissier ou un expert immobilier. Au sens de l’article 554 du Dahir des Obligations et des Contrats (DOC): l’acheteur doit, sans délai, faire constater l’état de la chose vendue par l’autorité judiciaire, ou par experts autorisés…, il est tenu de prouver que les vices existaient déjà au moment de la réception.
Dans la pratique, pour mettre en jeu la garantie des vices cachés, l’acquéreur doit réunir un certain nombre de conditions. Il doit ainsi prouver que le vice est bien antérieur à la date de la livraison, qu’il réduit sensiblement l’usage du bien immobilier en question et qu’il n’en avait pas connaissance au moment de la conclusion du contrat.
Deux ans de garantie réglementaire
Il faut savoir qu’il existe un délai de garantie accordé aux clients pour constater tout vice ou défaut de construction. Il est de deux ans selon la loi sur la protection du consommateur (article 65). Autrement dit, l’occupant dispose de deux années, à partir de la date de la remise des clés, pour déclarer tout défaut qu’il aura constaté sur son lieu d’habitation.
Certains promoteurs offrent une garantie d’un an sur leurs biens commercialisés. «Il ne s’agit pas de 365 jours stricto sensu. En fait, cette année de garantie proposée par le promoteur vient s’ajouter aux deux autres qu’offre la loi. Dans ce cas, il bénéficie de 3 années complètes de garantie», explique cet avocat.
Les faits étant établis, à quel point la responsabilité du promoteur est engagée? «Elle l’est contractuellement. Le promoteur est le seul interlocuteur du client et c’est à lui que revient la charge de rétablir les dommages qui lui sont causés», insiste notre source. Pourtant, il pourrait ne rien à voir dans une affaire pareille, puisque lui-même charge une entreprise de construction de monter le bâtiment.
Autant la solidité du bâtiment et ses fondations sont couverts obligatoirement par la garantie décennale et font l’objet de contrôles et de vérifications par un bureau d’études, autant la qualité du bâti n’est soumise ni à une obligation réglementaire ni à une norme précise.
Comment s’en sortir dans ce cas ? S’adresser au tribunal au risque de débourser des sommes colossales, bien plus supérieures à celles relatives à la réparation du dégât? Poursuivre le promoteur jusqu’à obtention de ses droits ? Les associations de protection des droits du consommateur reçoivent plusieurs dossiers en la matière de clients s’estimant lésés en découvrant des vices qui étaient cachés.
Dans la pratique, le promoteur pourrait prendre sa responsabilité en main et réparer les dégâts survenus, mais cela reste conditionné au degré de sérieux et à la réputation du professionnel.
C’est pour cette raison, entre autres, que Bouazza Kharrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur, appelle à la mise en place d’une instance qui aura pour mission le contrôle du produit bâti, à rendre obligatoire le respect des normes marocaines dans les produits et matières de construction et aussi à se référer aux associations des droits du consommateur, pour tout différend avec le promoteur.
Dans l’attente de la publication du code de la construction, ce type de problèmes continuera à exister et à faire des mécontents. Pourtant, il réglera bien les différends et les difficultés qui surviennent entre les promoteurs et les clients, puisqu’il comprend les règles à suivre en matière de construction en vue d’assurer aussi bien la solidité, la structure que la qualité du bâtiment.
Vice et défaut de construction, quelle différence ?
On a tendance à évoquer vice en tant que défaut et vice versa. Ce n’est nullement la même signification. D’ailleurs, le DOC, dans son article 549, précise que le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur ou la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature ou d’après le contrat.
Par contre, les défauts qui diminuent légèrement la valeur ou la jouissance et ceux tolérés par l’usage ne donnent pas ouverture à garantie. Bien qu’il n’y ait aucune classification ou encore une liste exhaustive des vices et défauts, l’usage fait que les vices soient relatifs à l’humidité par exemple, aux infiltrations, aux fuites d’eau, à des fissures dans les murs, etc.
En revanche, les défauts qui ne donnent pas lieu à la garantie, eux, sont toutes les autres imperfections que le client aura constatées mais qui ne gênent pas l’occupation quotidienne des lieux et n’impactent en rien le lieu de vie, comme l’isolation acoustique par exemple.