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LafargeHolcim Maroc bétonne bien son développement
Première capitalisation industrielle, le groupe a pu maîtriser l’impact du chamboulement macroéconomique sur son activité, en augmentant les prix de vente mais aussi en misant sur les énergies renouvelables.
LafargeHolcim Maroc est la 5e plus grande capitalisation de la Bourse de Casablanca, avec 32milliards de dirhams. C’est aussi l’un des plus importants industriels du ciment au Maroc. Parmi ses réalisations, la tour BCP à CFC, la voie express Tiznit-Laâyoune, le chantier naval de Casablanca, l’UM6P, le pont à haubans Sidi Maârouf… A côté, c’est l’une des sociétés qui réalise les marges les plus importantes de la cote.
Son chiffre d’affaires s’est inscrit en hausse de 17,4% à 8 milliards de dirhams en 2021, alors que la consommation nationale du ciment s’est située à 14 millions de tonnes, en croissance de 14,8%. Au 1er semestre de l’année dernière, ses revenus ont connu une stagnation (4 milliards de dirhams) pendant que les écoulements du produit, au niveau national, ont reculé de 4,5%. Ces réalisations ont été observées dans un contexte d’augmentation générale des prix des intrants sur le plan international et qui se sont répercutés automatiquement sur les prix de vente. En effet, le principal intrant utilisé dans la fabrication du ciment, à savoir le petcoke, a connu une hausse vertigineuse ; le prix du baril du pétrole s’est, quant à lui, situé en moyenne à 99 dollars en 2022, 71 dollars en 2021 et 42 en 2020, soit des augmentations respectives de 40% et 70%. Pourtant, le coût d’achat des matières premières n’a entamé le chiffre d’affaires de LafargeHolcim que de 32,5% au 1er semestre 2022, contre 28,5% en 2021. Comparativement à 2019, l’achat des intrants a représenté 29,6% des revenus du groupe. Pour faire simple, les matières premières utilisées représentent plus ou moins 30% du chiffre d’affaires du groupe, quelles que soient les conditions macroéconomiques, aussi bien au niveau national qu’international. Au final, la marge d’exploitation qui était de 43% en 2021 est tombée de 6points à 36,5%.
Hausse des prix de vente
Dans un contexte de baisse nationale de la consommation du ciment et de forte hausse des prix des intrants, réaliser des revenus presque stables, sur une année glissante, revient à opérer des augmentations sur le prix de vente du ciment, c’est mécanique. Et c’est justement ce qui nous a été rapporté par les quelques opérateurs du BTP approchés : tous les cimentiers ont opéré deux augmentations de prix l’année précédente d’environ 5% chacune. Actuellement, le prix d’un sac de ciment Cpj 35 est aux alentours de 74 DH HT, prix départ, contre 77,75 DH pour le Cpj 45, auxquels s’ajoute la marge des intermédiaires. Il est évident que ces prix varient en fonction des régions. Ce changement de prix a donc pu compenser, ne serait-ce qu’en partie, les pertes qui pouvaient être occasionnées au niveau des volumes de vente.
Et si LafargeHolcim a maintenu le cap, c’est qu’il y a une autre variable qu’elle a su maîtriser tout au long de son expérience au Maroc. Il s’agit de l’énergie. Pour être moins dépendante des énergies fossiles, mais aussi réduire son empreinte carbone et marquer son implication dans le développement durable du pays, LafargeHolcim a donc très tôt misé sur les énergies vertes, avant même que les deux sociétés fusionnent. D’ailleurs, le groupe se targue de disposer de la première usine au monde fonctionnant entièrement à l’éolien : il s’agit de l’usine de Tétouan, d’une capacité de plus d’un million de tonnes. En parallèle, la société explore et exploite les combustibles alternatifs là où ils se trouvent : huiles usées en collaborant avec des stations-service, cendres volantes, pneus déchiquetés… À ce jour, plus de 82% de la consommation électrique de LafargeHolcim Maroc provient de sources renouvelables. Sa dernière implantation à Agadir, âgée maintenant de presque 2 ans, a été conçue, dès sa construction, pour optimiser les consommations d’énergie et d’eau, et pour réduire son impact carbone. Dès 2023, elle utilisera de l’énergie verte – de l’électricité éolienne et des combustibles alternatifs -, comme le font déjà les autres usines du groupe.
Couverture territoriale
Côté implantation, la cimenterie a réussi son maillage territorial au fil des années. Elle est actuellement présente dans toutes les régions, du nord au sud, en passant par le centre. Sept cimenteries sont ainsi opérationnelles à Tétouan, Settat, Bouskoura, Fès, Meknès, Oujda et Agadir. Cela, en plus de centres de broyage, de chaux, de mortier… D’une capacité de production supérieure à 14 millions de tonnes, toutes usines de ciment regroupées, «la société tourne à une part de marché entre 50 et 55%, en termes de capacité installée», estime un analyste. Toutefois, aucune information ne filtre sur les volumes produits, sur les prix de vente et encore moins sur le poids de la société parmi les autres cimenteries, même auprès de l’APC (Association professionnelle des cimentiers), «pour des raisons de compliance».
Du reste, le groupe LafargeHolcim Maroc est organisé en deux branches d’activité dont le gros est accaparé par le ciment. Les autres segments sont essentiellement relatifs au béton, granulats et mortier. Mais ces derniers ne représentent qu’une infime part du chiffre d’affaires du groupe, soit 7% en 2021.
Retour à la normale en 2023 ?
L’environnement global demeure incertain, compte tenu du manque de visibilité dans la crise entre la Russie et l’Ukraine et l’ampleur de ses répercussions sur le secteur. Néanmoins, un retour à des niveaux normaux est attendu du côté de la consommation du ciment, surtout avec la reprise des chantiers de l’État et le besoin grandissant d’accompagnement dans les provinces du sud. Rappelons tout de même qu’avec une production de 12,5millions de tonnes, les cimenteries ne tournent pas à plein régime. «LafargeHolcim utilise entre 55 et 60% de sa capacité de production installée», considère un spécialiste. Parallèlement, une détente est prévue sur les prix des produits énergétiques, notamment le pétrole dont les signes de relâchement commencent déjà à se faire sentir, avec un baril avoisinant
87 dollars, en moyenne, observé depuis le début de cette année. Sur la base de ce scénario, les marges opérationnelles des sociétés de ciment s’en trouveraient améliorées. LafargeHolcim Maroc devrait ainsi continuer à déployer des efforts en termes d’optimisation des coûts, tout en restant focalisée sur le développement de son offre. Mais encore faut-il que les programmes étatiques reprennent, ceux des promoteurs immobiliers également. Le secteur draine une part importante des écoulements du ciment, et une reprise du ciment en bonne et due forme reste dépendante de l’immobilier…