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La Bourse perd son attractivité par rapport au marché des taux

Les rendements faibles refroidissent les opérateurs. L’attentisme des opérateurs devrait se poursuivre tout au long du 1er semestre. L’effet de base de ces deux derniers exercices limitera la hausse de la capacité bénéficiaire en 2018.

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Bourse casablanca

La place financière de Casablanca est en baisse de régime depuis quelques semaines. Le Masi a fait du surplace durant le mois d’avril (-0,26%), ramenant sa performance annuelle à 5,16%. Le niveau des volumes a sensiblement baissé sur la même période, avec un flux transactionnel de 2 milliards de DH, contre 3,07 milliards de DH un mois avant.

Outre le fait que durant cette période les investisseurs institutionnels prennent des décisions stratégiques sur la base des résultats annuels, le climat du marché boursier reflète un relâchement d’intérêt de la part des opérateurs. Une situation attribuable, en grande partie, au niveau de distribution des dividendes jugé plus faible que l’année dernière, alors que les analystes tablaient sur des rémunérations bien plus importantes de la part de quelques valeurs de la place (LafargeHolcim, Cosumar, Sonasid, etc…). Certes, les sociétés cotées devraient distribuer près de 21,7 milliards de DH de dividende, soit 5,7% de plus par rapport à 2016, mais en rapportant ce montant à la capitalisation, le rendement des dividendes de la place a reculé de 0,5 point, passant de 3,8% en 2016 à 3,3% en 2017. En parallèle, les ratios de valorisation ont connu une légère dégradation, avec un PER de 20,6x contre 20,1x en 2016, supérieur à son niveau moyen des dix dernières années qui ressort à 19,3x les bénéfices. Le ratio Price to Book (rapport entre la capitalisation boursière et la valeur comptable) a pour sa part diminué de 2,5 points sur les dix dernières années, compte tenu d’une progression plus importante des fonds propres comparativement à celle des capitalisations boursières.

Dans ces conditions, l’arbitrage entre le marché des taux et le marché action est quasiment neutre. «Actuellement, le rendement du marché des taux n’est pas très valorisant, celui du marché boursier ne l’est pas non plus, mais son risque demeure élevé contrairement au premier qui est nul», résume un analyste.

Si cette situation perdure, on devrait incontestablement assister à des mouvements de réallocation de ressources du marché actions vers celui des taux.

L’un dans l’autre, les opérateurs sont rentrés dans une phase de scepticisme, en attendant l’évolution des agrégats économiques en 2018. «Sur le plan économique, les agrégats semblent relativement bien orientés (voir encadré), malgré une relative décélération par rapport à 2017. Toutefois, nous n’aurons pas de visibilité avant la fin du 1er semestre», affirme un analyste. En clair, si l’économie tourne et que la consommation suit, les résultats financiers des sociétés seront impactés positivement. Sauf que la consommation des ménages pourrait se montrer plus «réfléchie», compte tenu du rapprochement des dates de certains événements, à savoir la coïncidence des vacances scolaires avec le mois de Ramadan en juin, Aid Al Adha en août précédant de quelques jours la rentrée scolaire.

En attendant plus de clarté, les investisseurs vont s’orienter vers le stock picking (recherche d’actions qui vont performer le mieux), plutôt que de se focaliser sur les fondamentaux des valeurs. Ils vont surtout se positionner sur celles qui assisteront potentiellement à des mouvements stratégiques : cession, acquisition ou distribution supplémentaire de dividendes d’ici la fin de l’année, etc.

Les analystes prudents sur 2018

Cette année, la capacité bénéficiaire devrait rompre avec son évolution à deux chiffres enregistrée en 2016 et 2017. Les analystes de CFG Bank tablent sur une croissance du RNPG global limitée à 6%, tandis que BMCE Capital Research réduit cette hausse à 4% qu’elle détaille dans ses dernières prévisions. En effet, les analystes de la société de bourse prévoient pour les 40 principales valeurs de la cote (qui représente plus de 95% de la capitalisation boursière) une progression de 4% de leur capacité bénéficiaire globale à 32,2 milliards de DH.

Une décélération qu’ils expliquent en partie par un effet de base suite aux importantes évolutions des deux dernières années, principalement suite à l’effet mécanique de la non-récurrence de l’impairment test (test de cohérence entre la valeur nette comptable des actifs incorporels et leur valeur d’usage) de Ciments du Maroc, de la non-constatation d’une plus-value exceptionnelle pour le groupe Managem suite à la cession de l’un de ses actifs en 2017, l’impact de l’entrée en vigueur de la nouvelle norme IFRS 9 pour les établissements financiers. Et, enfin, le mix produits défavorable attendu pour les valeurs agro-industrielles combiné à la hausse de la fréquence des sinistres automobiles pour les assureurs cotés.

En détail, les revenus de 2018 sont attendus à la hausse de 5,7% à 230,1 milliards de DH, intégrant, une augmentation escomptée du chiffre d’affaires des valeurs industrielles de 4,9% à 150 milliards de DH, grâce notamment aux performances commerciales d’Alliances, du fait notamment de l’intégration du produit de son opération de titrisation de 1,1 milliard de DH (décalé de 2017). De Total Maroc et Afriquia Gaz, portées par la poursuite du trend haussier des cours du pétrole à l’international.

Les sociétés financières devront également renforcer leur PNB de 5,9% à 62,6 milliards de DH, grâce à une amélioration de 8,6% de la marge sur commissions ainsi qu’à une progression attendue des marges d’intérêts de près de 6%, compte tenu d’une reprise de l’activité d’intermédiation. Sur le même trend, les compagnies d’assurances verront leurs primes d’assurances se bonifier de 12, 7% à 17,5 milliards de DH, suite à l’entrée en vigueur en 2018 de nouvelles garanties obligatoires (TRC, RCD et CAT NAT) devant générer un chiffre d’affaires additionnel ainsi qu’aux effets induits par la tenue du Salon de l’automobile.

Toujours selon BMCE Capital, la capacité bénéficiaire de ces valeurs couvertes devrait se consolider de 4% à 32 milliards de DH, intégrant notamment une amélioration de 3,1% du bénéfice net des industries à 18,3 milliards de DH, grâce aux bonnes réalisations attendues d’Alliances, Maroc Telecom et Total Maroc.

Les sociétés financières devront enregistrer une progression limitée à 5% de leur capacité bénéficiaire, contre une croissance de 9,3% en 2017, pour se fixer à 12,3 milliards de DH, impactés par une hausse anticipée de 19,4% du coût du risque des valeurs bancaires, suite à l’application à partir de cette année de la norme IFRS 9 devant engendrer un provisionnement supplémentaire conséquent.

En parallèle, la masse bénéficiaire des assureurs devrait se contenter d’une croissance modérée de 5,3% à MAD 1,5 milliard de DH, du fait de la hausse de la fréquence des sinistres automobiles et du ralentissement de la progression du résultat financier (+6,5% en 2018 contre +12,1% en 2017).

[tabs][tab title = »Des agrégats économiques bien orientés en 2018″]Selon les derniers chiffres du Haut commissariat au plan, la croissance économique nationale se serait accélérée au quatrième trimestre 2017 pour s’établir à 4,1% contre 1% à la même période de 2016. Une performance générée principalement par la hausse de l’activité agricole et d’une progression modérée des activités non agricoles. En glissement annuel, la valeur ajoutée du secteur primaire a augmenté de 10,9% en volume portée par le rebond de 13,1% de l’activité agricole au lieu d’une baisse de 13,7% une année auparavant. Côté emplois, la bonne orientation du PIB au 4e trimestre 2017 aurait profité de la progression de la demande intérieure matérialisée par la hausse des dépenses de la consommation finale des ménages de 3,4%. La baisse des prix à la consommation y aurait notablement contribué au même titre que l’accroissement en variation annuelle de 3,1% de l’encours des crédits à la consommation et de 18,9% des recettes des MRE. Dans ces conditions et compte tenu de la bonne campagne agricole qui semble se confirmer, BMCE Capital research a revu à la hausse son scénario économique, portant sa prévision centrale de croissance du PIB à 3,4% en 2018 (contre 3% auparavant et 3,3% récemment publié par la banque centrale). Une mise à jour tient compte d’une valeur ajoutée agricole en amélioration de 1,8% (contre -2,5% précédemment).[/tab][/tabs]