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La Bourse de Casa attractive malgré ses nombreux problèmes
La reprise économique et la dynamique régionale du pays constituent des atouts, selon des investisseurs étrangers. Ces derniers prennent leurs décisions d’investissement sur la base de la qualité du management et de la valorisation des entreprises.

La Bourse de Casablanca perd progressivement de son attractivité aux yeux des investisseurs locaux. La morosité qui s’est installée depuis 2008 a entraîné une chute des volumes, une contraction des indices et, partant, un repli remarquable de la capitalisation boursière. A cela s’est ajoutée une série de mauvaises nouvelles concernant les compagnies immobilières (CGI, Alliances…) et la Samir. Tout cela dans un contexte économique qui n’était pas des plus favorables. Ceci a conduit nombre d’investisseurs à quitter la bourse ou, au mieux, à geler leurs positions sur le marché en attendant des jours meilleurs.
Néanmoins, les investisseurs étrangers demeurent intéressés par la place casablancaise. Selon certains d’entre eux, elle regorge d’opportunités de placement aussi bien dans les grosses capitalisations que dans les petites et moyennes entreprises de la cote. C’est en tout cas la conclusion que l’on peut tirer de la deuxième édition de la One-on-One Equity Conference, organisée par CFG Group les 1er et 2 octobre, et qui a réuni 30 sociétés dont 6 étrangères et 50 investisseurs étrangers.
L’investissement des étrangers et MRE en actions cotées s’est élevé à 152 milliards de DH à fin 2014, en hausse de 9,54% par rapport à fin juin de la même année. Cependant, il faut relativiser cette progression car elle est principalement due à un effet prix : le Masi a enregistré une performance de 5,5% l’année dernière. Elle résulte donc marginalement d’une progression du stock car, à prix constants, l’investissement étranger en bourse ressort en croissance de 2,2% seulement. De plus, la capitalisation boursière flottante détenue par les étrangers et les MRE représente 13,8% de la capitalisation flottante globale, un poids en baisse de 35 points de base.
Toujours est-il que la Bourse de Casablanca reste, aux yeux des investisseurs étrangers, l’une des plus intéressantes de la région, de par la dynamique régionale du pays et les plans sectoriels mis en place pour relancer l’économie et qui devraient se refléter sur les réalisations des sociétés cotées. En outre, Ouissem Barbouchi, président fondateur du fonds panafricain OBAFRICA AM, avance : «On a accès à des sociétés qui disposent d’un management de grande qualité et qui nous offrent également une exposition sur l’Afrique subsaharienne avec une vision à long terme qui nous convient». Aissam Ayyari, directeur du département étranger à la société de bourse Tunisie Valeurs considère pour sa part que le Maroc a déjà entrepris les privatisations nécessaires, ce qui a profité à la place financière du pays. Allusion faite, entre autres, à Maroc Telecom, aux sociétés du secteur cimentier, à certaines industries… «Chose qui n’a pas été faite en Tunisie. Le pays n’a pas eu le courage d’assainir et de mettre sur le marché des mastodontes à l’instar de Tunisie Telecom. A ce jour, l’entreprise est en difficulté financière et ne peut être cotée sur le marché boursier tunisien», ajoute-t-il, tout comme Tunisiana qui fait toujours partie des actifs étatiques après sa confiscation au cercle de l’ex-président déchu Benali, alors que l’Etat n’a pas vocation à gérer ce genre d’entreprises. Résultat: «Le marché tunisien demeure très étroit. La Bourse de Casablanca représente 6 fois la taille de la Bourse de Tunis. De plus, on a beau déplorer le manque de liquidité au Maroc, la place casablancaise draine un volume quotidien de 15 millions de dollars contre à peine 2 millions de dollars pour la Bourse de Tunis», détaille M. Ayyari. Autre élément important à citer : une bonne partie de l’économie marocaine est représentée au sein de la Bourse de Casablanca, contrairement à la Bourse de Tunis.
En tout cas, les investisseurs étrangers s’intéressent au Maroc et à la Bourse de Casablanca, mais quelles entreprises ou secteurs ciblent-ils au juste ? Pour certains, les grosses capitalisations rentrent dans leur ligne de mire, mais ne constituent pas le seul segment d’investissement. Le fonds OBAFRICA AM s’est d’abord intéressé au secteur bancaire avant d’étendre ses placements aux secteurs de l’industrie et des biens de consommation de base. Les deux critères fondamentaux qu’il prend en compte sont la qualité du management et la valorisation de l’entreprise. «Il est clair que Maroc Telecom, Attijariwafa bank ou BMCE Bank, pour ne citer que ces valeurs, ne proposent pas un potentiel de croissance mirobolant. Mais si on regarde un peu plus bas dans la cote, il existe plusieurs valeurs comme Dari Couspate, Oulmès, Lydec, Salafin…, qui sont loin des radars mais qui restent attractives pour un investisseur qui a un horizon d’investissement moyen à long», explique notre source. En tout cas, le fonds OBAFRICA AM réserve une part de 9% au Maroc et son gestionnaire compte la porter à 15%. Encore mieux, M.Barbouchi nous confie être en cours de réflexion pour le lancement d’un fonds dédié exclusivement au marché marocain. Pour un autre investisseur étranger, requérant l’anonymat, les valeurs de grande taille sont les plus plébiscitées du fait de leur taux de rendement, mais aussi de leur taux de rotation sur le marché. «On est très souvent amené à réaliser des arbitrages entre les valeurs de la bourse marocaine ou même entre les titres des bourses africaines. Il nous est primordial de pouvoir effectuer des transactions rapidement. D’où notre choix de miser sur les grosses capitalisations», argumente-t-il.
Cela dit, la Bourse de Casablanca, bien qu’attractive aux yeux des étrangers, continue de souffrir de plusieurs lacunes. Pour commencer, ils considèrent que le marché marocain n’a toujours pas suffisamment corrigé, et ce, en dépit de la baisse de ces 5 dernières années. En cause, la contraction des cours s’est accompagnée d’un repli continu des résultats. Du coup, la Bourse marocaine est toujours classée dans la catégorie des places financières chères. «Le marché égyptien, lui, enregistre de fortes corrections et est connu pour être parmi les plus volatils de l’Afrique. Et c’est justement cette volatilité qui est recherchée par les investisseurs étrangers et qui n’est malheureusement pas présente au Maroc», compare M. Ayyari.
En tout cas, pour le marché marocain, ces investisseurs s’attendent à une chose parmi ces deux : soit une poursuite de la baisse de l’indice boursier, soit une reprise forte et durable de l’activité économique qui pousserait les entreprises cotées à revenir à un rythme de croissance satisfaisant et qui, partant, devrait positionner la place casablancaise parmi les plus intéressantes en termes de valorisation.
La chute de la liquidité conjuguée à l’étroitesse du marché sont aussi des freins au développement de la bourse. Elargir la base des entreprises cotées et attirer davantage d’investisseurs, particuliers et institutionnels, sont donc nécessaires pour promouvoir le marché. Selon M. Ayyar, «la création d’un marché des produits dérivés ou la mise en place des ETF (fonds indiciels) ne sont pas considérées comme des solutions adaptées pour régler le problème de la liquidité». Abondant dans le même sens, M. Barbouchi n’est pas aussi intéressé par les ETF que par l’investissement direct dans les sociétés cotées. Enfin, un autre problème persiste, c’est celui de la carence en termes de communication financière des sociétés de la cote. Les investisseurs étrangers déplorent le manque de détails et d’explications dans les communiqués de presse de certaines sociétés cotées et continuent de regretter la non-disponibilité de la version anglaise de l’ensemble des publications.
