SUIVEZ-NOUS

Argent

La BCE frappe fort sur les taux, malgré les turbulences bancaires

La Banque centrale européenne ne s’est pas laissé effaroucher par le risque d’une nouvelle crise bancaire et a tranché jeudi pour un nouveau relèvement des taux d’un demi-point de pourcentage afin de combattre l’inflation, jugeant que les banques de la zone euro étaient solides et «résilientes».

Publié le


Mis à jour le

Les gardiens de l’euro sont toutefois prudents sur la suite du resserrement monétaire et ont renoncé à leur engagement de relever encore «sensiblement» les taux dans les mois à venir.

«Il n’est pas possible de déterminer à ce stade quel sera le chemin à suivre» sur les taux, a reconnu la présidente de la BCE, Christine Lagarde, alors que la déroute aux États-Unis de la Silicon Valley Bank (SVB) et les inquiétudes autour de Credit Suisse secouent fortement les marchés depuis une semaine.

Première grande banque centrale à rendre une décision depuis le début des turbulences boursières, la BCE s’est livrée à un véritable exercice d’équilibriste assurant qu’il n’y avait de «compromis» à faire ni sur la stabilité financière ni sur celle des prix.

Cette fermeté a quelque peu rassuré les Bourses européennes qui ont clôturé en hausse : Paris a pris 2,03%, Francfort 1,57%, Milan 1,38% et Londres 0,89%, des gains toutefois moins élevés que leurs pertes de la veille.

Depuis vendredi dernier, la faillite de la SVB et de deux autres banques régionales américaines a ravivé le spectre de la crise financière de 2008 qui avait déstabilisé l’économie mondiale.

Mercredi, c’est le géant helvétique Credit Suisse qui a essuyé la pire séance de son histoire en Bourse après un mouvement de panique lié à des doutes sur sa solidité.

Mais le secteur bancaire «est actuellement dans une position beaucoup plus solide qu’en 2008», a assuré Christine Lagarde face à la presse, ajoutant que la BCE agirait «si nécessaire».

Face à l’envolée des prix dans le sillage de l’offensive russe en Ukraine, la BCE a entamé en juillet un cycle inédit de hausses des taux, stoppant près d’une décennie d’argent pas cher afin de freiner la demande. Toute autre décision qu’une hausse de 50 points de base, annoncée dès février, aurait été vue comme une volte-face et une atteinte à la crédibilité de la BCE, estiment plusieurs analystes.

Les taux d’intérêt de la BCE se situent désormais dans une fourchette comprise entre 3 et 3,75%, au plus haut depuis octobre 2008. Les prochaines décisions monétaires seront «dépendantes des données» financières et économiques du moment, a martelé à plusieurs reprises la première gardienne de l’euro.

Aux États-Unis, la Fed va se trouver face à un dilemme similaire la semaine prochaine, lors de sa prochaine réunion sur les taux.

Les hausses de taux sont une arme à double tranchant pour les banques commerciales : d’un côté leurs nouveaux prêts rapportent davantage d’intérêts, de l’autre leurs actifs au bilan peuvent souffrir, avec un risque d’impayé accru chez les emprunteurs les plus fragiles et une chute mécanique des cours d’obligations en portefeuille qui a été fatale pour SVB.

L’institution de Francfort a aussi pris en compte l’accalmie sur les marchés boursiers après les efforts déployés de part et d’autre de l’Atlantique pour rétablir la confiance des investisseurs dans le secteur bancaire.

Des médias américains ont fait état jeudi de la possible intervention de grandes banques américaines pour aider l’établissement régional First Republic, une autre banque fragilisée ces derniers jours. Cette hypothèse a fait rebondir la Bourse de New York.

Les marchés européens ont aussi été rassurés par l’annonce de Credit Suisse qu’il allait faire appel à la banque centrale suisse pour emprunter jusqu’à 50 milliards de francs suisses (50,7 milliards d’euros). Le titre Credit Suisse est parvenu à regagner plus de 19% jeudi.

La BCE n’en a pas fini avec son resserrement monétaire, car «l’inflation devrait rester trop forte pendant une trop longue période», a prévenu Mme Lagarde.

L’inflation en zone euro a reculé en février pour le quatrième mois d’affilée à 8,5% en glissement annuel, mais l’inflation dite «sous-jacente», hors énergie et alimentation, a grimpé au niveau record de 5,6%.