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Galeries d’art : marge nette de 13% pour moins de 1MDH investi
Une galerie d’art de 50 m2 dans un quartier central peut rapporter 165 000 DH annuellement. Avant de se lancer dans ce business, un galeriste doit obligatoirement connaître le métier et disposer d’une écurie d’artistes. La commission du galeriste peut atteindre 50% de la vente d’une pièce.

Le marché de l’art suscite de plus en plus d’engouement. Bien que légèrement rattrapé par la crise, il offre d’intéressantes opportunités de placement. Dans un contexte de fléchissement des rendements financiers, avec une bourse en baisse depuis 2008, et un marché immobilier en léthargie, les plus-values intéressantes pouvant être dégagées sur une courte durée ne laissent pas les épargnants indifférents. Nonobstant cela, le marché de l’art n’est frappé d’aucune taxe, contrairement aux autres produits d’épargne.
Cet emballement a poussé nombre de personnes à ouvrir leur propre galerie, car aussi bien les collectionneurs que les galeristes profitent des gains. D’ailleurs, les pionniers du marché que La Vie éco a contactés affirment l’ouverture de plusieurs galeries au cours des quatre dernières années. Sauf que, l’absence d’un cahier des charges et le manque d’organisation du secteur ont scindé le marché en deux catégories. «D’une part, les galeries d’art qui se chargent tant des expositions de collections que de la production d’artistes et de l’édition. D’autre part, les marchands d’art qui se limitent à la seule exposition des œuvres d’un artiste tout en assurant leurs commissions», éclaire Nawal Slaoui, administratrice et fondatrice de la galerie Cultures Interface. Aziz Daki, directeur associé de l’Atelier 21, ajoute que la participation aux foires internationales, en vue de conquérir de nouveaux marchés pour l’artiste, est une fonction tout aussi importante pour le galeriste que la production. Il va même jusqu’à assimiler une galerie qui ne produit pas d’artistes à une épicerie. En effet, une galerie d’art doit accompagner un artiste tant financièrement que techniquement pour qu’il puisse mener à bien son travail. Elle se doit aussi d’éditer des catalogues définissant le thème autour duquel s’articule l’exposition et assurer la médiatisation.
Quoi qu’il en soit, en début d’activité, une galerie d’art devrait forcément jouer le rôle d’intermédiaire entre le collectionneur et l’artiste. C’est à mesure que ses revenus se développent et partant, son carnet d’adresses, qu’il devra passer vers la production et l’accompagnement. Mais avant tout cela, il faut disposer d’un portefeuille d’artistes, appelé «écurie d’artistes». Mme Slaoui recommande à cet égard d’avoir des connaissances approfondies du marché, des artistes en vogue, du type d’art du moment et des tendances du secteur.
Il est préférable de louer le local
En tout cas, pour se lancer dans ce business, il faut disposer d’un budget non négligeable. En général, une personne souhaitant investir dans une galerie doit au préalable trouver un local de 50 à 80 m2, avec un bon emplacement et facilement accessible à la clientèle. Il est conseillé de s’orienter vers la location puisque l’acquisition d’un local demeure coûteuse au début de l’exploitation.
Ce local doit être aménagé en deux espaces. Le premier, aménagé en salle d’exposition, devrait accaparer les deux tiers de la superficie. Le tiers restant, devrait être réservé à la conservation des œuvres. M.Daki attire l’attention sur la nécessité de maintenie par un dispositif d’hygrométrie une température idéale dans l’espace de stockage afin d’éviter la dégradation des toiles par l’humidité. Ainsi, l’aménagement du lieu (cloisons, peinture…) peut coûter la bagatelle de 300000 DH. S’y ajoute l’équipement. Il faut entendre par cela l’éclairage qui constitue le gros de cette rubrique avec pas moins de 250 000 DH. Il est conseillé dans ce domaine d’opter pour des spots assurant un éclairage adéquat qui ne nuise pas aux tableaux exposés, hormis les autres lumières nécessaires aux autres endroits.
Il faut compter également 100 000 DH pour l’achat de matériel et mobilier de bureau, et disposer d’un fonds de roulement de 200 000 DH au minimum pour faire face aux charges de fonctionnement. En tout, l’investissement de départ devra tourner autour de 850 000 MDH.
Après l’ouverture, le galeriste doit supporter des dépenses récurrentes relatives au loyer, à la masse salariale et aux divers services. En effet, un local de 50 m2, situé dans un quartier central peut être loué à 10 000 DH mensuellement, ce qui revient à 120000 DH par an. A côté de cela, un galeriste devrait employer au minimum un coursier et un chargé de relation avec les clients, soit une masse salariale de 10000 DH par mois. Il faut ensuite débourser près de 3 000 DH par mois pour les autres diverses charges, à savoir l’électricité, le téléphone et internet.
Mis à part cela, doivent être pris en compte les charges variables liées surtout à l’organisation des expositions. Il faut entendre par cela l’élaboration des catalogues d’exposition pour chaque artiste, les prises de vue, la conception graphique, les cartons d’invitation, les cocktails des vernissages et toute la campagne de communication objet de ladite exposition. Pour cela, il faut compter en moyenne 50 000 DH mensuellement, ce qui, ajouté aux amortissements relatifs à l’aménagement, hisse le montant des charges annuelles à 1 MDH.
La machine commence à tourner à partir de la 2e année d’activité
Mais n’espérez pas un retour sur investissement dès la première année d’activité. Les galeristes contactés estiment que même avec une écurie d’artistes, il faut attendre au moins deux années pour que la machine commence à tourner. Il faut savoir tout d’abord que les expositions et les ventes peuvent s’effectuer de deux manières différentes. Le galeriste peut soit exposer la collection de l’artiste et prendre une commission sur les œuvres vendues, soit l’acheter entièrement ou en prendre juste quelques pièces, s’il dispose des moyens financiers nécessaires. Dans ce dernier cas, les œuvres qui n’ont pas été écoulées sont déposées dans l’espace réservé au stockage dans la galerie et mis en vente au fur et à mesure. D’ailleurs, «les oeuvres prennent de la valeur avec le temps. Contrairement aux sociétés commerciales et industrielles qui cherchent à écouler leurs stocks, les galeries, elles, gagnent à conserver le plus longtemps possible les oeuvres de qualité», souligne M.Daki.
En tout cas, une galerie, quelle que soit sa taille, réalise en moyenne 4 expositions par an et, dans chacune d’elles, une trentaine de tableaux y sont exposés. Ses recettes sont composées essentiellement des commissions prélevées, en accord avec l’artiste, sur les tableaux vendus. Elles peuvent atteindre 50% de la valeur de l’œuvre mise en vente. Ainsi, si l’on considère qu’une vingtaine de tableaux sont vendus à l’occasion de chaque exposition et qu’en moyenne le revenu généré de chaque vente est de 15000 DH par tableau, selon les dires des spécialistes, les recettes annuelles peuvent se chiffrer à 1,2 MDH.
En y retranchant la part relative à l’impôt sur les sociétés qui est de 15%, sachant que la majorité des galeries sont constituées sous forme de SARL, le bénéfice net annuel s’établit à près de 165 000 DH, soit une marge bénéficiaire de 13,7%. Les professionnels rapportent que cette marge pourrait même dépasser 25% dans les années d’euphorie.
