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Argent

Faut-il réinvestir à  la Bourse de Casablanca ?

Elle affiche une progression honorable mais reste suspendue au retour des investisseurs.
Les experts étrangers trouvent qu’elle présente beaucoup d’atouts mais ne sait pas se vendre hors Maroc.
Les institutionnels locaux pensent que le renouveau doit venir de l’intérieur.

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rub 5772

Depuis le début de l’année, la Bourse affiche des performances honorables qui rompent avec les mésaventures des dernières années. Un regain d’intérêt des investisseurs est perceptible sur le marché. Les volumes en attestent, mais aussi la physionomie des transactions qui concernent désormais la quasi-totalité des titres de la cote. La reprise est-elle acquise pour autant ? Rien n’est moins sûr. Mais ce qui est encourageant c’est cette prise de conscience des professionnels du marché financier marocain qui veulent, aujourd’hui plus que jamais, écrire une nouvelle page et faire avancer les choses. La Bourse de Casablanca a organisé en début de semaine le premier symposium des marchés financiers. C’était une belle occasion pour débattre du rôle des investisseurs institutionnels et des investisseurs étrangers dans le renouveau du marché boursier. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu autant de gestionnaires de fonds, responsables de sociétés de bourse, représentants du ministère des Finances, du CVDM, de la Direction des impôts… réunis autour de la même problématique.
Les investisseurs étrangers peuvent accompagner la reprise, mais qu’est-ce qu’ils pensent d’abord de notre marché ? Pour Albert Momdjian de Merrill Lynch International, le Maroc dispose de plusieurs atouts, mais il ne les exploite pas suffisamment.

« Il ne suffit pas de réaliser, il faut aussi (et surtout) communiquer»
Le responsable de la banque d’affaires estime qu’il y a une culture financière qui commence à s’installer au Maroc par rapport aux pays de la région qu’il suit (Proche-Orient et Afrique du Nord). Il pense également qu’il y a beaucoup de progrès en terme de créativité, de réformes, de management… mais que l’ensemble n’est pas porté à la connaissance des investisseurs. « Il ne suffit pas d’avoir une économie vibrante, une bourse technique, une réglementation sécurisante pour attirer l’investisseur étranger. Il faut être agressif, il ne viendra pas si vous n’allez pas le chercher », confirme son homologue de Merchantbridge. Le Maroc a un déficit de communication criant, contrairement aux « Tunisiens et Egyptiens qui viennent nous voir tous les mois ». Mais est-ce la seule chose qui manque ? Non, bien évidemment. L’investisseur étranger exige des résultats au moins tous les trois mois, ne mise que sur des secteurs qu’il connaît bien (pétrole, institutions financières, télécom, tourisme…) ou déniche les petites entreprises qui présentent un très fort potentiel de développement. Les hedge funds (fonds de pension) consacrent 10 % de leur portefeuille international à cette catégorie. Il y a donc du chemin à faire puisque nos résultats sont semestriels, les secteurs fétiches ne sont pas cotés à la Bourse de Casablanca et notre «nouveau marché» ne compte qu’une seule société qui n’a d’ailleurs pas été bien accueillie (ou bien comprise ?) par les intervenants. Plus globalement, les investisseurs étrangers n’arrivent pas à donner un label au Maroc dans sa région. Ils associent par contre plus facilement les pays du Golfe au gaz et au pétrole, ceux de la vallée du Nil à la richesse hydraulique et électrique, à l’espace géographique et à la fiscalité attrayante, ceux du Levant au manque d’industries mais à l’essor des entreprises de services… Le Maroc devra, selon eux, chercher un positionnement clair et devrait le matérialiser dans sa Bourse et sa région. Le constat a été fait que très peu d’entreprises locales ont un rôle régional… Des idées ont été émises pour s’engager plus sérieusement dans le processus de reconstruction de l’Algérie. Les experts étrangers estiment aussi que le Maroc «ne profite pas assez des investisseurs du Golfe qui se sentent chez eux au Maroc et qui disposent de fonds qui ne demandent qu’à être placés».
Les experts étrangers ont été, dans leur globalité, plus satisfaits de la Bourse marocaine que leurs homologues locaux.
Pour les investisseurs institutionnels marocains, le débat est ailleurs. «On n’a pas un problème de contenant, mais de contenu», avance Abdeslam Boumehdi, patron de la société de gestion CD2G qui estime que le renouveau doit venir de l’intérieur. La réforme du système des retraites, le développement de l’épargne salariale… sont autant de chantiers qui devront être construits avec les locaux qui n’ont pas beaucoup d’alternatives… C’est l’avis aussi de Abdessamad Issami, président du directoire d’Upline Securities qui estime qu’un premier rendez-vous a été raté alors que les choses avaient très bien commencé. Il met cela sur le dos de l’absence de culture financière à l’époque. Mais il pense que la fenêtre d’opportunité s’ouvre une deuxième fois avec la nécessaire mise à niveau économique et financière des entreprises marocaines… Seulement, elle s’ouvre pendant un laps de temps très court. Il faut donc en profiter très rapidement.
Mais les deux catégories sont d’accord. Elles veulent une « nouvelle histoire » à raconter. Il faudrait commencer dès aujourd’hui à la rédiger.