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Epargne-retraite : l’impact chiffré du plafonnement des déductions

Le plafond est maintenu à  50% du salaire net imposable après le deuxième vote de la première Chambre.
Avec une cotisation s’élevant à  80% d’un salaire net imposable de 50000 DH, l’économie d’impôt passera de 13 167 DH à  9500DH.
Le manque à  gagner est plus visible pour les épargnants qui virent leur prime annuelle dans le compte d’épargne.

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Epargne retraite 11111 2015 01 01

Les produits d’assurance-retraite ont constitué ces dernières années un outil efficace de mobilisation de l’épargne à long terme. Nombre de Marocains y ont souscrit, attirés par les rendements proposés mais surtout par les avantages fiscaux qu’ils offrent, notamment, dans le cas des salariés, la déductibilité totale des cotisations du salaire net imposable. Afin de bénéficier au maximum de cet avantage fiscal, beaucoup de salariés, disposant d’autres revenus (fonciers, agricoles, mobiliers…), affectent une grande partie, voire la totalité de leur salaire, à cette retraite complémentaire. Même ceux qui ne disposent d’aucun autre revenu parallèle se dirigent vers cette alternative. Ils déposent ainsi l’intégralité de leur salaire net imposable dans leur compte d’épargne-retraite et prennent ensuite des avances de la compagnie d’assurance, qui peuvent atteindre 80% de l’épargne constituée, qu’ils peuvent rembourser sur une période allant jusqu’à cinq ans. Dans ce cas, le client supporte un coût lié au remboursement de ladite avance, équivalent au taux de revalorisation de son épargne augmenté de 2 points en moyenne. Toutefois, rares sont les compagnies qui appliquent cette bonification. Le coût de ce prêt se trouve ainsi annulé puisque la totalité de l’épargne continue à être rémunérée et valorisée au taux de rendement en vigueur, sans que la compagnie ne prenne en compte le montant de l’avance prise. Au final, le client en ressort gagnant sur tous les fronts. Cela dit, «le cas le plus fréquent est celui des personnes touchant des primes de fin d’année qu’elles consacrent entièrement à l’épargne-retraite», souligne un assureur.
Avec tous ces avantages, les épargnants y trouvent leur compte mais les assureurs aussi puisque leur activité est dopée par les cotisations collectées. D’ailleurs, la branche «Vie» qui intègre les produits d’épargne-retraire représente entre 40 et 90% du chiffre d’affaires des compagnies d’assurance de la place.

Toutefois, ces pratiques des salariés, jugées abusives, ont poussé le gouvernement à introduire une mesure dans le projet de Loi de finances qui plafonne la déduction des cotisations à l’épargne-retraite à 10% du salaire net imposable. Un coup dur aussi bien pour les épargnants que pour les assureurs. Un amendement de cette mesure a néanmoins été introduit par la Chambre des conseillers, relevant ce plafond à 50% du salaire net imposable. Lundi 22 décembre, le projet de Loi de finances a été voté en deuxième lecture par la Chambre des représentants. Le plafond de cette déduction a été maintenu à 50%. Malgré cela, les assureurs déplorent toujours l’impact de cette mesure sur leur activité. L’un d’eux explique : «Cela va inévitablement créer un effet dissuasif pour les épargnants, surtout ceux qui touchent de gros salaires et qui en dirigent une grande partie vers ce produit». Et d’ajouter: «Au mieux, leurs cotisations seront limitées au plafond de la déduction autorisée ; la différence devrait être orientée vers d’autres produits de placement à fiscalité moins élevée».
D’autre part, les projecteurs sont tellement braqués sur cette mesure qu’une autre mesure est passée sous silence, sans que la communauté financière ne lui accorde de l’importance. Il s’agit de l’imposition des remboursements au titre des avances contractées sur les comptes d’épargne-retraite (voir encadré).

Concrètement, quel sera l’impact chiffré de ce plafonnement des déductions sur les salariés épargnants ?

Prenons le cas d’une personne percevant un salaire net imposable de 25 000 DH par mois et consacrant 70% de ce revenu à l’épargne-retraite, soit 17 500 DH mensuellement ou 210 000 DH annuellement. Avec la déductibilité totale des cotisations, ce salarié réalise une économie d’impôt de 4 617 DH par mois, soit 55 404 DH par an. Cette économie est équivalente à l’imposition de la part réservée à l’épargne-retraite au taux marginal de 38%, de laquelle est retranchée la somme à déduire correspondant aux tranches de taux inférieures. Avec le plafonnement de la déduction à 50% du salaire net imposable, seuls 12 500 DH du montant de la cotisation seront exonérés de l’IR, le reste (5 000 DH) sera soumis à un impôt de 30%, ce qui correspond à 333 DH par mois ou 3 996 DH par an. Du coup, l’économie d’impôt tombe à 4 584 DH mensuellement, soit 55 000 DH par an.
Dans ce cas précis, l’impact de la mesure fiscale est faible compte tenu de la tranche de salaire retenue. Dans d’autres cas, le manque à gagner devient plus important.
Supposons qu’un salarié touche un revenu net imposable de 50000 DH et qu’il verse 80% de son salaire dans sa retraite complémentaire, ce qui correspond à 40000 DH par mois. Sans plafonnement de la déduction, ce salarié réalise une économie d’impôt de 13 167 DH par mois, soit 158 000 par an.
Avec la limitation de la déduction à 50% du salaire net imposable, seuls 25 000 DH ne seront pas fiscalisés. Donc avec une cotisation de 40 000 DH mensuellement, ce sont 15 000 DH qui seront soumis à un IR de 38%, soit un impôt à payer de 3 667 DH par mois. Par conséquent, l’économie d’impôt sera ramenée à 9 500 DH au lieu de 13167 DH. Le manque à gagner annuel s’élève donc à 44 000 DH. Si ce même salarié avait choisi de virer l’intégralité de son salaire vers son compte de retraite complémentaire, il réaliserait, avant le plafonnement de la déduction, une économie de 16 967 DH par mois, soit 203 600 DH par an. Avec le plafonnement de la déduction à 50% du salaire, seuls 25000 DH seront exonérés. Il devrait donc verser au titre de l’IR 7 467 DH par mois, soit 89 600 DH annuellement.

La perte réalisée sur l’économie d’impôt est plus palpable dans le cas de l’allocation de la totalité de la prime annuelle vers ce produit d’épargne.
En maintenant notre exemple d’un salaire net imposable mensuel de 50000 DH, d’une cotisation à hauteur de 80% de ce revenu et en y ajoutant une prime de fin d’année de 100000 DH réservée intégralement à l’épargne retraite, le salaire global du dernier mois de l’année s’élèverait à 150 000 DH et la cotisation se monterait à 140 000 DH. Compte tenu de cette rémunération, le salarié réalise une économie d’impôt de 51 167 DH dans le cas de la déductibilité totale. Compte tenu du plafonnement de la déduction à 50% du salaire net imposable, le salarié ne bénéficiera que de l’exonération sur 75000 DH et devrait donc s’acquitter d’un IR de 22 667 DH. En plus clair, au moment où il économisait 49 267 DH, il n’économiserait plus que 28 500 DH.

Malgré cette nouvelle mesure, il faut dire que les salariés épargnants restent bénéficiaires vu qu’une grande partie de leurs cotisations ne sera pas soumise à l’impôt. De plus, ils continueront à tirer profit d’un autre avantage fiscal, notamment l’abattement de 40% sur l’épargne constituée s’ils choisissent de la liquider sous forme de capital revalorisé au lieu d’une rente viagère. De plus, ils pourraient opter, pour le paiement de l’IR correspondant, pour un étalement sur 4 années. Ce qui pourrait ramener le taux de l’IR à une tranche inférieure.
Pour rappel, les avantages fiscaux liés à l’épargne retraite sont soumis à deux conditions. La première concerne la durée du contrat qui doit être de 8 ans au minimum et la seconde porte sur l’âge de l’assuré qui doit avoir au moins 50 ans au moment de la liquidation du contrat.