Argent
Des clés pour participer à une augmentation de capital
Les augmentations de capital visent deux objectifs : développement ou redressement financier.
Dans les deux cas, plusieurs paramètres doivent être pris en compte
: métier, qualité du management, actions prévues…
Nos conseils pour acheter intelligent.

Depuis l’exercice écoulé, l’une des vocations premières de la Bourse se confirme progressivement, avec une succession d’opérations ayant pour dénominateur commun l’appel lancé par l’entreprise au marché pour qu’il lui apporte de l’argent frais. Aussi, si vous faites partie de ceux qui gèrent directement un petit paquet d’actions, vous serez de plus en plus amené à intégrer, dans l’univers des placements possibles, l’option de participer à de telles opérations.
Mais que recouvre exactement une augmentation de capital ? Comment juger de l’opportunité qui vous est offerte d’y participer en tant qu’ancien ou nouvel actionnaire ?
Il faut tout d’abord rappeler que l’augmentation de capital en numéraire (voir encadré) est une sorte de vente d’actions dont le produit revient à l’entreprise et donc, indirectement, à l’ensemble des actionnaires.
Une telle opération peut répondre à deux objectifs majeurs.
Recapitalisation pour sauvetage de société
Premier objectif : redresser une situation financière. Confrontées à de graves difficultés financières, certaines sociétés se retrouvent parfois avec un capital considérablement amoindri par les déficits reportés, ou en deçà du minimum légal (pour des secteurs réglementés, tels la banque ou l’assurance). Et, généralement, devant une telle déroute, la société est difficilement finançable par emprunt car, soit elle est déjà techniquement en dépôt de bilan, soit le coût de tout éventuel concours est exorbitant (spread très élevé exigé par les banques ou les détenteurs d’obligations, vu le risque important). Aussi, la société n’a-t-elle d’autre choix que de se tourner vers les actionnaires pour lever les fonds nécessaires, en leur faisant miroiter un potentiel de redressement ponctué par une remontée du cours boursier. (Certains petits porteurs du CIH espèrent toujours que leurs actions acquises à 300 DH retrouvent leur niveau d’antan !). Ceux qui, en tout cas, ont pris part, ces deux dernières années, aux augmentations de capital de la Sofac (100 MDH en décembre 2003) et de La Marocaine Vie (220 MDH en juin 2004) ont de quoi jubiler car leur choix d’investissement s’est avéré judicieux.
Ainsi, la société de crédit à la consommation, dont la promulgation de la nouvelle loi sur le traitement des créances en souffrance avait mis à nu le sous-provisionnement, de près de 130 MDH à fin juin 2003, contre des fonds propres qui avaient périclité à 111 MDH, a réussi, en moins de deux ans, à renouer avec les bénéfices et retrouver le chemin d’une saine croissance de ses encours. Un rétablissement promptement salué par les investisseurs puisque, sur 17 mois (de la date de la cotation des titres post-augmentation au 15 juillet 2005), le cours s’est apprécié de 52% ou 74% selon que l’on retienne ou pas le coût d’acquisition du droit de souscription. Ce qui correspond à une performance, au titre de la même période, oscillant entre 4 et 6 fois celle de l’indice général de la bourse, le Masi.
Quant à la filiale d’assurance du groupe Société Générale, qui a dû, en deux ans, tendre la sébile à deux reprises à ses actionnaires pour reconstituer les fonds propres et sa marge de solvabilité, elle peut, à son tour, aujourd’hui, se targuer d’avoir redressé une situation qui paraissait désespérée. Et le marché a suivi, orientant le cours à la hausse au fil des signaux positifs, dont le point d’orgue a été le dégagement d’un résultat net positif au titre de l’exercice 2004. En effet, depuis la première cotation, au lendemain de la recapitalisation de juin 2004, la valeur de l’action a progressé de 84% ou 135%, respectivement en tenant compte ou pas du droit de souscription.
Mais ces deux histoires d’augmentation de capital couronnées de succès (du moins jusqu’à présent) ne doivent pas occulter un élément important : la recapitalisation dans le cadre d’un plan de restructuration est certes indispensable car elle apporte une bouffée d’oxygène à une trésorerie souvent asséchée, mais elle n’est pas suffisante. Le redressement passe inéluctablement par des actions volontaristes telles l’amélioration de la productivité, la réduction drastique des coûts, l’éradication des foyers de perte, le recentrage sur le métier de base, la renégociation de la dette, voire parfois le changement de management ou la cession partielle d’actifs. Ce qui doit se traduire par le maintien d’un périmètre de revenus pérennes à même de dégager un cash-flow opérationnel suffisant pour financer l’investissement de maintien de l’outil de production et, surtout, rembourser normalement les créanciers, avant d’espérer rémunérer les actionnaires par la reprise de la distribution des dividendes.
Bref, avant de voler à bourse déliée à la rescousse d’une société en déroute, vous devez être convaincu (au regard des éléments précités) par le plan concocté par le management ou l’actionnaire de référence.
Avec deux opérations de sauvetage par «coup d’accordéon» programmées au cours de ce deuxième semestre 2005 (dont l’une en cours de réalisation), vous êtes déjà interpellé pour une éventuelle participation. L’opération de Papelera de Tetuan, déjà lancée, est vraisemblablement la plus risquée. D’abord, en raison du manque d’informations communiquées par la société durant ses derniers semestres et, ensuite, car le repli du chiffre d’affaires est tellement important que la séquence précitée paraît difficilement soutenable. Et ce, sans parler du risque de liquidité du titre qui pourrait même pousser l’actionnaire de référence à retirer sa filiale de la cote. L’autre opération attendue et qui concerne le CIH mérite, pour sa part, d’être soigneusement appréciée car les prémices d’un redressement sont là. Reste à connaître les modalités de l’opération (notamment la décote du prix d’émission par rapport au cours boursier) et les termes d’une éventuelle entrée au capital de la Caisse d’épargne française.
Financement de la croissance (interne ou externe)
L’augmentation de capital peut répondre par ailleurs à un deuxième objectif : financer le développement d’une affaire relativement saine. En effet, certaines sociétés affichent un rythme de croissance important, qu’il n’est pas toujours aisé d’autofinancer. Une réalité d’autant plus vérifiable que le parcours économique de la société peut connaître ponctuellement une inflexion exponentielle avec la signature d’un nouveau contrat colossal (commande importante, grand chantier décroché…), lancement de nouvelles unités (accroissement de la capacité de production…) ou encore l’absorption d’une autre société dans le cadre d’une croissance externe. Certes, l’endettement peut servir de levier pour améliorer le ROCE (retour sur capitaux employés). Encore faut-il que cet endettement ne vienne pas accroître le risque de la société (solvabilité érodée) et, partant, le coût de ses fonds propres (actionnaires exigeant une prime de risque plus importante pour financer quoi que ce soit).
Ainsi, pour maintenir un certain équilibre de son haut du bilan, la société peut simultanément faire appel aux créanciers et aux actionnaires pour de telles opérations, notamment dans des secteurs où des exigences minimales de fonds sont requises. Ce qui a été le cas de Crédor, en 2002, qui voulait financer la croissance de la production (+11% par an) tout en anticipant les conséquences des nouvelles règles prudentielles plus sévères en matière de provisionnement. Ainsi, l’ex-filiale du groupe Bennani-Smires avait augmenté le capital de 30 MDH (pour le porter à 150 MDH) avec une prime d’émission globale de 24 MDH (80 DH par action). La particularité de cette opération est que le droit de souscription avait une valeur théorique nulle à la veille de son détachement (2 juin 2002) car le prix d’émission est relativement cher. Et pourtant l’opération a été une réussite. Les actionnaires ayant participé à l’opération et s’étant maintenus dans le capital jusqu’à l’Offre publique d’achat lancée par Wafasalaf, en septembre 2004, ont tout de même réalisé une plus-value de 58% sur 28 mois et ce, sans compter les dividendes empochés en 2002 et 2003 (10 DH par action).
Pour ce qui est des appels de marché pour financement de croissance externe, l’opération d’envergure (1 milliard de DH) récemment lancée par Afriquia Gaz en est la parfaite illustration. La filiale du groupe Akwa ambitionne, en rachetant un concurrent (Tissir Primagaz), de donner naissance à un leader en distribution de GPL (Gaz et pétroles liquéfiés) au Maroc. A ce niveau, les critères d’évaluation de création de valeur pour les actionnaires (anciens et nouveaux) sont assez différents. Il s’agit plutôt de juger du potentiel de synergies que recèle l’opération, à travers la complémentarité (géographique et opérationnelle) des deux prétendants au mariage, à travers les économies d’échelle et l’aptitude de juguler les risques d’exécution (intégration des effectifs, fusion des systèmes d’information…). En somme, le nouvel ensemble doit démontrer que, avec du savoir-faire, 1+1 font plus que deux. Seule prouesse pouvant déboucher in fine sur un profit par action supérieur à celui de l’ancien périmètre. De façon plus technique, cette performance est réalisable si le taux anticipé de réinvestissement après impôts des fonds collectés est supérieur à l’inverse du PER (multiple cours sur bénéfice net). Autrement, il y a dilution des paramètres financiers et le mariage s’avère peu fécond.
Au demeurant, le couple rendement/risque doit être apprécié en fonction des arguments d’anciens actionnaires – qui tentent de glorifier le passé en vantant les mérites de l’histoire qu’ils ont écrite jusqu’à présent – et les hésitations de nouveaux prétendants au capital – qui se focalisent outre-mesure sur l’incertitude du futur qu’on tente de leur vendre.
