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Comment gagner en Bourse à  l’aide de l’analyse technique

Alors que notre marché recourt encore à  l’analyse fondamentale, sous d’autres cieux,
les traders ne jurent que par l’analyse technique.
Elle fait appel à  la «psychologie» du marché qui
ressort des graphiques d’évolution des cours.
Elle n’est pas réservée aux professionnels mais exige un
investissement
en temps pour en retirer les enseignements.

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Contrairement à l’analyse fondamentale, qui part de la réalité économique et de l’étude des principaux indicateurs des sociétés (chiffre d’affaires, part de marché, portefeuille de produits, résultats, fonds propres, endettement…) pour aboutir à son évaluation approximative, l’analyse technique emprunte une autre voie, celle de la statistique. Cet outil, prisé sur les places financières développées se base sur l’observation des graphiques. «Et rien que les graphiques», insiste Gérard Sagnier, chef du département analyse technique chez Crédit Agricole Asset Management (France) et auteur d’un livre sur l’analyse technique (voir interview en page suivante). C’est une approche, nous dira-t-il, qui s’appuie sur la répétition du comportement humain pour identifier le moment opportun pour acheter ou vendre.

Selon lui, «l’appât du gain et la peur de la perte constitueront toujours l’expression de toute la psychologie du marché.» La méthode est universelle en ce sens qu’on peut l’utiliser pour analyser n’importe quel graphique, qu’il concerne les actions, les indices boursiers, les matières premières, etc., et sur n’importe quel marché, qu’il soit local ou international. Puisque – et c’est sa principale caractéristique – elle est plutôt liée aux émotions des investisseurs. «Emotions, d’accord, mais qui nécessitent une palette d’indicateurs pour les décrypter correctement et pouvoir en tirer le meilleur», avance Mostafa Chakroune, day trader pour son propre compte, adepte de l’analyse technique et patron de TPS Fin une entreprise qui cherche à promouvoir l’usage de cette méthode au Maroc à travers la formation, les solutions informatiques et le conseil aux investisseurs.

L’avertissement est ainsi donné : si la méthode est universelle et, mieux encore, si elle n’est pas exclusive aux professionnels, il faut investir en temps pour comprendre ses tenants et aboutissants. Car ses configurations sont multiples : il faut identifier les «fanions», «biseaux», «têtes et épaules», «drapeaux», «gaps» et autres tendances «haussières», «baissières» ou «horizontales». Idem pour les indicateurs techniques, avec des appellations aussi mystérieuses que les «bandes de Bollinger», le «RSI», le «MACD», les «moyennes mobiles», le «momentum» ou encore les «stockastiques».

Appliquée au marché marocain, elle annonce un risque de retour du Masi à la zone de 10 250 points
L’analyse technique dispose en effet d’une batterie de quelque deux cents indicateurs techniques qui vous permettront d’étayer votre jugement sur la valeur, mais les experts recommandent de se concentrer sur un nombre réduit, qui ne se démode pas, mais qu’il faut parfaitement maîtriser. Avantage, aujourd’hui, il est relativement facile pour un particulier boursicoteur d’accéder aussi bien à la connaissance de la méthode que de télécharger l’outil en tapant «analyse technique» sur les moteurs de recherche de Net. Pour le reste, il faudra s’armer d’un peu de patience et constituer son propre modèle d’indicateurs.

En attendant, force est de constater que le marché marocain est peu habitué à cette méthode. En ce sens que ses analystes recourent essentiellement à l’analyse fondamentale qui fait, il est vrai, davantage appel à la raison. «Mais les choses commencent à changer», avance, très enthousiaste, Mostafa Chakroune, avec une demande grandissante de la part des professionnels du marché et de quelques investisseurs particuliers, fortunés pour la plupart. C’est ce qui explique d’ailleurs l’organisation, ces vendredi 6 et samedi 7 avril, d’un workshop et d’un séminaire spécialisé, auxquels La Vie éco est associé.

Pour Gérard Sagnier, l’indice marocain, le Masi, actuellement à 11 500 points, «reste, certes, dans une configuration très haussière, mais il se pourrait qu’une consolidation à court terme puisse se mettre en place». Faisant appel à l’analyse technique, il conclut que «le principal indicateur mathémathique, le RSI(1), ne suit pas la même tendance et pourrait construire une divergence baissière». De ce fait, «le risque serait alors, peut-être, d’un retour vers la zone 10 250 points.» Autrement dit, une baisse de 8,7% par rapport au cours du vendredi 30 mars.

Ceci pour le marché dans sa globalité. Maintenant, pour les valeurs cotées, Gérard Sagnier estime par exemple que Managem a un potentiel haussier sur zone de 620 dirhams, et Diac Salaf de 260 dirhams. Dans le même sens, La Samir dispose également d’un potentiel haussier à 1 150 dirhams, au même titre qu’IB Maroc.com, mais sur une de zone 325 dirhams. Le reste des principales valeurs lui paraissent «évoluer dans des configurations de neutralité et stabilité, voire de risque de correction baissière…».

Pour sa part, Mostafa Chakroune pense que le marché devra tester une résistance (borne supérieure) de 11 700 points. S’il la dépasse, il cherchera à atteindre le seuil psychologique de 12 000 points. Autrement, il s’affaiblira et ce sera dans ce cas un signe de retournement de tendance qui mettra fin au cycle haussier (voir graphique en page 49) entamé il y a sept ans en 2000.

Interview
Gérard Sagnier(*) : «Il faut commencer par créer sa méthode personnelle de trading»

La Vie éco : Question incontournable : Comment faire pour gagner en Bourse ?
Gérard Sagnier : Pour gagner en Bourse, il faut d’abord créer une méthode personnelle basée sur une observation technique et visuelle des marchés. Il faut ensuite comprendre l’aspect fondamental des fortes tendances pour le long terme et adapter les outils choisis à sa personnalité et à son propre goût du risque. Il faut enfin respecter les deux grandes lois du trading et du money management, à savoir «couper les pertes au plus tôt» et «laisser courir les gains».

Vous parlez d’analyse technique, c’est quoi au juste ?
L’analyse technique, c’est d’abord la recherche de configurations spécifiques du comportement du plus grand nombre des opérateurs, permettant de prévoir les prises de positions à venir du marché. Elle est basée sur la répétition du comportement humain : l’appât du gain, la peur de la perte constitueront toujours l’expression de toute la psychologie du marché. L’analyse technique, c’est aussi la gestion du visuel. Autrement dit, avec la seule lecture du visuel, on peut anticiper l’avenir. Sans ouvrir un débat contradictoire, c’est l’anti-fondamental : on ne doit regarder que le visuel, les graphes et uniquement les graphes : l’analyse technique est universelle quels que soient les graphiques que l’on étudie.

Quels sont les avantages de cette méthode par rapport à l’analyse fondamentale ?
Elle apporte un grand plus au fondamental : elle est un apport supplémentaire dans le processus de décision de gestion ; elle améliore le timing.
Par contre, l’analyse technique est spécialisée dans le court terme : une vision au-delà de
6 ou 9 mois ne paraîtrait pas réaliste. De plus, l’analyse technique se confond souvent dans le trading court terme : elle donne un point d’intervention avec un immédiat point d’invalidation «STOP» ; elle donne aussi un point de sortie (cible choisie).

En quoi consiste votre métier d’analyste technique. Comment se déroule votre journée-type ?
Le métier consiste à renseigner quotidiennement tous les gestionnaires et décisionnaires des évolutions techniques des différents indices et titres. L’information est rapidemment donnée quand un signal d’achat ou de vente se déclenche. Un bon nombre de documents et graphiques sont envoyés pour illustrer les explications. De plus, une gestion suivie et contrôlée applique l’ensemble des signaux donnés et tente ainsi de mesurer la valeur ajoutée de l’analyse technique.

Est-ce que tout le monde peut faire de l’analyse technique ?
En principe, tout le monde peut faire de l’analyse technique.
Ce n’est pas une question de particulier ou de professionnel. Il faut un état d’esprit un peu abstrait, qui arrive à interpréter la lecture d’un graphique, en sachant observer la psychologie collective qui se cache derrière. De plus, il faut investir dans la connaissance des différentes écoles, approches, méthodes. Il faut savoir passer énormément de temps à l’étude du maximum de graphiques.

Quels conseils donneriez-vous aux particuliers pour tirer pleinement profit de l’analyse technique ?
Ils doivent se doter d’un excellent logiciel d’analyse technique qui leur mâchera le travail et calculera tous les indicateurs importants. Ils doivent aussi consacrer beaucoup de temps à l’observation et à la construction d’une méthode claire et simple basée sur leur propre psychologie et sur leur degré d’aversion au risque.

Le marché marocain privilégie l’analyse fondamentale par rapport à l’analyse technique. A quoi attribuez-vous cela ?
Le marché marocain est jeune. Néanmoins, les règles de base de l’analyse techique et du trading s’appliquent à n’importe quel marché. La décision est VISUELLE. Donc, quelle que soit la nature du graphique étudié (titre, indice, monnaie, taux…),
la décision restera toujours la même ; l’analyse est universelle.
Seulement, il arrive d’exiger un fichier historique de cours assez long pour pouvoir appliquer le principe de l’histoire qui se répète parce que le comportement humain est toujours identique. Peut-être le marché marocain manque-t-il encore un peu d’historique.
(*) Auteur d’un livre intitulé «Apprendre à anticiper les retournements de tendance sur les actions», paru chez Edouard Valys. Gérard Sagnier est responsable du département analyse technique au sein du Crédit Agricole Asset Management (France), où il s’est spécialisé dans les retournements de tendance.