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Argent

Comment est géré l’argent de vos retraites

Les politiques d’investissement de la CNSS, de la CMR et du RCAR, trop axées sur les bons du Trésor, produisent de faibles taux de rendement.

A la CIMR, un modèle basé sur la diversification a permis des taux supérieurs à  10%.

Les caisses publiques sont freinées par des contraintes réglementaires.

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La réforme du système des retraites est une problématique à  laquelle le gouvernement marocain et les acteurs concernés n’ont toujours pas apporté de réponse. Faut-il relever l’âge de la retraite ou augmenter les taux de cotisation ? Faut-il fusionner l’ensemble des caisses de retraite en une seule ou plutôt mettre en place deux régimes, un pour le privé et un pour le public ? Aucun de ces scénarios n’a été retenu pour l’instant, et l’on attend les conclusions d’un cabinet d’études français chargé de réexaminer le dossier pour pouvoir lancer le chantier de la réforme.
Cela dit, il existe un volet, qui n’a pas été analysé en profondeur lors du diagnostic du système, et qui peut aider significativement à  remédier au problème de vieillissement de la population et de durée de viabilité des caisses de retraite. Il s’agit de la gestion financière de celles-ci. En effet, la politique d’investissement des excédents (correspondant à  la différence entre les cotisations des adhérents et les prestations servies aux retraités) accumulés par les régimes de retraite présente plusieurs faiblesses. Par exemple, les taux de rendement annuels réalisés par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS, régime de base des salariés du privé) sur ses placements durant ces dernières années ne dépassent pas la barre des 6%. Ceux de la Caisse marocaine de retraite (CMR, régime de base des fonctionnaires) sont en constante baisse depuis 2001, passant de 7% à  moins de 4,6% actuellement. Seule la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR, régime complémentaire des salariés du privé) affiche des taux de rendement assez confortables, dépassant les 10%. Or, il faut savoir qu’un point de pourcentage de plus dans le rendement d’une caisse de retraite permet de rallonger sa durée de vie de plusieurs années.
Comment s’explique la différence entre le taux de rendement de deux caisses de retraite ? La réponse est simple. La structure des placements d’un régime conditionne significativement le rendement qu’il réalise.

De faibles rendements suite à  la baisse des taux des bons du Trésor
Prenons le portefeuille d’investissement du Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR, régime des employés des établissements publics) qui se chiffrait, à  fin 2006, à  43,13 milliards de DH en valeur de marché. Ce qui est le plus marquant dans sa composition, c’est que plus de 80% de son volume est placé dans les bons du Trésor et les OPCVM investis en obligations, instruments dont le rendement s’est fortement effrité durant ces dernières années. La part allouée aux actions et aux OPCVM actions et diversifiés, en revanche, n’est que de 17,7% et ce, malgré le bon comportement du marché boursier depuis l’année 2003. Quant aux placements dans l’immobilier, ils ne représentent que 0,6% du portefeuille de placements. Avec cette structure, le régime a réalisé un taux de rendement annuel moyen de 6,82% entre 2004 et 2006.
La situation est similaire à  la CMR, qui gère les retraites des fonctionnaires, et qui a dégagé un taux de rendement annuel moyen de 5,87% sur la même période. Les bons du Trésor et OPCVM obligataires représentent 80,5% du portefeuille de la caisse qui se chiffre, à  fin 2007, à  53,23 milliards de DH. Alors que la part des actions est réduite à  19,13%, et celle de l’immobilier ne dépasse pas 0,41% du total.

A la CNSS, le schéma est tout autre. En effet, il n’y a de placement ni dans les actions ni dans l’immobilier. Les réserves, qui ont totalisé 19,64 milliards de DH à  fin 2006, sont rémunérées à  hauteur de 63,12% selon le taux des bons du Trésor à  15 ans, 21,04% selon le taux des bons du Trésor à  10 ans, 4,33% selon le taux des bons du Trésor à  5 ans et 11,51% selon le rendement d’un fonds commun de placement (FCP), obligataire également, géré par la filiale de gestion d’actifs de la CDG.
Enfin, la CIMR, qui affiche le rendement le plus élevé de la place, se distingue par un portefeuille de placements plus diversifié, lui permettant de profiter au maximum de la performance des marchés. Avec une valeur à  fin 2006 de 18,8 milliards de DH, il est placé à  hauteur de 49,3% dans les actions cotées (y compris les OPCVM actions), 46,34% dans les valeurs d’Etat et OPCVM obligations, 1,11% dans les actions non cotées, 2,34% dans des fonds à  l’étranger, 0,64% dans l’immobilier, 0,26% dans les métaux précieux et enfin 0,01% dans les devises.
Les règles prudentielles des caisses de retraite sont rigides
L’objectif d’une caisse de retraite doit être normalement de réaliser le taux de rendement lui permettant d’avoir des fonds suffisants pour faire face à  ses engagements quand le niveau des cotisations devient inférieur à  celui des prestations et ce, avec un risque calculé. Tel est le cas par exemple de la CIMR qui estime qu’il faut qu’elle dégage un taux de rendement annuel d’au moins 10% pour faire face à  la période d’apparition des déficits. Pour les autres caisses, il s’agit plutôt de respecter les règles prudentielles et de voir par la suite quel niveau de rendement peut être réalisé.
Pour autant, le fait que le portefeuille de placements de la CIMR est constitué actuellement à  hauteur de 49% d’actions cotées et OPCVM actions ne veut pas dire que la caisse n’a pas de règles prudentielles. Celles-ci sont flexibles et permettent au régime de tirer le maximum de profit des marchés qui se portent bien.
Dans les autres caisses, les règles prudentielles sont plus rigides dans la mesure o๠les ratios de diversification ne bougent pas dans le temps. Résultat : la plus grande partie des portefeuilles continue d’être placée dans les bons du Trésor malgré la baisse des taux tandis que les placements sur le marché boursier continuent d’être faibles malgré la performance ininterrompue des actions depuis plus de cinq ans.

Des changements au niveau des lois et des directives de gestion financière doivent donc être opérés. Certes, il y a une volonté des gestionnaires des régimes d’améliorer la performance de leurs placements. «Nous comptons renforcer progressivement la part investie dans les actions, ces instruments étant rentables sur le long terme», affirme Ahmed Kherrazi, directeur des études au sein du RCAR, régime qui n’a pas de quotas réglementaires à  respecter en matière de diversification. Mais, pour des caisses comme la CNSS et la CMR, des changements doivent être opérés par le législateur afin de leur permettre une meilleure diversification en investissant plus dans le marché des actions et en misant sur d’autres instruments comme les métaux précieux et les fonds étrangers.
Hormis la diversification et les règles prudentielles, il y a également des aspects de la gestion qui doivent être améliorés dans certaines caisses. C’est l’exemple d’une stratégie financière globale ainsi que par classes d’actifs. Par la suite, l’allocation tactique des fonds est confiée par mandat aux sociétés de gestion (par appel d’offres pour la CIMR, par exemple), lesquelles seront suivies de manière très rapprochée par le mandant. La CIMR est dans cette optique. Certes, elle procède à  des investissements directs (portefeuille stable d’actions cotées, participation dans des sociétés non cotées, immobilier…), mais près de 50% du portefeuille de placement est géré par délégation. Par ailleurs, un audit contractuel est effectué tous les deux ans par un organisme indépendant dans le but de s’assurer du respect des processus de gestion et un accompagnement permanent par des consultants externes est assuré pour améliorer la mise en Å“uvre des stratégies par classes d’actifs.
Au niveau de la CNSS, de la CMR et du RCAR, les réserves sont tout simplement confiées à  la CDG qui se charge de leur gestion. La part déléguée aux gestionnaires d’actifs est très faible et la quasi-totalité des fonds est investie directement sur les marchés. Certes, il y a des comités mixtes qui comprennent des responsables des caisses et de la CDG pour le suivi de l’exécution des politiques de placement et des systèmes de gestion actif-passif qui viennent d’être mis en place pour une meilleure allocation stratégique des actifs. Mais vu la répartition actuelle des portefeuilles de ces caisses ainsi que leurs problèmes de viabilité, il est clair que leur gestion financière doit être rapidement améliorée pour se conformer davantage aux pratiques internationales.