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CIH : un bénéfice semestriel record, mais un portefeuille non encore assaini
Le taux de contentieux est proche de 28%, toujours au-dessus de la moyenne du marché.

Le CIH confirme son retour dans la cour des grands. En témoigne le bond prodigieux du bénéfice net à fin juin 2007 (+123% à 551,4 MDH), qui permet ainsi à la filiale de la CDG d’enregistrer l’un des meilleurs semestres de son histoire. Une performance d’autant plus louable qu’elle est due, en premier lieu, au bon comportement du PNB (produit net bancaire) qui a progressé de 17% pour s’établir à 631,5 MDH, soit la meilleure progression parmi les banques cotées, à l’exclusion de BMCE Bank).
Cette évolution s’inscrit sur le relief d’une reconquête commerciale appréciable malgré les désavantages comparatifs (réseau d’agences à étendue limitée, offre de produits moins étoffée) et d’une bonne gestion du refinancement. Sur ce dernier creuset, il est à relever que la banque a, d’une part, ramené la part des ressources rémunérées dans ses dépôts à 37% contre 44% un an auparavant tout en réduisant, d’autre part, de 14% la charge de sa dette onéreuse (obligations et titres de créances) qui fut longtemps la source d’un déséquilibre criant du passif.
Est-ce pour autant que le CIH exerce aujourd’hui un attrait après sa longue traversée du désert entre 1998 et 2004 ? Certes, la banque qui a accueilli dans son tour de table en 2006 le groupe français Caisse d’épargne a réalisé un exemple de redressement bancaire. Mais certaines zones d’ombre persistent.
Le financement des grands projets demeure faible
Les créances nettes sur la clientèle semblent marquer une décélération avec un taux de croissance d’à peine 4,7% à 17,4 milliards. C’est que le CIH pâtit encore de deux faiblesses majeures. D’abord, en choisissant de se positionner sur le créneau de la «banque de famille», l’établissement est naturellement peu présent sur la clientèle des entreprises, notamment corporate, ce qui le relègue au rang des derniers bénéficiaires de l’embellie actuelle des crédits à l’équipement, avec des encours peu significatifs (216 MDH). Ensuite, en affichant une progression des crédits immobiliers de 7% à 14,2 milliards de DH alors que d’autres banques plus agressives y font des sauts de 20%, la banque risque de perdre du terrain sur son produit historique et ce, aussi bien pour le crédit au logement que pour la promotion immobilière dont la taille moyenne des projets s’accroît de plus en plus. Ce qui exclut de facto, ou presque, les banques dont le niveau de fonds demeure encore limité.
En effet, avec un niveau de 1,6 milliard de DH, la huitième banque du pays (en total bilan) ne peut distribuer tout au plus que 320 millions de DH par groupe (ratio de division oblige). Alors que les annales des octrois de crédits par banque depuis 2006 enregistrent de plus en plus des tickets dépassant allègrement les 500 millions de DH. En attendant de gonfler ses fonds propres par ses résultats futurs, le CIH ne peut qu’intégrer des syndicats de prêts menés par d’autres chefs de file pour être partie prenante de certains gros dossiers.
Par ailleurs, force est de constater que l’objectif de solder au plus vite les stigmates d’un passé peu reluisant n’est manifestement pas tout à fait atteint. Khalid Alioua n’avait-il pas affirmé en 2005 que le taux de contentieux de la banque devrait s’aligner à fin 2006 sur la moyenne du secteur ? Or, à l’issue du premier semestre 2007, ce taux demeure très élevé, à 27,8%, largement au dessus de la moyenne sectorielle, qui est de 10%.
De ces insuffisances on peut déduire que si le CIH a pu doper de près de 169 MDH son bénéfice net semestriel grâce à l’apurement du dossier Dounia Palaces (Hôtel Mansour Dahbi de Marrakech, dont il fut aussi bien créancier qu’actionnaire), il n’est pas à l’abri d’un retour de manivelle. Car, avec une couverture assez juste, quoique respectant les règles minimales de Bank Al Maghrib, la banque ne peut préserver le niveau anormal du coût actuel du risque de crédit et un inversement ponctuel n’est pas à exclure.
Enfin, n’étant pas assez diversifié commercialement, notamment en services générant des commissions, et ne disposant pas des moyens financiers pour s’ériger en market maker sur les marchés financiers, le CIH n’affiche que des quote-parts modestes des activités de marchés et de la marge sur commissions à son PNB. Du coup, celui-ci reste tributaire à 87,2% de la marge sur intérêts, de loin l’un des plus élevés de la place. Ce qui expose la banque publique, davantage que ses concurrents, à des mouvements défavorables de la courbe des taux, notamment le risque d’aplatissement de celle-ci.
