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Ce qu’il faut savoir avant d’investir dans une terre en zone rurale

Limitez-vous aux terres dites «melk» relevant du domaine privé. Elles représentent 7 millions d’ha.
Misez sur les futures zones urbanistiques ou de tourisme rural.
Ne vous aventurez pas dans l’achat de terres non immatriculées.

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L’investissement immobilier a toujours suscité l’intérêt des épargnants individuels désireux de diversifier leurs placements et de tirer profit d’un produit qui peut procurer à  la fois un rendement récurrent pérenne (revenus locatifs) et un espoir de plus-value non négligeable.
Mais dans la foulée de cet engouement, l’univers des alternatives avec lequel combinent ces investisseurs est incarné, surtout, par le choix binaire : immobilier résidentiel ou de bureaux. Le premier est susceptible à  la fois de générer du loyer ou d’être ultérieurement occupé par son propriétaire. Quant au deuxième, il est de plus en plus prisé dans le sillage de la contrainte d’optimisation des capitaux employés qui gagne les PME.
Le choix se fait donc le plus souvent en sériant les rapports valeur locative/valeur vénale parmi plusieurs standings disponibles et en estimant les potentiels de réalisation future de plus-value de cession.
A cet univers binaire s’est greffé également, depuis peu, l’investissement dans l’immobilier touristique puisque de plus en plus de propriétaires de résidences secondaires n’hésitent plus à  confier leurs biens (entièrement équipés et meublés) à  des agences spécialisées qui leur font garantir des taux de rendement locatifs de 6%.
Mais, en général, les yeux des prospecteurs se rivent très rarement vers les zones rurales à  l’exclusion de ceux qui ont été charmés pour y couler des journées paisibles après une vie d’activité ou des week-ends régénérateurs pour les adeptes des maisons secondaires à  quelques encablures de leurs cités.

Un choix d’investissement sérieusement limité par la législation…

Vous avez peut-être tort ! Car vous pouvez dénicher dans les périmètres ruraux des affaires juteuses.
Mais, attention ! ce genre d’investissement ne répond pas à  la même logique que l’immobilier urbain et ne dégage pas la même structure de rendement. Ainsi, le mode d’accès à  la terre, les statuts fonciers, les modes d’exploitation sont nettement distincts et ce, sans être régis par un code global du foncier en milieu rural. Il n’existe, en effet, que des textes législatifs épars qui relèvent des spécificités juridiques et/ou fiscales inhérentes aux biens immobiliers situés dans des zones rurales.
D’abord, l’univers de votre prospection doit se limiter aux terres dites melk, qui relèvent du domaine privé quelle que soit leur origine et qui sont estimées à  7 millions d’hectares au Maroc. Et ce, par opposition aux terres collectives qui appartiennent à  la communauté ethnique, les terres guich, qui sont distribuées en contrepartie de service militaire rendu et les terres habous.
Ensuite, ne vous aventurez pas dans l’achat de terres non immatriculées au cadastre et qui sont malheureusement les plus nombreuses en milieu rural (plus de 90% de la surface disponible). Car il est une évidence que, dans le milieu des affaires modernes, l’immatriculation est le substrat foncier le plus sûr et palpable de la propriété.
Ce faisant, si vous ne voulez pas rater l’opportunité d’un terrain non immatriculé, voire une propriété agricole, vous pourrez procéder par la suite à  l’immatriculation spécifique qui passe par le prérequis de l’obtention d’une «attestation de vocation non agricole». Mais cela relève parfois du parcours du combattant, notamment quand il s’agit d’une acquisition via une société de capitaux.
Par ailleurs, excluez de votre périmètre de prospection les terrains à  vocation agricole, à  moins que vous ne soyez intéressés par l’entreprenariat dans le secteur primaire, et là , c’est une autre paire de manches. Car, entre autres contraintes juridiques sur leur exploitation et leur immatriculation, les terrains à  vocation agricole sont régis dans plusieurs régions du pays (Gharb, Doukkala, Melouya Â…) par le dahir du 30 juin 1962 relatif au remembrement rural, qui instaure une surface minimale d’acquisition de 5 hectares, à  moins qu’il ne s’agisse de vente entre co-indivisaires (héritiers en indivision).
Avec cela, même en restreignant drastiquement votre champ d’intervention, vous n’en aurez pas fini avec les contraintes et spécificités. La loi 25/90 du 15 juillet 1992, relative aux groupes d’habitation et au morcellement, interdit, en effet, le lotissement des terres en milieu rural en unités de moins d’un hectare. Ainsi, si vous avez acquis au préalable un lopin de terre, il ne vous est pas permis de le revendre en morceaux d’une superficie inférieure à  cette unité.
Ceci étant, faire un bon placement à  moyen et long terme est toujours possible. Nous vous proposons quelques voies à  explorer :
Dans certaines régions limitrophes aux villes qui affichent des extensions rapides, il est possible d’anticiper les réaménagements urbanistiques en acquérant des surfaces en périmètre rural mais présentant un fort potentiel de conversion à  moyen terme.
Des lotissements sur la route de Bouskoura, à  près de 15 km de Casablanca, en sont des exemples édifiants. L’hectare coûtait encore, il y a quelques années, entre 1 et 2 MDH avant que la poussée des lotisseurs de terrains villas vers les assiettes foncières avoisinant la ville ne hisse le prix (certes après aménagement) à  près de 1 000 DH le m2. Pour flairer ce genre d’opportunités, allez au-delà  du simple bon sens et n’hésitez pas à  solliciter le plan d’aménagement urbain (PAU) et les projets de développement urbanistique auprès de l’Agence urbaine de votre ville. Ces données vous permettront de situer les zones périurbaines à  fort potentiel. L’accès aux routes nationales ou aux autoroutes ainsi que la proximité des portes névralgiques des grandes agglomérations est, à  ce niveau, capital.
Le tourisme rural est actuellement au Maroc un produit en fort développement qui attire des touristes blasés par le balnéaire ou tout simplement à  la recherche de la diversité en optant pour la découverte de la nature, des randonnées et des activités en plein air.
Aussi, les régions rurales attirent-elles d’ores et déjà  quelque 200 000 touristes annuellement répartis sur le Haut Atlas, le désert du sud marocain et le reste du pays. Certains hôteliers, convaincus du potentiel du créneau, ont investi dans les gà®tes, les auberges et autres infrastructures d’accueil.
Sans aller jusqu’à  vous prôner de vous lancer directement dans le créneau, car le métier d’hôtelier ne s’improvise pas, vous pouvez toutefois vous positionner en amont du projet en dénichant un terrain ayant un emplacement privilégié et situé dans une région de plus en plus prisée que vous pouvez viabiliser et proposer soit en cession soit en apport d’actif à  un investisseur spécialiste qui dispose d’un projet qui tient la route.
Et si vous ne souhaitez pas détenir un lopin de terre dans le Haut-Atlas ou le sud marocain faute de bien connaà®tre ces régions, sachez qu’il existe des agglomérations rurales moins excentrées, telles la région de Oualidia ou la province de Chefchaouen, o๠les gà®tes commencent à  faire leur apparition.

Eau et électricité : deux éléments à  ne pas oublier.

A ce niveau, la non-accessibilité directe à  partir d’une route nationale n’est pas forcément rédhibitoire. Car une vue imprenable peut compenser cet handicap et le transmuer en avantage pour un projet qui vise le dépaysement total et la moindre nuisance sonore sans que la piste qui y mène ne soit longue (plus d’un kilomètre) ou difficile d’accès pour les voitures ordinaires.
On pourrait à  ce niveau déplorer la non existence au Maroc de dispositif fiscal avantageux destiné à  favoriser l’investissement des personnes physiques dans le tourisme de campagne à  l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays comme la France, o๠la Loi Demessine vise à  relancer certains secteurs mis à  l’écart des grands aménagements touristiques. Celle-ci accorde de multiples avantages (réduction d’impôt à  hauteur de 25% du prix de revient de la propriété et de 20% des grosses réparations, déductions sur loyers générésÂ…) aux acquéreurs de logements destinés à  la location et situés en zones de revitalisation rurale (ZRR). En principe ces propriétés individuelles sont acquises dans des complexes résidentiels confiés en gestion à  des professionnels et le propriétaire peut même occuper son bien jusqu’à  huit semaines par an sans perdre l’avantage fiscal.
Par ailleurs, il est impératif de ne pas négliger un point essentiel dans l’équation de l’investissement foncier dans le monde rural : l’équipement du terrain en eau potable et en électricité. Car dans ce milieu, ces deux lapalissades du «confort» urbain ne vont pas de soi. Pour l’eau, ayez le réflexe de vous enquérir de son existence aux alentours (voire solliciter une étude) sur la profondeur des puits à  forer pour atteindre les eaux souterraines. Jusqu’à  60 mètres, l’investissement n’est pas onéreux entre le forage, la pompe et le château d’eau (moins de 100 000 DH généralement). Au-delà  de cette profondeur, la facture se corse. Pour ce qui est de l’électricité, il est plus intéressant de rester dans les limites des agglomérations rurales desservies par les régies locales. Sinon, le raccordement au réseau interconnecté peut être prohibitif, ce qui risque de sous-valoriser votre propriété lors de la revente, à  moins qu’elle ne soit rapidement touchée par le PERG (programme d’électrification rurale global) qui devrait prendre fin en 2007.