Argent
Ce que changera la mise en place du marché à terme
Lancement prévu pour fin 2006.
Dans un premier temps, seuls les bons du Trésorà 5 ans seront
concernés.
Avantage : une couverture contre le risque de fluctuation des taux d’intérêt.
Les OPCVM devraient en profiter.

Le Maroc aura – enfin – son marché à terme. L’information n’est peut-être pas nouvelle, puisque cette intention est déclarée depuis la fin des années 1990 et a été officiellement intégrée, en 2003, dans la stratégie de développement de la Bourse, à travers le plan «Future 2006», qui prévoyait également l’élargissement du nombre de sociétés cotées et le développement de la liquidité. Mais aujourd’hui, on passe à la phase concrète. Les intentions sont en passe de devenir réalité et le projet, à en croire ses promoteurs, est à un stade «assez avancé». Suffisamment avancé en tout cas pour que la Bourse de Casablanca en dévoile les grandes lignes, lors d’une session de formation organisée en fin de semaine dernière à l’attention exclusive des journalistes financiers. Son lancement officiel ne saurait donc tarder : à la Bourse de Casablanca, l’on anticipe la mise en place de ce marché à la fin du quatrième trimestre de cette année ou au tout début de 2007.
Mais de quoi parle-t-on au juste ? Qu’est-ce qu’un marché à terme ? Quelle est son utilité et dans quelle mesure contribuera-t-il à la modernisation des marchés de capitaux ? Plus important, comment les investisseurs particuliers et institutionnels, vont-ils en profiter ? Quels sont les produits qu’il proposera en premier, et quel sera le schéma de son développement futur ? Quelle architecture a été retenue pour son organisation ? Quel promoteur, quels intervenants ?…
«La 2e grande réforme après celle de 1993»
Disons-le tout de suite et la phrase est de Omar Drissi Kaà¯touni, membre du directoire et directeur de l’organisation et du système d’information à la Bourse de Casablanca : «C’est la deuxième grande réforme des marchés financiers si l’on considère comme la première celle de 1993». En effet, il y a de quoi, puisque le marché à terme devra doter la place d’une nouvelle dimension : celle de la couverture contre le risque, produit jusque-là inaccessible sur le marché marocain. En effet, un marché à terme est un marché qui permet à un investisseur de savoir, aujourd’hui, à quel prix il va acheter ou vendre un titre ou un bien, demain, ou encore de déterminer à quel taux il va prêter ou emprunter dans un terme fixé. De fait, le marché à terme permet de figer des coûts ou des prix dans le futur et donc de prévoir aisément la gestion de ses investissements, de ses emprunts ou de ses coûts d’approvisionnement. C’est surtout cette idée de figer des données futures qui importe, parce que si on ne prend pas le soin de se prémunir contre leurs fluctuations, elles pourront varier en générant une perte.
Négociés sur des marchés organisés, les contrats à terme ont des caractéristiques standardisées. Ainsi, il y a lieu de spécifier, pour chaque contrat, l’actif négocié (devise, taux, matière premièreÂ…), le volume du contrat, la date d’échéance, le mode de dénouement (au comptant ou livraison physique) et des conditions spécifiques à ce genre de marchés, comme l’appel de marge et le dépôt de garantie. Mais, avant d’aller plus loin, sachez que le marché à terme que l’on s’apprête à mettre en place au Maroc ne concernera pas les matières premières mais les instruments financiers. Et encore, dans un premier temps, il traitera exclusivement des contrats à terme de taux d’intérêt : les contrats sur les actions et les indices viendront avec le développement du marché. Ils concerneront d’abord – naturellement – les actions plus liquides.
Comme son nom l’indique, le marché à terme offre aux investisseurs la possibilité de se protéger contre une hausse ou une baisse des taux d’intérêt. Il s’adresse aux banques, à travers leurs salles de marché, ou encore aux IVT – Intermédiaires en valeur du Trésor – et aux sociétés de Bourse. Lesquelles agiront pour le compte de leurs clients finaux qui peuvent être des compagnies d’assurance, des banques (les gérants de portefeuille), des OPCVM ou des trésoriers d’entreprises.
Le choix du marché à terme de taux (voir avis d’expert) est justifié par la liquidité du marché secondaire des bons du Trésor (avec un volume de transactions de 4 595 milliards de dirhams en 2005, contre 30 milliards en 1997). Le premier produit qui sera lancé sur ce marché s’appellera FBT5 (Futures Bons du Trésor 5 ans), un contrat à terme sur les bons du Trésor à 5 ans. Deux catégories de membres animeront le marché : les négociateurs et les négociateurs compensateurs. Les premiers pourront négocier pour leur compte propre ou pour le compte de tiers, mais ne pourront pas participer à la compensation des transactions, contrairement aux seconds qui seront les seuls interlocuteurs juridiques et financiers de la Chambre de compensation et, d’ailleurs, toutes les opérations transiteront obligatoirement par eux. A ce titre, signalons que l’architecture du futur marché à terme sera plutôt du type intégré. Autrement dit, la négociation et la compensation se feront dans la même structure, contrairement à ce qui se fait ailleurs. «Nous avons la ferme volonté de dissocier les deux activités à terme», tient toutefois à préciser M. Kaà¯touni. La chambre, c’est connu, a un rôle central dans le fonctionnement de ce type de marché. Au Maroc, c’est elle qui habilitera les membres ayant accès à la compensation, enregistrera les opérations et s’en portera contrepartie (vendeur à tous les acheteurs et acheteur de tous les vendeurs) ; garantira la bonne fin des opérations, calculera et appellera quotidiennement les marges, surveillera les positions des membres compensateurs, et enfin, organisera la livraison et le règlement à l’échéance.
Deux apporteurs de liquidités seront désignés parmi les sept IVT en exercice
Des apporteurs de liquidités seront désignés. Selon toute vraisemblance, ils seront deux à être désignés parmi les sept IVT en exercice selon leur activité sur le marché secondaire des bons du Trésor, leur capacité financière et leur assimilation du fonctionnement du marché. Quatre mécanismes seront mis en place pour assurer le bon fonctionnement du futur marché et réduire ainsi les risques de faillite. Primo, le fonds de garantie avec une contribution initiale en espèces ou en collatéral (les bons du Trésor ne seront en effet valorisés qu’à hauteur de 90% de leur valeur). Secundo, le dépôt de garantie qui couvrira au moins les pertes occasionnées par le franchissement de la limite de fluctuation quotidienne. Tertio, les appels de marge qui seront quotidiennement valorisés sur la base des cours de compensation. Et, quarto, la limite d’emprise qui constitue en effet une limitation de la position ouverte d’un membre à une fraction de la position globale du marché. A ce niveau, le seuil de 20% a été proposé.
Il reste encore quelques phases à finaliser avant que le marché ne soit lancé. L’une des plus importantes concerne le volet législatif. La Bourse de Casablanca table sur le vote du projet de texte durant la session parlementaire d’octobre. Encore faut-il que les députés soient disponibles : le casse-tête de la Loi de finances les attend.
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Il existe deux familles de produits dérivés : les produits fermes et les produits optionnels. |
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La Vie éco : Vous estimez que le projet du marché à terme est aujourd’hui à un stade assez avancé. Concrètement, qu’est-ce qui a été fait jusque-là ? Quelles sont les étapes à venir avant le lancement effectif de ce marché ? Vous envisagez de commencer par un marché à terme de taux. Qu’est-ce qui justifie ce choix ? Dans quels délais pourra-t-on s’attendre à des produits adossés aux actions ? Tel qu’imaginé, ce marché sera réservé aux investisseurs institutionnels au sens large du terme. Dans quelle mesure les investisseurs particuliers pourront-ils, indirectement, en tirer profit ? Quel sera l’impact du marché à terme sur l’efficience des marchés au comptant ? Omar drissi kaitouni Membre du directoire de la Bourse de Casablanca |
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Le premier marché à terme au monde est le CBOT (Chicago Board of Trade) qui a été créé en 1848 et qui est spécialisé dans les marchés à terme sur les taux d’intérêt, les indices boursiers, les métaux précieux et les produits agricoles. Le deuxième plus ancien marché à terme a été également créé à Chicago. Il s’agit du CME (Chicago Mercantile Exchange), créé en 1919. Puis un troisième marché fut créé, toujours à Chicago, en 1972 : IMM (International Money Market), spécialisé dans les contrats à terme sur les devises ainsi que les options. |
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S’il n’y avait que des « hedgers » (ceux qui utilisent les futures comme instrument de couverture) sur le marché, les vendeurs proposeraient toujours le prix le plus élevé possible, et les acheteurs le prix le plus bas possible. La différence entre le prix moyen offert et le prix moyen demandé (le spread) serait en permanence très importante, et très peu de transactions pourraient se faire. Les spéculateurs intercalent des offres intermédiaires et apportent donc de la liquidité au marché. Pour résumer, pour qu’un hedger puisse se couvrir contre la hausse des cours, il faut qu’il y ait en face de lui un spéculateur qui, lui, parie sur la baisse des cours ! |
