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Balima, une foncière qui se reconstruit !
Malgré les multiples obstacles auxquels elle est confrontée, notamment en matière de réévaluation des loyers, cette entreprise à taille humaine a toujours su s’en sortir, avec une rentabilité constante, voire en augmentation d’un exercice à l’autre.
Lorsqu’on évoque le patrimoine immobilier de Rabat, on ne peut que penser immédiatement à Balima, cette célèbre société immobilière française qui détient une grande partie des résidences, de locaux professionnels et commerces du centre-ville, situés le long de l’avenue Mohammed V, plus précisément entre la gare Rabat-Ville et Bank Al-Maghrib. Le nom de l’entreprise vient des initiales des trois associés : Bardi, Lionel et Mathias. La société est particulièrement connue pour son hôtel historique Balima, bâtiment iconique de la ville, qui se dresse face à l’hémicycle. Elle est également célèbre pour être très connue par les députés lorsqu’ils sont de passage au Parlement, situé en face de l’hôtel.
Conçu en 1932, cet hôtel n’est pas le premier que Balima a construit, mais c’est le seul qui lui est resté. Avant de s’installer ici, la société avait initialement choisi la ville d’Ifrane, où elle a bâti l’hôtel Balima Ifrane, lui aussi au début des années 1930. Ce dernier a connu des années de gloire avant de fermer définitivement ses portes et d’être détruit trois décennies plus tard. Depuis cette expérience malheureuse, Balima a décidé de ne plus prendre de risques, décidant de ne plus s’aventurer dans d’autres projets hôteliers.
L’hôtel Balima de Rabat est fermé depuis plusieurs années en raison d’un litige qui avait opposé la société aux dirigeants de l’établissement pendant plus de cinq ans. Toutefois, après avoir repris les choses en main, la société a rapidement commencé les travaux de rénovation dès l’obtention des autorisations nécessaires en 2022. Si la conduite du chantier se déroule conformément au planning, l’hôtel devrait rouvrir ses portes en septembre 2024, en montant en gamme pour atteindre un niveau quatre étoiles.
Un loyer de 2.500 DH/mois !
En plus de son célèbre hôtel éponyme, Balima possède également plusieurs commerces et immeubles à Rabat. Certains de ces locaux sont loués depuis les années 60, voire avant, tandis que d’autres ont été récemment loués, comme un magasin de vente de djellabas pour femmes, de foulards et d’écharpes, qui a été mis en location depuis un peu plus d’un an. «Le loyer de notre boutique de seulement 10 m² s’élève à 15.000 DH», nous confie le propriétaire. Toutefois, il convient de noter que tous les locataires ne sont pas logés à la même enseigne. Exemple : un joaillier situé sur la même avenue Mohammed V loue son local pour seulement 2.500 DH depuis les années 70.
L’un des défis auxquels la société doit justement faire face est la réévaluation des loyers. En effet, les nouveaux locataires signent un contrat d’une durée de 24 mois, qui ne peut être renouvelé de manière tacite. Le bail doit en effet être conclu de nouveau quand il arrive à son terme. L’objectif de la société ? Éviter de faire face à des mauvais locataires potentiels ou encore de respecter la loi en matière d’augmentation. Il est à noter que le business plan de Balima ne repose pas sur la vente du pas-de-porte, mais uniquement sur les revenus locatifs.
La même situation prévaut pour le résidentiel. Selon des sources locales, il existe un écart de prix important entre les anciens locataires et les nouveaux. Par exemple, un studio rénové est loué à 3.500 DH par mois, tandis qu’un appartement de 100 m2 est toujours loué pour la modique somme de 1.000 ou 2.000 DH.
En plus de cette avenue, la société Balima a également acquis des biens immobiliers dans le quartier de l’Agdal, plus précisément sur l’avenue 16 Novembre, qui est d’ailleurs l’une des plus chères de cette zone. Elle a investi dans des immeubles qu’elle met en location saisonnière. Sur Airbnb, divers types de biens sont proposés à la location pour une nuit ou plus, avec des prix variant de 500 à 1.000 DH.
Gap à compenser
Il semble que la société cherche à compenser la perte de revenus affichée par ses anciens immeubles en tirant profit de la rentabilité locative que devraient offrir ces nouveaux biens. Au total, la société possède près de 60 millions de dirhams de constructions et 15 millions de dirhams de terrains, après avoir vendu une propriété à Casablanca pour 20 millions de dirhams.
Malgré les multiples obstacles auxquels elle est confrontée, notamment en matière de réévaluation des loyers, cette entreprise à taille humaine a toujours su s’en sortir indemne, avec une rentabilité constante, voire en augmentation d’un exercice à l’autre. Au premier semestre de l’année 2022, l’activité de la société a généré un chiffre d’affaires de 23 millions de dirhams, quasiment inchangé par rapport à la même période de l’année précédente. Toutefois, grâce à un résultat non courant, le résultat net a grimpé à 14,4 millions de dirhams, soit presque trois fois son niveau à fin juin 2021. Au terme du troisième trimestre, le chiffre d’affaires est reparti légèrement à la hausse de 1% pour atteindre 35 millions de dirhams. Sa structure est répartie entre les baux commerciaux à hauteur de 54%, les logements à 33% et les locaux professionnels avec une part de 13%.
Pourquoi maintenir la cotation ?
Sur le marché boursier, les actions de Balima sont parmi les moins liquides, bien qu’elles soient cotées depuis juillet 1946. En 2022, la valeur n’a été cotée que pendant 45 jours sur toute l’année. Jusqu’à présent, cette année, l’action n’a été échangée que trois fois. Il y a même de nombreux jours où une seule action est échangée. C’est pourquoi le titre a enregistré l’une des plus fortes progressions de la cote : +50% à 160 DH l’année précédente. Le gros du capital est concentré entre les mains de la famille fondatrice de la société, Mathias/Lechartier, tandis que les autres actionnaires préfèrent plutôt recevoir des dividendes. Avec 5 DH par action distribués pour l’exercice 2021, le rendement des dividendes dépasse 3%, ce qui équivaut à la moyenne de la place boursière.
Balima n’est pas la seule société cotée à se caractériser par un manque flagrant de profondeur. Deux autres sociétés, Zellidja et Rebab Company, sont également concernées. On peut se demander pourquoi elles sont toujours présentes à la Bourse de Casablanca, et surtout pourquoi la société gestionnaire de la bourse ne prend pas l’initiative de les radier. Comme le prévoit le règlement général de la Bourse, la société gestionnaire peut prononcer la radiation d’une société cotée dans trois cas : le non-respect des conditions de séjour à la cote, le non-respect de la résolution adoptée par l’AGO de mise en paiement des dividendes et enfin le manque de liquidité de l’instrument financier concerné.