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Afrique / FMI : Où en est la réallocation des 100 Mrd $ ?
Des pays avancés avaient proposé de reverser à l’Afrique une part de leur nouvelle allocation de DTS, décidée par le FMI en août 2021. Deux ans après, où en est-on ? Éclairages.

En 2021, en pleine crise sanitaire, les pays membres du Fonds monétaire international (FMI) ont décidé de créer une nouvelle tranche de droits de tirage spéciaux (DTS) pour une somme équivalente à 650 milliards de dollars, la plus importante allocation depuis la création des DTS en 1969. En appliquant les règles habituelles de l’institution de Bretton Woods, l’Afrique n’en recevrait qu’une faible part de 33 milliards. Dans un souci de solidarité, un certain nombre de pays avancés ont proposé de reverser à l’Afrique une part de leur nouvelle allocation de DTS, afin que le continent reçoive au total 100 milliards de dollars. Deux ans après, où en est-on ? C’est à cette question que l’universitaire et l’économiste français, Christian de Boissieu, a répondu dans un Policy Brief du think tank Policy Center for the New South.
1,3 milliard de dollars en DTS accordé au Maroc
Plantant le décor, Christian de Boissieu rappelle que l’Afrique, prise globalement, devait recevoir un montant de DTS équivalent à environ 5% de la nouvelle tranche, donc un peu plus que la part du PIB africain dans le PIB mondial (autour de 3%), «mais évidemment, beaucoup moins que la part de la population de l’Afrique dans la population mondiale», précise-t-il. Avant réallocation, ces 33 milliards de dollars réservés au continent étaient répartis, selon le principe de proportionnalité, entre notamment l’Afrique du Sud (4,3 milliards), le Nigéria (3,5 milliards), l’Égypte (2,9 milliards), la République démocratique du Congo (1,5 milliard) et le Maroc (1,3 milliard). Quant aux pays du G7, ils reçoivent spontanément 283 milliards de dollars sur les 650 milliards, et plus largement les pays avancés bénéficient d’une allocation de 438 milliards.
Le gap est ainsi considérable, au vu des besoins de financement du continent africain, très affecté par la crise sanitaire, l’inflation et la guerre russo-ukrainienne.
Canada, Royaume-Uni et France, les bons élèves !
Pour atteindre la réallocation des 100milliards de dollars, il a été nécessaire que tous les pays à haut revenu reversent à l’Afrique 20% de leur nouvelle dotation de DTS. «Globalement parlant, on se rapproche progressivement de l’objectif. Le montant de la dotation africaine était de 45 milliards en novembre 2021, de 60 milliards en février 2022 d’après les informations données par la directrice générale du FMI. A la date de février 2023, la somme a avoisiné 80 milliards», relève Christian de Boissieu qui précise, par ailleurs, que ces chiffres correspondent à des engagements annoncés du côté des donateurs. Selon le rédacteur du Policy Brief, le Canada, le Royaume-Uni et la France s’en tiennent strictement au taux de réallocation de 20%. A eux trois, ces pays transfèrent vers l’Afrique 14 milliards de dollars.
Le Japon affiche un taux de réallocation de 10% (soit 4 milliards de dollars), alors que la Chine s’engage sur 10 milliards. «L’Allemagne, réticente face à tout ce qui pourrait s’apparenter à une création monétaire non gagée a priori et avec certitude par un impact sur l’économie, hésite», souligne la même source. Quant aux États-Unis, ils ont décidé de contribuer aux fonds fiduciaires mais sans chercher à respecter le ratio conseillé de 20%. «Le Sénat américain, bien que contrôlé par les démocrates, avance prudemment sur le sujet. Sa participation pleine et entière suffirait à toucher la cible des 100 milliards», estime Christian de Boissieu.
