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Argent

Action Addoha : le niveau du cours alarme les analystes

Au 7 novembre, le cours de l’action était surévalué de 442 DH par rapport à sa valeur théorique.
Rumeurs, spéculation, effet moutonnier…, le marché s’est
emballé.
La prudence doit être de mise jusqu’à la publication d’informations
officielles.

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«Le comportement du marché vis-à-vis des actions du groupe Addoha est devenu préoccupant». Cet avis d’un analyste financier fait désormais l’unanimité auprès des professionnels du marché. Et dire qu’il y a tout juste deux semaines, ils étaient partagés entre ceux qui jugeaient la performance boursière d’Addoha conforme à sa réalité économique et ceux qui pensaient qu’elle avançait à un rythme trop rapide. Aujourd’hui, les professionnels appellent tous à la prudence, jugeant que l’action Addoha a atteint un niveau qu’ils estiment «injustifié».

Et pour cause, le cours de l’action était de 1 932 dirhams le mardi 7 novembre 2006. Ce qui veut dire qu’il a évolué, en l’espace de quatre mois seulement, de 224% par rapport à son prix d’introduction (595 dirhams). Or, fondamentalement, la dernière valorisation disponible du groupe Addoha fait ressortir un cours théorique de 1 490 dirhams seulement. «Il faut savoir que plus l’écart entre le cours réel et le cours théorique se creuse, plus le risque de chute devient important. Et si la chute intervient, il n’est pas garanti qu’elle s’arrête à 1 490 dirhams», explique un analyste de la place. Il ajoute de ce fait que s’il avait à investir son propre argent, il n’achèterait plus les actions Addoha. Mais, poursuit-il, les investisseurs particuliers, principaux animateurs du titre, ne suivent pas les recommandations. C’est pour cette raison que l’écart entre le cours réel et la valorisation théorique de la société s’est amplifié.

Le cours d’Addoha a évolué en trois étapes
Ceci étant dit, il y a toujours eu une différence entre le fondamental et le terrain car il y a plusieurs données concernant le marché que l’analyse théorique n’inclut pas. Ceci aurait pu réconforter les esprits, mais même les traders, acteurs directs sur le marché, tirent la sonnette d’alarme concernant le titre Addoha. Ils proposent, pour étayer leurs craintes, d’étudier l’évolution du cours de l’action depuis son introduction qui, selon eux, peut renseigner sur les raisons de cette flambée. L’un d’eux a opté pour une segmentation de cette évolution en trois étapes.

La première est celle qui a immédiatement suivi l’introduction de la société en Bourse. L’évolution du titre durant cette période a été jugée, par l’ensemble des professionnels, comme étant raisonnable. Déjà, à partir des résultats techniques de l’opération, on a constaté un intérêt particulier des investisseurs pour les actions du promoteur, intérêt économiquement fondé. L’offre de 2,76 milliards de dirhams a été en effet sursouscrite 17,4 fois. Ce qui a rapidement propulsé le cours de l’action en Bourse au-dessus des 700 dirhams, vu le faible taux de satisfaction de la demande. L’action a continué d’évoluer à ce niveau-là jusqu’à la mi-août. Ensuite, elle a fini par franchir le cap des 800 dirhams.

C’est là que commence la deuxième étape, selon ce même trader, qui est marquée par la sortie d’une note de recherche de la société de Bourse d’Attijariwafa bank et qui valorisait la société à 1 050 dirhams. «Cette note de recherche a donné un nouveau souffle à l’action car son évolution future avait désormais un objectif respectant la réalité économique de la société», explique un autre trader de la place. Après la sortie de cette note, le marché a parfaitement suivi et le cours de l’action s’est rapidement acheminé vers les 1 050 dirhams. Il les a même dépassés. Le même trader ajoute: «Il est rare que le marché marocain réponde aussi rapidement à une valorisation. Normalement, il devait s’écouler plus de temps avant que le cours réel du titre n’atteigne son cours cible». En tout cas, le marché a fortement réagi, et cela ne s’est pas arrêté là. En effet, quelque temps après (début Ramadan), une autre note de recherche a été élaborée par la même société de Bourse, valorisant le groupe Addoha à 1 400 dirhams l’action. Cette fois-ci, le marché n’a pas immédiatement réagi et le cours est resté à un niveau supérieur mais proche des 1 200 dirhams. Mais vers la fin du mois sacré, l’action a entamé à nouveau son évolution et a rapidement atteint son nouveau cours cible.

Même les personnes averties se sont laissé prendre au jeu
Pour rappel, l’enchaînement de plusieurs valorisations du promoteur en un temps aussi réduit s’explique en grande partie par sa politique d’exploitation axée sur les acquisitions de terrains. En effet, vu le contexte de l’habitat au Maroc (déficit important en matière de logement) et les conventions signées entre la société et le gouvernement pour la construction de logements sociaux, chaque hectare de terrain acquis se traduit par la construction d’un nombre défini de logements. Et vu que le prix de vente des unités construites est connu, et que la demande est très importante sur ce segment, l’incidence de chaque hectare acquis sur le chiffre d’affaires et le résultat du groupe est calculable et presque assurée. Par conséquent, à l’annonce de chaque nouvelle acquisition de terrain par le promoteur, la valeur de son action change, ce qui fait l’objet de l’élaboration de nouvelles notes de recherche par les analystes. Ceci explique en partie la troisième étape de l’évolution du cours de l’action Addoha en Bourse. En effet, et après la dernière valorisation de la société (1 490 dirhams l’action), plus aucune information sur ses acquisitions de terrains n’a été communiquée pour accompagner l’engouement important des investisseurs envers le titre. «Le caractère prévisible de l’activité du groupe Addoha, qui, entre autres facteurs, attire les investisseurs, a fait que ces derniers soient toujours sur leur faim en matière d’information», explique un trader. Dans ce contexte, le cours de l’action ne s’est pas stabilisé à un niveau proche de la dernière valorisation, mais a continué à évoluer d’une façon démesurée. C’est ici qu’intervient la troisième étape d’évolution du cours de la société, étape marquée par trois éléments liés l’un à l’autre : rumeurs, spéculation et effet moutonnier.

En effet, le cours de l’action a dépassé les 1 600 dirhams, puis les 1 900 dirhams sans aucune nouvelle information officielle concernant la société. «En l’absence d’informations confirmées, plusieurs rumeurs ont commencé à circuler sur le marché, et les investisseurs y ont fortement réagi», affirme un investisseur. De nouvelles acquisitions de terrains, partenariat avec un groupe immobilier étranger, développement de la société à l’international…, il ne s’agit là que de rumeurs, mais qui sont les véritables raisons de l’envolée du cours de l’action Addoha ces derniers jours. De plus, ces rumeurs ont permis à certains spéculateurs (il y en a beaucoup) influant sur le marché, de tirer le cours de l’action à la hausse pour pouvoir réaliser des plus-values importantes sur une courte période. Et ils semblent avoir atteint leur objectif, aidés par un certain mimétisme. «Quand les personnes averties achètent à tel prix, beaucoup d’autres les suivent», affirme un trader.

Aujourd’hui, les analystes appellent à la prudence car la valeur s’est décalée de ses fondamentaux, et les traders sont du même avis, constatant un mouvement de spéculation, de propagation de rumeurs et un effet moutonnier chez plusieurs investisseurs, essentiellement des personnes physiques bien entendu. Si un important investisseur commence à vendre, tout le marché risque de le suivre. Cela n’empêche pas que les actions Addoha restent intéressantes sur le long terme. La société affiche des fondamentaux solides et présente un avenir prometteur. Mais avec le niveau de cours actuel de son action, même la société de Bourse d’Attijariwafa bank ne conseille plus le titre à l’achat, au moins jusqu’à l’annonce officielle de nouvelles informations

Projets
Selon le DG adjoint du groupe, il est encore trop tôt pour donner de nouvelles informations

Les projets actuels du groupe Addoha (12 700 logements en cours de réalisation et 32 900 en cours d’autorisation sur tout le Maroc) montrent que son activité continuera assurément à se développer durant les prochaines années. Mais l’ensemble de ces projets est déjà intégré dans les valorisations théoriques de la société.

Abderazzak Waliallah, directeur
général adjoint du groupe, affirme qu’après avoir annoncé, lors de la dernière conférence de presse,
le niveau de la réserve foncière et le déroulement des programmes immobiliers en cours, le groupe a continué sa recherche de terrains, finalise actuellement les procédures d’acquisition et compte lancer de nouveaux programmes dans un futur proche. Mais il précise qu’il est encore tôt pour communiquer sur ce qui a été fait depuis. Toutefois, de source sûre, l’on sait que le groupe entend se lancer dans l’immobilier touristique.

Valorisation
Selon le DG adjoint du groupe, il est encore trop tôt pour donner de nouvelles informations

Toutes les évaluations du groupe Addoha par les sociétés de Bourse se sont basées sur une seule méthode, à savoir la DCF (Discounted cash-flows), ou actualisation des flux futurs. Dans le cas normal, les analystes évaluent une société en utilisant deux, trois, voire quatre méthodes (actif net réévalué, comparables boursiers, transactions comparables…). Mais dans le cas d’Addoha, les analystes financiers estiment qu’aucune autre méthode ne peut être appliquée. Un analyste de la société de Bourse d’Attijariwafa bank explique qu’il n’existe pas de comparables nationaux, et que la méthode de l’actif net n’est pas adaptée à l’activité de la société.

Souvent, l’utilisation de plusieurs méthodes fait ressortir des valeurs différentes, et le cours théorique de l’action est obtenu en les combinant toutes. Mais dans le cas de la valeur Addoha, on se demande si sa valeur aurait changé si l’on avait pu utiliser d’autres méthodes…