Affaires
Ynna Holding livre sa version sur le litige l’opposant à Fives FCB
Le groupe Chaabi reproche au français de chercher à retarder la procédure de pourvoi en cassation. Même si les ventes judiciaires des actions Snep et Aswak Assalam ont été infructueuses, les deux filiales de Ynna Holding en ont été affectées.

Ynna Holding a livré, pour la première fois, mercredi 16 septembre, sa version officielle des faits dans le litige qui l’oppose depuis 2011 au spécialiste français de l’ingénierie industrielle Fives FCB. L’affaire que La Vie éco dévoilait en janvier 2014 déjà
(www.lavieeco.com) est actuellement portée devant la Cour de cassation par le groupe de Miloud Chaabi. Tout est parti d’une décision du tribunal arbitral de Genève qui a condamné Ynna Holding et sa filiale, Ynna Asment, à payer solidairement à Fives et à sa filiale au Maroc, CPC Maroc, un dommage de plus de 19,5 millions d’euros (qui dépasse aujourd’hui 25 millions d’euros avec les intérêts de retard cumulés depuis lors), pour rupture abusive d’un contrat portant sur la construction d’une cimenterie. A la suite d’une procédure d’exequatur, le tribunal de commerce de Casablanca a jugé que cette condamnation devait se limiter à Ynna Asment et ne concernait pas sa maison mère. Mais la Cour d’appel a cassé ce jugement, réengageant la responsabilité de Ynna Holding. L’actuel pourvoi en cassation vise à présent à remettre en question cette décision.
Encore faut-il pouvoir notifier Fives de ce pourvoi, ce qui s’avère ardu pour l’heure. Selon le groupe Chaabi, la défense du français use de «manœuvres grossières» pour retarder la procédure. «En avril dernier, le cabinet d’avocats représentant Fives FCB (Cabinet Bassamat Fassi Fihri) a refusé une première notification au motif qu’il ne représente pas l’entreprise dans le dossier de la cassation», fait savoir Ynna Holding. «Incompréhensible», estime-t-on, étant donné que ce même cabinet représente bien l’entreprise dans toutes les procédures d’exécution et défend la filiale marocaine CPC au niveau de la Cour suprême. Qu’à cela ne tienne, la défense d’Ynna Holding et Ynna Asment notifie en juin Fives FCB directement à son siège social en France. Mais en juillet le français fait savoir que le courrier de notification de cassation reçu est vide et qu’il manque la requête de cassation, rapporte le groupe. Ynna Holding en remet une couche le 23 juillet avec une nouvelle notification de la requête de cassation adressée par un huissier de justice au cabinet d’avocats représentant la société Fives FCB. Celui-ci refuse encore une fois la notification en cassation.
Des dommages et intérêts seront réclamés ultérieurement à Fives FCB
Selon Ynna, par ces agissements, Fives FCB joue la montre. L’objectif serait en effet d’obtenir le paiement des dommages et intérêts au plus vite avant la sentence de la Cour de cassation, assure-t-on du côté de la holding, où l’on se montre serein quant à l’issue favorable du pourvoi en cassation.
En tout cas, de son côté, la défense de Fives FCB revient constamment à la charge pour mener la vente judiciaire de près de 3,5 millions d’actions de la chaîne de supermarchés filiale du groupe de Miloud Chaabi, Aswak Assalam, saisies dans le cadre du litige. Néanmoins, pour l’heure ces ventes n’aboutissent pas plus que les notifications du pourvoi en cassation. Quatre ventes ont été organisées entre mai et septembre et ont toutes été invalidées pour cause d’offre insuffisante. Ce à quoi s’ajoute une vente organisée en février portant cette fois sur des actions de la filiale d’Ynna Holding dans la plasturgie, Snep, sur laquelle Fives FCB avait dans un premier temps jeté son dévolu pour se faire payer ses dommages et intérêts, sans parvenir à ses fins.
Plainte contre l’expert ayant valorisé Aswak Assalam
Même si ces ventes ont été infructueuses, le groupe Ynna Holding dit en avoir pâti. «Le titre Snep a vu sa valeur baisser de 35% du fait de l’incertitude qu’a induit l’annonce de la vente judiciaire», chiffre le holding. Aswak Assalam, pour sa part, a connu des perturbations au niveau de son approvisionnement du fait du manque de confiance des fournisseurs, reconnaît-on. Ce préjudice devrait être valorisé, annonce Ynna Holding, qui laisse aussi entendre que des dommages et intérêts seront réclamés à la partie adverse ultérieurement.
Mais on n’en est pas encore là. Dans l’immédiat, l’attention se focalise sur la décision de la Cour de cassation qui, il faut le préciser, ne fera au meilleur des cas que renvoyer l’affaire à la Cour d’appel. Après ce premier round, une autre bataille devrait s’engager au sujet du montant des dommages et intérêts. Sur un autre front, Ynna Holding a porté plainte ces dernières semaines contre l’expert judiciaire chargé de la valorisation d’Aswak Assalam dans le cadre de la vente judiciaire. Ceci sachant que le groupe a contesté le prix de 70 DH l’action considéré pour cette vente, alors qu’Ynna avance une valeur de plus de 200 DH.
C’est peu dire que les positions des deux parties sont inconciliables. Aux prémices de l’affaire, Ynna Asment et le français avaient signé en 2008 un contrat pour la réalisation d’une usine. La même année la filiale du groupe Chaabi a versé une première avance contractuelle de 13,2 millions d’euros contre remise d’une garantie de restitution d’acompte en cas d’inexécution du projet par Fives FCB. Estimant que le spécialiste n’a pas respecté ses engagements, Ynna Asment a effectivement fait jouer la garantie dès 2009 et a pu se faire rembourser son avance, ce qui a provoqué le litige entre les deux parties. Aujourd’hui, au lieu des 25 millions d’euros de réparations réclamés par Fives FCB, Ynna Holding écarte l’idée même d’un préjudice subi par le français au motif que son carnet de commandes n’a jamais pris en considération la réalisation de la cimenterie, le projet étant resté figé au stade de l’élaboration du dossier de financement.
