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Wissal El Gharbaoui : «Il faut maintenir l’offensive sur le segment de l’aérien»
La Secrétaire générale de la Confédération nationale du tourisme (CNT), nous livre son avis sur les perspectives du secteur les moins à venir au regard de l’incertitude au niveau international. Elle revient également sur les conditions de réussite de la nouvelle stratégie touristique.

• La Vie éco : Comment se présente la saison hivernale ?
Wissal El Gharbaoui : Pour la saison d’hiver, la demande internationale reste élevée et elle dépasse parfois la capacité en sièges disponibles. Maintenant, il faut relativiser, puisque le taux d’occupation moyen cumulé à fin septembre au niveau national n’est que de 38%, soit 10 points de moins qu’en 2019. Cela est dû notamment aux performances négatives des premiers mois de l’année 2022, puisque la reprise du trafic aérien ne s’est faite qu’à partir de février avec un rythme lent, pour s’accélérer à partir de juin. Nous observons également un rythme de récupération entre 80 et 95% par rapport à 2019 pour certaines destinations comme Marrakech, Dakhla et Agadir, mais un taux plus faible pour d’autres destinations comme Ouarzazate (53% de taux de récupération) et Casablanca (69%). Ceci est dû, d’une part, aux mutations profondes que connaît l’industrie touristique mondiale telle que la reprise lente du segment affaires qui impacte une destination comme Casablanca, et, d’autre part, à l’enclavement et la forte dépendance de l’aérien pour des destinations comme Ouarzazate. Donc la demande touristique se maintient pour l’hiver particulièrement pour les pôles traditionnels comme Marrakech, au moins jusqu’à la fin de l’année, appuyée par une grande offensive communicationnelle menée à l’international par l’Office national marocain du tourisme (ONMT) et les représentations professionnelles (salons, campagnes publicitaires, opérations marketing…).
• Comment capitaliser sur la reprise entamée cet été et accélérer cette dynamique en 2023 ?
Il est important, pour préserver la dynamique de reprise, de maintenir l’offensive sur le segment de l’aérien pour garantir la compétitivité de la destination, et de maintenir la présence sur les marchés, à travers les campagnes de communication et les opérations marketing pour garantir la visibilité de la destination. Cela nécessitera des moyens conséquents que nous espérons retrouver déjà dans le projet de Loi de finances 2023, mais aussi pour les prochains exercices. L’objectif est de ne pas perdre la dynamique et de capitaliser sur les opportunités qu’offre cette nouvelle reprise touristique mondiale.
• Quels sont les segments touristiques qu’il faut booster les prochains mois ?
En début d’année, nous avions pronostiqué une reprise graduelle de l’activité touristique, avec en premier lieu une reprise du marché interne, suivie des MRE pour la période estivale, pour ensuite enchaîner avec le segment loisirs international. Ceci est confirmé aujourd’hui par les chiffres réalisés jusque-là. Les segments qui reprendraient plus tard sont ceux du tourisme d’affaires et du MICE. Ce dernier commence à revenir sur le marché avec des groupes de plus petite taille mais plus récurrents. Il nous faudra capitaliser sur la forte demande exprimée à l’échelle internationale et maintenir une action offensive sur le volet de l’aérien et sur le volet de la communication. L’année 2023 sera déterminante pour la confirmation de la reprise mais aussi de la résilience de la destination Maroc. Comme vous le savez, dans un contexte économique tendu, l’industrie touristique peut s’avérer un levier efficace et rapidement mobilisable pour contribuer au développement économique et social des territoires.
• Quelles sont les conditions de réussite de la nouvelle stratégie du secteur ?
Pour la CNT, et au vu du contexte actuel et de l’ambition légitime du secteur touristique marocain, nous avons défini quatre chantiers prioritaires. Tout d’abord, il nous faudra une amélioration des indicateurs de performance économique pour gagner les 20 points d’occupation manquant (pour passer de 48% à 65%) et qui permettrait au secteur d’atteindre les seuils de rentabilité. Cela passera par une véritable offensive sur le segment de l’aérien avec un doublement des capacités offertes aux différents territoires de la destination Maroc en point à point et à des prix très compétitifs.
Ensuite, le renforcement de l’équité territoriale. L’activité touristique devra être profitable à l’ensemble des territoires et tout au long de l’année. Cela nécessitera l’implication concrète des régions, notamment pour attirer des projets d’animation et de diversification de l’offre, et stimuler les investissements de petite taille ou de taille moyenne, ce qui soutiendra la création d’emploi et de valeur dans ces territoires.
Le troisième axe est lié à l’amélioration de la performance du marché intérieur. Cela passera par des leviers que nous avons eu l’occasion de détailler mais qui tardent à être activés, tel que la régionalisation du calendrier des vacances scolaires, le dispositif des chèques vacances défiscalisés, l’investissement dans des infrastructures et des activités d’animation et le renforcement du dispositif de lutte contre l’informel. Enfin, le capital humain et la formation sont également des axes prioritaires qui impactent la compétitivité de notre destination. Nous sommes amenés à déployer des efforts pour renforcer la montée en compétence des ressources humaines du secteur, et nous nous réjouissons du soutien consenti par les acteurs privés et le ministère de tutelle dans ce sens.
Il est également nécessaire que l’on continue d’améliorer l’attractivité de l’industrie touristique pour l’emploi des jeunes et pour l’entrepreneuriat. Ces quatre axes s’inscrivent dans la stratégie globale de développement du secteur du tourisme qui s’appuie sur l’amélioration de la qualité et de la compétitivité de la destination et sur le développement des investissements dans le secteur.
