Affaires
Web radios : elles prolifèrent sans rentabilité et sans contrôle
Marocparty.com, Maroczik, radiochaosleblog.blogspot.com, Yabiladi.com…, les webradios marocaines envahissent le net.
L’investissement se limite souvent au temps de conception, mais il peut atteindre 400 000 DH.
Peu de projets sont rentables, faute d’annonceurs.
Si le monde des médias attire nombre de jeunes marocains, rares sont ceux qui arrivent à lancer leur propre support. C’est la raison pour laquelle les «webradios» (radios diffusées sur Internet), de conception relativement facile, remportent ainsi un vif succès. Il suffit d’un microphone et d’un ordinateur pour démarrer. D’autres se contentent de réaliser une tracklist (liste de chansons qu’ils apprécient) qu’ils mettent à disposition des internautes. Dans la plupart des cas, l’investissement se limite au temps consacré au projet. C’est le cas pour radiochaosleblog.blogspot.com et lapagode.blogspot.com, lancés par Habib Hemche. D’autres projets requièrent une mise de fonds assez consistante. Ainsi, Rizk
Husseini, du site Marocparty.com, estime qu’un studio d’enregistrement nécessite un investissement de 100 000 DH, sans compter 15 000 DH de charges par mois entre les salaires, licences et hébergement du site sur un serveur. L’association EAC qui organise l’Boulvard prévoit, quant à elle, un budget de 400 000 DH pour sa webradio qui sera en ligne en mai.
Le montage des projets est souvent artisanal
Les promoteurs sont d’autant plus motivés que les échos sont favorables. Par exemple, Maroczik prétend être le deuxième site marocain le plus visité après Menara. Mohamed Meziane, DG du site, annonce pas moins de 12 millions de pages vues par mois. Chaque jour, Marocparty affirme réunir 4 000 auditeurs et Yabiladi, fondé par Mohamed Ezzouak, entre 15 000 et 20 000. De plus, depuis leur mise en ligne, la webradio du portail Yabiladi.com (en 2004) et Marocparty.com (fin 2005), ont servi de tremplin à de jeunes DJ, chanteurs et autres musiciens. «C’est un passage obligé. Les radios classiques sont assez fermées aux concepts d’émissions décalées», analyse un observateur du phénomène.
Pourtant les bénéfices sont rarement au rendez-vous, ou ne seront pas réalisés de sitôt. En cause, un montage souvent artisanal des projets. Mohamed Meziane affirme qu’«aucune radio ne dispose d’un business plan bien établi». Les annonceurs ne suivent pas et le chiffre d’affaires est pour la plupart des sites très faible. «Dans l’absolu, une émission ou webradio ne peut survivre que par le sponsoring ou des activités annexes», assure M. Hemche. A ce propos, il est souligné que les artistes autorisent gracieusement la diffusion de leurs créations en échange de bannières à leur effigie.
Des radios hébergées sur des sites étrangers
Du point de vue juridique, l’activité est exercée presque sans contrôle. Avant de lancer son concept, le fondateur de Marocparty dit avoir présenté à la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca) une demande restée lettre morte. Pourtant en théorie, le texte de loi sur l’audiovisuel réglemente les «diffusions sur ondes hertziennes et tout autre moyen de diffusion», confirme la Haca. Toujours est-il qu’aucune décision n’a pour le moment été rendue par la commission ad hoc composée par le ministère de la communication et l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) qui travaille sur un projet de loi visant à réglementer l’usage qu’on fait d’Internet.
Cependant, un tel texte ne pourra pas tout régler parce qu’il existe des moyens de le contourner. Déjà certaines radios sont hébergées sur des sites étrangers et d’autres entrent dans la catégorie «radio blog», à l’instar de radiochaosleblog.blogspot.com et de lapagode.blogspot.com.
«Dans la mesure où Internet couvre le monde et que le principe juridique applicable dans tous les pays est la territorialité et en l’absence d’un arsenal législatif sur lequel se seraient mis d’accord une majorité de pays, il n’y a pas de loi officielle applicable à la réglementation de la diffusion sur le web», explique le conseiller juridique Mehdi Lahlou. On sera donc en plein vide juridique, aussi longtemps qu’une conférence mondiale n’aura pas posé les jalons d’une réglementation d’Internet !