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Voitures d’occasion : Le marché prend le même sentier de 2019
• Quelque 500 000 mutations de propriété de véhicules particuliers ont été réalisées en 2021.
• Le manque de stock a entraîné une hausse des prix allant de 10 à 15% • Le secteur est plombé par l’informel • Plus de 95% des transactions sont effectuées entre particuliers.

Jamais le marché des voitures d’occasion n’a connu de perturbations aussi fortes que celles qui durent depuis 2020. Comme il est fortement corrélé au marché du neuf, un effet papillon s’est produit sur celui de la seconde main. En cause, la pénurie des semi-conducteurs. Ce problème, déclaré à l’échelle mondiale, impacte directement le marché du neuf dans la mesure où les importateurs ont du mal à constituer le stock de véhicules et à répondre à la demande des clients. Ces derniers, ne trouvant donc pas de voiture de substitution, gardent leurs véhicules pour eux, en attendant des jours meilleurs. Conséquence : le marché de l’occasion souffre d’un manque d’alimentation, entraînant ainsi un déséquilibre entre l’offre et la demande.
«Le marché des voitures neuves est constitué à hauteur de 50% par des achats de remplacement», souligne Nizar Abdallaoui Maane, fondateur de Kifal auto, marketplace dédiée à la voiture d’occasion.
Côté chiffres, le marché de l’occasion a réalisé près de 600 000 mutations de propriété de la carte grise en 2021, dont environ 500 000 au titre des véhicules particuliers. Il ressort en hausse de près de 25% par rapport à 2020, mais en quasi-stagnation comparativement à 2019. «L’on peut donc affirmer que le marché s’est plus ou moins bien porté, compte tenu des conditions actuelles. Il aurait toutefois dû tourner aux alentours de 600 000 transactions rien que pour les voitures des particuliers», ajoute M.Maane. Il faut dire aussi que le marché des voitures d’occasion a été dynamique suite à la conjonction d’autres facteurs. Ajouter à la faiblesse de la disponibilité du neuf, il y a lieu de noter aussi l’absence de promotions sur le marché du neuf, de salons de l’automobile ou encore le relèvement des prix de certaines gammes dans un contexte de rareté.
Face à une demande forte et une offre assez réduite, les prix ont été amenés à augmenter. Il ne s’agit pas d’une explosion des prix, encore moins d’un alignement des prix des voitures d’occasion sur les neuves. Adil Bennani, président de l’AIVAM, évoque une hausse allant de 10% à 15%. «Les prix ont certes été tirés à la hausse, mais le marché est loin de la progression des prix enregistrée dans d’autres pays comme les Etats-Unis, où elle a été de 40%», compare-t-il. Le constat n’est pas général, du moins de l’avis de M.Maane qui illustre : «Une voiture premium, BMW ayant parcouru 20 000 km avec 2 ans d’âge, a été vendue à peine 10% moins cher que son prix initial, alors que dans un contexte normal, elle aurait perdu 30% de sa valeur dès sa sortie du concessionnaire». Les exemples où une légère décote est opérée, sur le marché de la seconde main, sont nombreux. Et pourtant, les personnes physiques sont toujours prêtes à acquérir un véhicule. Cela paraît normal quand on sait que le taux d’équipement en voiture personnelle reste toujours faible au Maroc. Il tourne aux alentours de 36%, contre 20% en Turquie, 60% en France, 80% aux USA.
A quand une sortie de crise ? Aucune visibilité, ni aucun pronostic ne peut être émis tant que cette crise des semi-conducteurs est toujours d’actualité. Toutefois, nos interlocuteurs écartent l’éventualité d’un retour à la normale pendant ce 1er semestre. «Le marché devrait continuer à souffrir pendant le semestre courant. Le stock disponible de 2020 a été écoulé en 2021 et comme il était difficile d’en constituer l’année dernière, les concessionnaires ne trouveraient rien à commercialiser cette année», souligne M.Maane. L’on spécule donc sur un redressement de la situation au moins à partir de juin de l’année courante.
Un secteur qui est toujours en quête de professionnalisation
Le marché de l’occasion est plombé essentiellement par l’informel. Plus de 95% des transactions sont effectuées entre particuliers avec ou sans intermédiaires. L’AIVAM milite corps et âme pour structurer le marché et l’orienter vers le secteur organisé. «De gros efforts sont en cours de déploiement, surtout que ce même secteur organisé pâtit de procédures lourdes, tant pour l’obtention de la carte grise que pour la double mutation ou, encore, la revente dans une autre ville où le véhicule a été immatriculé…», soutient M.Bennani. Bien que le secteur commence à se restructurer, il estime que, tous types de véhicules confondus, le “formel“ réalise
8 000 à 10 000 ventes. Ce qui représente à peine 1% du marché global de l’occasion. Il n’en demeure pas moins que plusieurs importateurs ont investi le marché de la seconde main, en créant une filiale spécialisée dans la reprise des voitures, qu’elle soit de la même marque ou non pour certains. L’objectif est de structurer le marché, surtout que ces intermédiaires ne paient aucun impôt, ne donnent aucune garantie et n’ont pas de charges à supporter. Alors que les transactions sur le marché du neuf avoisinent les
176 000, elles sont de 600 000 sur le marché de l’occasion. Ce dernier représente ainsi 3,5 fois le marché de
1ère main. Il est donc dans l’intérêt de l’Etat de professionnaliser le secteur ne serait-ce que pour capter ce manque à gagner en terme de recettes fiscales. Cela, sans parler de toutes les garanties données à l’acquéreur.
