Affaires
Voitures de luxe : les annulations de commandes pleuvent chez les concessionnaires
Les véhicules de 600 000 à plus de 1 MDH enregistrent le grand nombre de désistements. Les professionnels annoncent que tout le secteur risque d’être mis en difficulté, sachant qu’ils se sont déjà engagés auprès de leurs fournisseurs. Ils demandent un moratoire de 3 à 6 mois pour leur permettre de satisfaire les commandes déjà passées.

Les effets de la taxe sur les voitures de luxe prévue dans la Loi de finances 2014 ont commencé à se faire sentir avant le démarrage de cette nouvelle année. Plusieurs concessionnaires présents sur ce segment rapportent que le mois de décembre 2013 a été marqué par deux tendances majeures. La première est que les clients, d’habitude très exigeants sur leurs choix, anticipent leurs achats en se contentant de l’offre disponible au niveau des showrooms pour éviter la taxe. «Nous nous attendons de ce fait à des niveaux de ventes corrects, en légère appréciation même en décembre», annonce un DG d’une grande enseigne de luxe de la place. Cette première tendance est confirmée par plusieurs clients qui ont été surpris, à l’occasion de récentes visites dans les showrooms des gros concessionnaires, de voir que plusieurs modèles disponibles par le passé n’étaient plus exposés ou ne se trouvent pas en stock. Ceci surtout au niveau du luxe moyen, vu que le très haut de gamme obéit à d’autres réflexes de consommation.
Seconde tendance carrément moins rassurante pour les concessionnaires, plusieurs clients qui ont déjà passé commande sont revenus sur leur décision, une fois mis au courant de la disposition de la Loi de finances. Ladite disposition prévoit un taux de 5% pour les voitures dont le prix de vente hors taxe est compris entre 400 000 et 600 000 DH. Ce taux passe à 10% pour les véhicules de valeur comprise entre 600 000 et 800 000, puis 15% pour ceux dont le prix est dans l’intervalle 800000 à 1 MDH, tandis que le luxe de pointe, dont les prix dépassent généralement 1 MDH, est taxé à 20%. Concrètement, un client qui aspire aujourd’hui à un SUV de 650 000 DH HT devra payer 65 000 DH de plus que ce qu’il devait débourser auparavant. «Par rapport au profil de la clientèle et ses réflexes, le taux de 5% peut facilement passer, mais dès que l’on est dans les 10%, soit entre 60 000 DH et 80 000 DH de renchérissement, la logique est tout autre. Pour 15 et 20%, la décision d’annulation est systématique. C’est d’ailleurs dans cette tranche que nous enregistrons le taux de désistement le plus élevé», affirme Mohamed Amal Guedira, DG d’Auto Nejma, distributeur de la marque Mercedes. Selon lui, cette donne aura un impact négatif sur le segment du luxe en 2014. «L’ensemble des concessionnaires s’est engagé auprès des fournisseurs par rapport à un volume de commandes, les stocks sont déjà achetés. Vu le rush des annulations auquel nous assistons aujourd’hui, les stocks d’invendus vont à coup sûr s’entasser en 2014 et les concessionnaires se retrouver dans une situation délicate notamment du point de vue de la trésorerie», explique M. Guedira.
Les dernières commandes passées chez les constructeurs sont attendues vers mars-avril 2014
Les concessionnaires se disent très déçus du fait que les modalités d’application de cette taxe n’aient pas fait l’objet de concertation. Ils sont unanimes à affirmer qu’elle est venue mettre sérieusement à mal un secteur qui, jusque-là, arrive à se maintenir. «A moyen terme, la taxe aura une grande incidence sur l’évolution du marché de l’automobile et sur sa segmentation», nuance un directeur commercial chez un concessionnaire.
En attendant, l’heure est à la recherche d’alternatives pour contenir au minimum l’impact de la nouvelle taxe. Certains concessionnaires seraient en train de revoir leurs prix afin de neutraliser la nouvelle taxe. L’Association des importateurs de véhicules automobiles montés (AIVAM) propose pour sa part un moratoire sur les commandes déjà passées et qui sont attendues vers mars-avril 2014, soit 3 mois au minimum. «Cela donnera la possibilité aux concessionnaires d’écouler au moins ces stocks et leur permettra de s’arranger pour le reste de 2014 vis-à-vis de leurs fournisseurs», explique M. Guedira, également président de l’AIVAM. L’association a saisi, il y a 15 jours, le ministère du commerce et de l’industrie ainsi que celui des finances par écrit pour que ce moratoire soit décidé dans les plus brefs délais, de façon à apaiser les inquiétudes qui pèsent depuis peu sur le secteur. Elle attend toujours la réponse.
