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Affaires

Vieille et mal équipée, la flotte marocaine est peu rentable

447 navires hauturiers et 2 495 unités de pêche côtière composent la flotte marocaine, près des deux tiers seulement sont en activité.
Pour les armateurs, les mesures d’incitation promises par le ministère des pêches sont restées au stade
des déclarations.

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Au Maroc, la pêche est une activité vitale pour l’économie nationale. Les eaux nationales sont fréquentées aussi bien par la flotte nationale que par les bâtiments de pêche des pays autorisés par le Maroc (voir encadré) à pêcher au large de ses côtes, essentiellement atlantiques (Union européenne et Russie).

Du côté marocain, on recense 447 navires hauturiers et 2 459 unités de pêche côtière. Premier constat : cette flotte est loin d’être à la pointe en matière de technologie. «Cette flottille est, dans la majorité des cas, faiblement équipée en moyens de navigation, de détection et de communication. Elle utilise des techniques de pêche et de manutention peu performantes». Le constat est de Mohamed Tarmidi, secrétaire général du département des pêches maritimes.

En effet, pour la flotte côtière, par exemple, les unités sont construites localement en bois et ne dépassent guère 25 m de longueur et 450 CV de puissance. Il s’agit, de manière plus détaillée, de 490 chalutiers, 448 sardiniers, 901 palangriers, 528 navires mixtes et 128 autres navires exerçant des activités de pêche différentes. Et encore, tous ne sont pas réellement en activité. Du côté de la pêche côtière, ce sont entre «1 600 et 1 800 navires seulement qui pêchent actuellement», souligne Lahcen Bijdiguen, président de la Confédération de la pêche côtière.

«Le secteur est en crise. Depuis 2003, la charge du carburant a augmenté de près de 150%. En contrepartie, les professionnels de la pêche se trouvent confrontés à une véritable rareté de la ressource halieutique», explique-t-il. «Le poisson est devenu très rare», ajoute Mohamed Bazzin, président de l’Union des associations de pêche côtière du Sud.

Un navire hauturier doit réaliser un chiffre d’affaires quotidien minimal de 5 000 dollars
Ce dernier donne l’exemple d’une sortie en mer d’une dizaine de jours. «Il faut compter entre 90 000 DH et 95 000 DH entre coût du carburant, de la glace, du ravitaillement des marins et de divers autres frais. A cela s’ajoute 15% de la recette finale à verser à l’Etat et aux collectivités locales en taxes diverses. Si l’on sait que la recette d’une telle sortie dépasse rarement les 130 000 DH, vous pouvez calculer la marge de bénéfice qui reste à l’armateur, et qu’il doit partager pour moitié avec les marins», démontre M. Bazzin dont les bateaux sont basés à Laâyoune. A signaler qu’un chalutier emploie entre 16 et 24 marins, 35 à 50 travaillent à bord d’un sardinier alors qu’un palangrier en emploie 10 à 15.

La crise concerne également les bateaux de pêche hauturière. «Le secteur ne fait que vivoter. La preuve en est, les entreprises de plus en plus nombreuses qui sont en dépôt de bilan ou en saisie judiciaire parce qu’elles ont vu leurs dettes s’accumuler», précise un armateur. Pour un autre, qui a souhaité témoigner sous couvert de l’anonymat, le secteur est victime «de l’absence d’un vrai gestionnaire de la ressource et des investissements».

Cet armateur, basé à Agadir, poursuit en dénonçant un manque flagrant de visibilité. «Un armateur ne sait pas à l’avance de quelle manière il va exploiter ses bateaux. Les périodes d’arrêts biologiques ne sont pas connues à l’avance et les quantités à pêcher non plus. Résultat : on ne peut programmer l’exploitation de la ressource que sur quatre ou cinq mois tout au plus». Et d’ajouter : «Dans notre secteur, on ne pense plus à gagner de l’argent mais tout simplement à pouvoir au moins rentrer dans nos frais». En effet, les armateurs sont de plus en plus nombreux à préférer laisser leurs navires, jugés non rentables, à quai. «Un navire hauturier doit réaliser un chiffre d’affaires minimal de 5 000 dollars (près de 43 000 DH) par jour. Très rares sont les bateaux qui dépassent ce seuil actuellement au Maroc», précise un professionnel du secteur.

Les armateurs sont donc unanimes à condidérer que le secteur est au bord de la faillite. C’est pourquoi des efforts ont été entrepris pas le gouvernement en vue d’améliorer l’état de la flotte et donc la rentabilité de l’activité. En 2006, le département des pêches maritimes a mis en place un programme de modernisation «en vue d’assurer une meilleure rentabilité des unités de cette flottille côtière et une utilisation plus rationnelle des ressources halieutiques», comme le souligne son secrétaire général, Mohamed Tarmidi.

Au programme : introduction de nouvelles unités (en acier) pour remplacer les vieux bateaux en bois ou réaménagement des unités existantes à travers l’isolation des cales et l’installation de système de réfrigération, amélioration des conditions de vie des marins à bord, installation de machines à glace sur les bateaux et utilisation de caisses normalisées. Les armateurs éligibles à ce programme bénéficient de crédits bancaires négociés à des taux d’intérêt préférentiels. Un fonds de garantie, géré par l’ONP, a été mis en place à cet effet.

Mais ces efforts demeurent très contestés par les professionnels. Lahcen Bijdiguene, les juge «inexistants». Même constat du côté des armateurs hauturiers. Les professionnels et le ministère de tutelle n’en sont pas à leur première polémique, celle-ci dure depuis près de 10 ans et n’est pas près de s’arrêter.

Focus
Quid de la flotte étrangère ?

Les bateaux étrangers qui pêchent dans les eaux marocaines sont essentiellement européens et russes. L’accord avec l’Union européenne, signé en juillet 2005 et entré en vigueur en mars dernier, concerne 119 unités et prévoit un quota annuel de 60 000 tonnes pour la pêche pélagique industrielle, qui devrait bénéficier principalement aux flottes des pays du nord de l’Europe. Du côté des Russes, le dernier accord est en application depuis le 15 octobre 2006. Il autorise 12 navires russes à pêcher dans les eaux marocaines avec un quota de captures fixé à 12 000 tonnes. A signaler qu’en 1999, ils étaient 11 navires russes à être autorisés à pêcher au large du Maroc contre 15 en 1992.