Affaires
Vaccins : la rupture de stock favorise l’émergence d’un circuit parallèle de distribution
BCG, DT-Polio, Engerix, Génevac et les sérums anti-D et antitétanique font défaut. Les achats se font dans les aéroports, chez les pédiatres ou à l’étranger. Les professionnels ne disposent pas des trois mois de stock exigés par la loi.

La fréquence des ruptures de stock des vaccins inquiète les professionnels et les familles. Depuis le début de l’année, le Maroc en est à sa troisième rupture de stock de BCG, DT-Polio, Engerix et Génevac (contre l’hépatite B) et de sérums anti-D (pour les rhésus négatifs) et antitétanique. Si pour ce dernier médicament, des mesures ont été prises par l’Institut Pasteur et Sanofi Maroc pour pallier le manque en attendant la reconstitution du stock à partir de janvier 2016, pour les vaccins les professionnels disent n’avoir aucune visibilité sur la situation du marché. Celui-ci est estimé, hors appels d’offres, à 54,5 MDH pour un volume de 485 000 unités dont 286500 de vaccins viraux ( 29,4 MDH ) et 79 900 vaccins bactériens pour une valeur de 18,8 MDH.
Selon les industriels, le Maroc est dépendant du marché international en matière de vaccins. Dès lors, il ne peut que subir les difficultés de ses fournisseurs dont les stocks sont épuisés ou qui n’en ont plus suffisamment. Cette dépendance est considérée comme une «grande anomalie».
Les professionnels de la santé sont d’autant plus désarçonnés que l’observatoire de la direction de la pharmacie et du médicament du ministère de la santé ne fournit aucune explication sur la situation actuelle. «Est-elle due à une réexpédition de lots défectueux ou à une indisponibilité des matières premières au niveau des laboratoires producteurs ?», s’interrogent-ils. «Afin de ne pas perturber le calendrier des vaccins, c’est le circuit de la débrouille qui permet aujourd’hui aux parents d’acquérir les vaccins, ce qui est anormal, sachant que la loi 17-04 réglementant la profession impose l’existence d’un stock de trois mois aussi bien aux laboratoires fabricants, aux importateurs qu’aux grossistes», déplore un pharmacien d’officine. Les achats se font dans les aéroports, à l’étranger ou chez les pédiatres.
Un écosystème pour développer la filière de la biotechnologie
Les pédiatres sont accusés d’être à l’origine d’un circuit atypique de commercialisation des vaccins qu’ils achètent eux-mêmes, avec remise, auprès des officines. «Une pratique réprouvée par la loi», dénonce un professionnel de la place qui cite l’exercice illégal de la pharmacie par une profession non habilitée à commercialiser des médicaments et l’octroi des remises sur le PPV. Il ne manque pas de souligner que dans le cadre du suivi et de la surveillance du secteur, le ministère de la santé a publié en juin dernier une circulaire interdisant la remise sur les prix fixés par l’administration. La même circulaire fixe une peine d’emprisonnement d’une à trois années pour les pharmaciens ne respectant pas les dispositions légales relatives au prix des médicaments. Ce qui pourrait limiter les pratiques illégales perturbant le marché du médicament. Reste que la problématique des vaccins dépasse ce cadre et nécessite, estiment les industriels, l’incitation et le soutien au développement de la production pharmaceutique. Au Maroc, l’industrie pharmaceutique se limite à une production à base chimique ; tout ce qui est médicament à base organique et biologique est aujourd’hui importé. Seul le pari de l’insuline a été gagné. Il est donc urgent de développer une production biotechnologique. C’est pourquoi il est prévu un écosystème spécifique à la filière de biotechnologie qui permettra la fabrication de vaccins, de sérums et autres produits anticancéreux actuellement importés. Par ailleurs, l’Institut Pasteur pourrait aussi, dans le cadre d’une politique industrielle du médicament, jouer un rôle primordial dans la fabrication des vaccins et sérums sans pour autant concurrencer les laboratoires importateurs. Un chantier sur lequel El Hossein Louardi est très attendu…
