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Urbanisation : fini la zizanie sur le littoral
Interdiction de construire sur une largeur de 100 mètres à partir de la limite terrestre du littoral. L’urbanisation du littoral sera régie non plus par les documents d’urbanisme mais par des schémas du littoral visant à préserver ces zones.
L’urbanisation a beau représenter un des premiers dangers pour le littoral national, son cadre juridique reste plutôt peu regardant sur la question. Dans les grandes lignes, les lois sur l’urbanisme considèrent le littoral comme un espace ordinaire ne méritant pas protection et aménagement particulier. Cette négligence n’est pas à vrai dire l’apanage de la législation de l’urbanisme mais vaut également pour les lois d’autres domaines qui peuvent être tout aussi nocifs pour le littoral : l’industrie, le tourisme… Au final, la protection du littoral relève actuellement d’une législation parcellaire qui reste inefficace. C’est à cet effet qu’un avant projet de loi dédié au littoral vient d’être dévoilé par le département de l’environnement et devrait être examiné prochainement en conseil de gouvernement.
Le texte apporte des changements non négligeables en matière d’urbanisme. La nouvelle loi introduit d’abord des schémas nationaux et régionaux du littoral. Etablis pour une durée de 10 ans par l’administration en concertation avec les conseils des régions ou encore les conseils des communes, ces documents fixent un ensemble de règles à respecter pour le littoral d’une zone donnée en vue de la mettre en valeur, de la conserver et de la protéger. Ce faisant, ces schémas ont un rôle déterminant en matière urbanistique : ils l’emportent sur toutes les dispositions contraires contenues dans les documents d’urbanisme ou les règlements de construction. En l’occurrence, ces derniers documents doivent être révisés pour s’aligner sur les dispositions des schémas du littoral. Et même en cas d’absence de ces derniers référentiels, les documents d’urbanisme doivent prévoir les règles et mesures nécessaires permettant la protection du littoral tout en veillant à la cohérence des projets d’investissement et d’équipement à réaliser par les différents acteurs (Etat, collectivités territoriales et secteur privé).
Le taux d’urbanisation sur le littoral atlantique est de 69%
Les schémas du littoral sont également importants parce qu’ils fixent la largeur de la zone non constructible sur un littoral. A vrai dire, celle-ci est par définition fixée par la nouvelle loi à 100 mètres calculées à partir de la limite terrestre du littoral. Mais les schémas peuvent réviser ce seuil à la hausse lorsque cela est justifié (érosion des côtes, nature des sols, conservation des paysages naturels…). Et pour que les développeurs ne prennent pas cette contrainte à la légère, la nouvelle loi punit d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et/ou d’une amende de 20 000 à 500 000 DH quiconque édifie toute construction ou installation dans la zone non constructible. Mais qu’en est-il des unités bâties sur des terrains non constructibles avant l’entrée en vigueur de la loi ? Celles-ci ne peuvent faire l’objet d’extension ou de modifications substantielles, seules sont autorisés des travaux d’entretien et de restauration.
Outre les schémas du littoral, la nouvelle loi impose un ensemble de règles pour amoindrir la pression urbaine sur le littoral. Il faut en effet savoir que les taux d’urbanisation sont de l’ordre de 69% sur le littoral atlantique et 49% sur le littoral méditerranéen selon les statistiques du ministère de l’Habitat. De fait, la nouvelle loi impose que toute création ou extension d’agglomérations existantes soit envisagée vers des espaces les plus éloignés du littoral. Et dans le cas où ces développements sont envisagés vers des espaces proches du littoral, ils doivent être justifiés par les documents d’urbanisme, à savoir par des critères liés à la configuration des lieux ou à la nécessité de créer des zones d’activité économique exigeant, en raison de leur nature, la proximité de la mer. Ces documents doivent également prévoir le maintien d’espaces naturels séparant ces agglomérations.
Aussi, pour déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser sur le littoral, les documents d’urbanisme doivent tenir compte de la préservation des espaces naturels, des équilibres écologiques et du patrimoine culturel du littoral. Ces documents doivent également garantir la protection des espaces nécessaires à l’exercice des activités agricoles, forestières et maritimes ou à leur développement. Enfin, les plans régissant les zones proches du littoral doivent prévoir des conditions d’accès par le public aux plages et aux espaces naturels ainsi qu’aux équipements qui leur sont liés.