Affaires
Une polémique syndicale perturbe l’examen par le Parlement du projet de loi sur la fusion ONE-ONEP
La FDT demande la suspension de la discussion du projet sous prétexte que les employés des deux offices n’ont pas été consultés.
Elle proteste également contre les élections syndicales qui se tiennent actuellement à l’ONE, traditionnellement fief de l’UMT.

Lorsque le projet de loi 40/09 portant regroupement de l’Office national de l’électricité (ONE) et de celui de l’eau potable (ONEP) était soumis en avril dernier au Parlement, tout le monde pensait que son adoption ne serait qu’une simple formalité. Très détaillé, bien ficelé, le texte avait pratiquement fait unanimité à propos de son contenu au sein de la commission de l’agriculture et des questions économiques à la Chambre des conseillers. Sauf que depuis quelques jours, la rivalité entre centrales syndicales l’a emporté sur la logique de l’intérêt collectif et elle s’est répercutée sur les travaux de la commission qui examine ledit projet de loi. Du coup, c’est un marathon législatif que la ministre de l’énergie devra entreprendre au Parlement pour débloquer la situation.
Tout a commencé le 22 septembre quand le groupe de la Fédération démocratique du travail (FDT), centrale syndicale proche de l’USFP, a demandé le report de l’examen du texte lors de la réunion de la commission technique à laquelle a été confiée la tâche de débattre en équipe réduite certains détails. Motif : la FDT exige que le directeur général de l’ONEP/ONE reçoive une délégation de la centrale. La décision n’a pas manqué d’étonner d’autres membres de la commission. «Tout se déroulait normalement et il n’y avait jamais eu d’objection notable sur les principales dispositions du texte», s’étonne un conseiller membre de ladite commission.
Les responsables de la FDT reconnaissent en fait que le fond du texte portant sur la fusion des deux entités est «très positif au niveau économique et eu égard au défi énergétique auquel est confronté le pays». Pourquoi donc s’opposent-ils à poursuivre l’examen du projet ? «C’est pour protester contre le fait que les employés des deux offices n’ont pas été consultés avant d’entamer l’étude du texte au niveau du Parlement», estime Ahmed Daidaa, le conseiller qui a demandé le report au nom de la FDT. Ce dernier avance une autre raison : «C’est également pour contester la programmation au sein de l’ONE d’élections pour le renouvellement des représentants du COS (Comité des œuvres sociales) et de la mutuelle».
Au-delà de la carte de la paix sociale et de l’avenir de 15 000 salariés brandie par ce syndicat, c’est le deuxième motif qui donne plus d’éclaircissements sur cette position.
Le projet de loi otage du bras de fer syndical
Derrière le veto adopté vis-à-vis du projet de loi se cache une course entre cette centrale syndicale et sa rivale éternelle, l’Union marocaine du travail (UMT), pour renforcer leurs positions respectives dès à présent dans la nouvelle institution qui se substituera aux deux offices. C’est pourquoi le renouvellement pour les six prochaines années des représentants syndicaux à l’ONE, prévu jeudi 7 octobre, a suscité l’ire de la FDT. D’autant que l’UMT domine depuis très longtemps le domaine syndical au sein de l’office casablancais, alors qu’a contrario la FDT est très bien représentée à l’ONEP.
«L’organisation de ces élections est arbitraire et elle vise à renforcer l’UMT puisqu’il faut attendre la mise en place de la nouvelle institution avant de procéder à une telle opération», prévient M. Daidaa. Il s’agit donc d’une rivalité syndicale qui bloque un texte de loi.
Du côté du ministère de l’énergie et des mines, on refuse de se prononcer sur le sujet. Mais auprès du syndicat UMT, on estime que «l’élection est dictée par un planning fixé à l’avance avant même le lancement du projet de fusion entre les deux offices et que la direction n’intervient pas dans ce genre d’affaires syndicales». La FDT, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Elle a saisi ainsi l’occasion de l’examen du projet de loi pour faire pression et imposer l’annulation de ces élections afin de défendre ses chances de représentativité dans le nouvel établissement. Ce que certains n’hésitent pas à qualifier de
«chantage» de la part de la FDT. «Cela n’a aucun sens de bloquer un texte et un débat législatif d’une grande importance pour l’économie du pays pour un conflit entre syndicats», déplore un conseiller de la commission de l’agriculture et des questions économiques.
Aberrant, d’autant que les concepteurs de ce texte et la direction doivent rester neutres dans cette affaire. C’est pourquoi la demande de la FDT d’être reçue par le DG des deux offices est très embarrassante. Et elle risque de faire perdurer le blocage surtout que les responsables du syndicat maintiennent leur position à la veille de la réunion de la commission technique prévue mardi 12 octobre.
