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Un plan d’urgence pour le tourisme ?

En février et mars, les ventes et les réservations sont en baisse de 10 à  60 %, selon les destinations. Beaucoup d’annulations au niveau du tourisme d’entreprises, des séminaires et des congrès.

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Plan Urgence TOURISME 2011 03 04

L’année 2011 avait bien démarré pour le tourisme national avec une progression des arrivées de 15% et celle des nuitées de 19% en janvier par rapport au même mois de 2010. Mais, c’est connu, en matière de tourisme, rien n’est jamais joué à l’avance, tant le secteur est sensible à tous les aléas : économiques, politiques, géographiques, naturels, climatiques… Il n’est donc pas étonnant que la vague de contestations, plus ou moins violentes selon les pays, que vit l’Afrique du Nord (Tunisie, Egypte, Libye) et le monde arabe depuis début janvier ait fini par déteindre sur le Maroc.  Les manifestations du 20 février sont venues installer un léger sentiment de défiance envers la destination. Les informations recueillies par La Vie éco chez les opérateurs (voyagistes et hôteliers) montrent que les réservations pour les mois à venir s’inscrivent nettement à la baisse, notamment dans le tourisme d’affaires et de l’incentive (séminaires et congrès). Dans tous les cas la situation depuis quelques jours est jugée suffisamment préoccupante par les professionnels et les autorités. Le sujet a fait l’objet de discussions lors des réunions du ministère du tourisme et de l’Onmt avec les CRT, lundi 28 février et le mardi 1er mars, la CGEM décidait de se pencher sur le dossier.

Le Maroc n’a pas profité des annulations de voyages vers la Tunisie

Sur le terrain, la situation est jugée plus ou moins grave selon les interlocuteurs. Jean Jacques Bouchet, le Dg de Fram Maroc, confirme la tendance à la baisse des réservations. «Les ventes pour les mois de février et mars sont en recul de 10% à 15% par rapport à l’année dernière, et c’est à mettre sur le compte de l’effet psychologique que les événements connus par certains pays de la région ont sur le touriste français», souligne-t-il. Le DG de Fram reste toutefois serein pour la destination, car il estime que les médias français ont traité les événements survenus au Maroc de manière plutôt «soft», mais il reconnaît que pour son groupe, il n’y a pas eu vraiment de report des annulations de voyages vers la Tunisie sur le Maroc.
Même son de cloche chez le groupe Accor. Christian Rousseau, DG d’Accor Gestion Maroc, avance que globalement les deux premiers mois de l’année ont été bons par rapport à l’année dernière, même si, depuis le 20 février, les entreprises qui avaient réservé pour des conventions attendent de voir l’évolution de la situation pour confirmer. Selon lui, s’il y a une ou deux annulations de manifestations d’entreprises, il n’y a pas de quoi paniquer, car eu égard à la manière dont les autorités marocaines ont géré les événements, la destination ne devrait pas être pénalisée.  «Maintenant, on n’a pas de boule de cristal et le secteur reste très sensible y compris aux amalgames qui peuvent avoir lieu. De notre côté, on s’attelle à répondre aux interrogations de nos clients en leur expliquant que le Maroc reste une destination sûre et agréable, et en leur proposant des offres spécifiques», conclut M. Rousseau.

Tanger durement secouée par les actes de vandalisme du 20 février

Des déclarations empreintes de prudence mais qui trahissent une certaine inquiétude, à l’instar du communiqué de la Fédération nationale du tourisme (FNT) publié le 24 février dernier. La FNT estime que «les actes de vandalisme, de pillage, et de casse qui se sont produits risquent de se traduire  par des annulations de voyages émanant des principaux marchés émetteurs». Une source à la FNT reconnaît qu’il y a une baisse des réservations mais qui pourrait être compensée par des ventes de dernière minute. S’agissant des destinations nationales phare, il est cependant clair que le moral n’est pas au beau fixe. Si, à Marrakech, on n’affirme  qu’il n’y a pas encore d’évaluation chiffrée des baisses au niveau du CRT, certains hôteliers n’hésitent pas à témoigner sur ce qui se passe dans leurs établissements. Ainsi, le patron de l’Eden Andalous, Abdelali Chaoui, n’hésite pas à dire que dans son établissement, tous les séminaires ont été annulés en raison de l’amalgame dont le marché marocain est l’objet. Pour ce qui est des réservations individuelles M. Chaoui déclare que 20% ont été annulées, précisant que les annulations émanent surtout des TO alors que les clients qui ont réservé par internet sont maintenus. «Actuellement, fait savoir M. Chaoui, j’accueille 300 personnes dans mon hôtel, soit un taux de remplissage de 50%, mais le mois de mars ne s’annonce pas du tout bon». Un autre hôtelier qui s’exprime de manière anonyme affirme aussi que le créneau du tourisme d’affaires a connu beaucoup d’annulations et que sur le segment du tourisme individuel, la baisse se situerait entre 15 et 20%.
Il indique en outre que ses établissements connaissent un taux d’occupation autour de 45%. Cet hôtelier estime que l’ONMT aurait pu réagir plus rapidement et revoir ses actions en menant une campagne dans la presse grand public et les télévisions généralistes (voir encadré).
A Agadir, la transparence est plus de mise. Le PV rédigé suite à la réunion du Conseil régional du tourisme (CRT) tenue le 22 février décrit de manière claire la situation des réservations : annulation des groupes spéciaux et des grou-pes d’entreprises, annulation des réservations enregistrées jusqu’à présent pour les mois de juillet, août et septembre 2011. Il s’y ajoute qu’après les manifestations du 20 février, les ventes ont chuté de 20%. Le CRT appelle les professionnels à s’organiser pour véhiculer une image positive du pays et faire adhérer tous leurs partenaires à cette idée.
En ce qui concerne l’Etat, appel est fait aux diplomates de travailler à rassurer les décideurs. Les délégations de l’ONMT à l’étranger doivent aussi s’appliquer pour véhiculer dans la presse l’idée de stabilité du Maroc et de la sécurité qui y règne.
Fès n’est pas mieux lotie. La destination culturelle qui avait réussi a redorer son blason au cours des dernières années accuse le coup des actes de vandalisme perpétrés à la suite des manifestations du 20 février. Selon le CRT de la ville, il y a des annulations de l’ordre de 30% à 35% et les ventes sont pratiquement en arrêt.
Enfin, à Tanger la situation semble être pire. Suite aux troubles que la ville a vécus, le président du CRT Mustapha Boucetta estime la baisse des réservations entre 40 et 60% et constate l’annulation des escales de certains paquebots de croisière au port de Tanger. Certains hôteliers dans la ville du détroit sont désespérés, à l’instar de Mounir Benkirane, DG de l’Hôtel intercontinental, qui affirme que «les réservations de groupes ont pratiquement cessé». Il déplore également la baisse des réservations pour les séjours et les séminaires d’affaires. M. Benkirane fait état d’un taux de remplissage de 30% en février contre 77% en 2010. Le Movenpick, lui, affiche une baisse de 9% par rapport au mois de février 2010 et la suite ne s’annonce pas meilleure. Cet hôtel annonce l’annulation de séminaires corporate et de réservations de groupes. En réaction à cette situation, le directeur commercial Mohamed Afquir juge nécessaire de prospecter plus agressivement le marché national et relancer l’activité corporate «car les investissements industriels sur Tanger se poursuivent normalement». Il considère que si «de pareils incidents avaient eu lieu à l’automne, la fin d’année 2010 aurait été ruinée, mais comme ils coïncident avec la basse saison, le retard peut être rattrapé». Partout, les hôteliers sont donc partagés entre la crainte de voir la crise s’installer en 2011 et l’espoir que tout rentre dans l’ordre rapidement.