SUIVEZ-NOUS

Affaires

Un fonds d’investissement doté d’un milliard de DH pour les forages pétroliers

Ses ressources financières permettront de réaliser des études
préalables au profit des compagnies étrangères.
72 permis de recherche ont été accordés en off-shore et 15
en
on- shore, en plus de quatre zones de reconnaissance, dont 2 en off-shore et 2
en on-shore.
Quelques gisements de gaz ont été découverts dans le Gharb
et à Essaouira et alimentent déjà l’industrie locale.

Publié le


Mis à jour le

rub 1169

Cinq ans se sont écoulés depuis la fausse alerte de Talsint en 2000. L’euphorie avait alors giclé avant le pétrole. Depuis, l’engouement s’est tassé et les esprits ont retrouvé leur sérénité avant que l’espoir ne soit de nouveau ravivé après l’annonce de la dernière découverte du pétrole dans l’off- shore mauritanien. Une question que se sont posé alors des millions de Marocains : faisons-nous exception au Maghreb ? Est-ce une malédiction de la géologie, une malchance ou tout simplement un travail entamé trop tardivement ?
La réalité, comme la qualifie Mohamed Boutaleb, ministre de l’Energie et des Mines, est à la fois simple et amère. «Nos bassins sont tout simplement mal explorés. Les Tunisiens se sont mis à la tâche bien avant, ont exploré et ont eu droit par la suite à des découvertes. Même chose pour l’Algérie, le Tchad, la Mauritanie ou la Libye. Il y a un travail à faire avant d’aboutir à un résultat». Le risque géologique avancé par certains opérateurs n’a pas de sens aux yeux du ministre. Et pour cause, plusieurs autres pays dont la géologie est aussi accidentée que la nôtre sont aujourd’hui producteurs de pétrole. L’Iran et le Venezuela en sont l’illustration. C’est donc une simple question de patience, de persévérance et de travail scientifique. Ce travail, justement, a été confié à l’ONHYM, (Office national des hydrocarbures et des mines).
Durant les cinq dernières années (2000-2004), l’exploration pétrolière des bassins sédimentaires marocains a enregistré une relance, marquée par un afflux plus important des sociétés pétrolières internationales.
A fin 1999, le Maroc ne comptait pas plus de huit autorisations de reconnaissance, couvrant respectivement 8 308 km2 en on-shore et 90 107 km2 en off-shore, et 5 permis de recherche en on-shore, sur une superficie de 8 717 km2. La superficie totale couverte ne dépassait pas 107 131 km2.

2,9 milliards de DH injectés en cinq ans
Aujourd’hui, ce domaine a été plus que doublé. 72 permis de recherche ont été accordés, dont 57 en off-shore et 15 en on-shore, en plus de quatre zones de reconnaissance, dont 2 en off-shore et 2 en on-shore. Au total, ce sont 17 sociétés pétrolières avec lesquelles l’ONHYM (ex-ONAREP-BRPM) a signé 13 accords pétroliers et 4 autorisations de reconnaissance. Sur la liste des compagnies, on dénombre de grands gabarits, comme Shell, Agip-ENI, l’espagnole REPSOL YPF, les américaines Keer Mc Gee et Vanco, la danoise Maersk Oil, la norvégienne Norsk Hydro, la sud-africaine Energy Africa ou la malaisienne Petronas. La dernière à rejoindre la liste a été la chinoise CNOOC.
De gros moyens ont été déployés par ces sociétés, dont la présence au Maroc est un indicateur de taille. Entre 2000 et 2004 elles ont injecté 2,4 milliards de DH en off-shore et 520 millions en on-shore, soit un joli pactole. Mais ce n’est pas pour autant que le pétrole a giclé. Et pour cause, l’effort d’exploration demeure malgré tout faible. Un bémol toutefois. Quelques gisements de gaz dans le Gharb et à Essaouira ont été mis en exploitation. La persévérance de certaines compagnies a fini par payer. Cabre Maroc Ltd en fait partie. «Après plusieurs tentatives, nous avons réalisé cinq découvertes de champs de gaz. Les réserves du quatrième puits sont estimées à 50 millions de m3», explique Anass Costagliola, résident manager de Cabre Maroc Ltd. Un résultat qui demeure toutefois maigre face à l’investissement consenti par l’entreprise qui, à fin 2004, avait injecté 12,5 millions de dollars. Le gaz exploité dans les quatre puits est commercialisé localement au profit de la CMCP, localisée à Kénitra. En 2004, Cabre lui a vendu du gaz pour un montant total de 18,5 MDH. Au total, l’exploitation du gaz à Essaouira (vendu à l’OCP) et dans le Gharb rapporte annuellement 50 MDH.

En 2004, 200 puits ont été forés en Algérie contre seulement 3 au Maroc
Aujourd’hui, un constat est partagé par tous. L’exploration des bassins marocains, en termes de nombre de puits forés en on-shore et off-shore, reste très limitée, comme le montre la densité des forages : 0, 04 puits/100 km2 au Maroc, contre une moyenne, à l’échelle mondiale, de 8 puits/100 km2. L’off-shore marocain, zone la plus prometteuse est, compte tenu du nombre réduit de puits (seulement 32) qui y sont concentrés, essentiellement dans la zone de l’off-shore peu profond, entre Essaouira et Tarfaya, reste une immense zone encore sous-explorée. D’autres tentatives doivent être menées. «A titre d’exemple, 200 puits ont été forés avant de mettre en évidence le gisement d’Ekofisk en mer du Nord, 133 pour découvrir le gisement Leduc au Canada et 500 puits dans les Rocheuses (USA)», explique Amina Benkhadra, directrice de l’ONHYM.
En 2004, trois puits seulement ont été forés en offshore profond au Maroc, par des groupes de sociétés pétrolières telles que Shell, Vanco, Eni, Keer Mc Gee, Repsol YPF, Wintersshall et Energy Africa. Le coût total de ces forages est de l’ordre de 80 millions de dollars. Ces trois puits ont mis en évidence, soutiennent les responsables de l’ONHYM, des indices de gaz et d’huile et des roches prolifiques pour générer des hydrocarbures. «Ces nouvelles données vont permettre de réévaluer l’immense zone vierge de l’Atlantique profond marocain et de réorienter le programme d’exploration pour définir des zones plus prometteuses. Il est à signaler que ces puits ne constituent qu’un premier pas dans le programme de recherche pétrolière de l’off-shore marocain et d’autres puits sont programmés et seront réalisés dans ces régions prometteuses», note Mme Benkhadra. Les efforts doivent encore s’intensifier. Chez les voisins algériens, par exemple, pas moins de 200 puits ont été réalisés en 2004.
Aujourd’hui, le grand défi est d’intéresser davantage les compagnies internationales aux gisements marocains et, surtout, de les retenir sur place. Pour cela, il faut déployer la grosse artillerie. La partie marocaine doit mettre davantage la main à la poche pour réaliser les études préalables, au profit des compagnies étrangères. Et ce n’est pas avec les moyens actuels de l’office que le Maroc pourra y arriver. La dotation étatique à l’ONHYM atteint à peine 50 MDH par an, alors que le forage d’un puit en off-shore peut coûter, au bas mot, 300 MDH, sans aucune garantie de résultat de surcroît.
C’est ce qui fait dire à Mohamed Boutaleb qu’il faut donner à l’ONHYM les moyens financiers pour faire son travail. «Actuellement, nous réfléchissons à la création d’un fonds d’exploration. Sera-t-il alimenté par le Fonds Hassan II ou par des opérateurs pour en faire un fonds de capital-risque? Nous sommes en train d’examiner les formules du montage», confie à La Vie éco le ministre de l’Energie et des Mines. Une équipe task force a été désignée pour étudier le montage juridique, administratif, technique et financier de ce fonds. Une chose est sûre. Les opérateurs nationaux seront approchés pour prendre part au tour de table. Pour son démarrage, le fonds aura pour capital initial un peu plus d’un milliard de DH. Sa mise en œuvre, si tout se passe sans embûches, est attendue pour 2006.