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Affaires

TVA à  l’importation : des exonérations supprimées et personne n’est au courant !

Matériel pour les fondations, approvisionnement de l’armée, intrants et machines agricoles… des mauvaises surprises à la pelle

Seule possibilité aujourd’hui : réduire le taux.

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Incroyable, c’est le moins que l’on puisse dire concernant quelques dispositions fiscales de la Loi de Finances 2006. 48 produits, dont certains sensibles, autrefois exonérés de droits de TVA à l’importation, ont cessé de bénéficier de cet avantage fiscal depuis janvier 2006 et personne ne semble avoir été au courant. Ni les opérateurs et organismes concernés, ni les ministères de tutelle, ni même certaines directions du département des Finances – quoique l’on s’en défende – puisqu’on se prépare aujourd’hui à réparer les dégâts (voir encadré).

Tout a commencé en janvier 2006. Les importateurs de luzerne, pulpe sèche de betterave et son, produits destinés à l’alimentation du bétail, se sont vu réclamer par les services de la douane, au port de Casablanca, le paiement de la TVA à l’importation alors qu’ils en ont été jusque-là exonérés en vertu d’un arrêté ministériel des Finances datant de 1981. On cru à une erreur humaine ou un bug informatique, mais il n’en était rien. Après enquête, les opérateurs ont découvert que l’annulation de leur exonération était parfaitement légale puisqu’elle est stipulée dans la loi de Finances 2006 et plus précisément dans l’article 213 du livre de l’assiette et du recouvrement. L’alinéa IV de cet article stipule en effet : «A compter du 1er janvier 2006, sont abrogées toutes les dispositions fiscales prévues par des textes législatifs particuliers».

Les aliments de bétail sont les premiers sur la liste
Cette phrase, anodine en apparence, est à l’origine de l’imbroglio. En clair, les importateurs qui étaient exonérés en vertu d’un arrêté ministériel, d’un décret ou d’un quelconque autre texte, ne le sont plus et sont donc contraints de passer à la caisse. Et les cas de la luzerne ou de la pulpe sèche de betterave ne sont, en fait, que les premiers. La Douane, quant à elle, semble être dans son rôle. «Nous n’avons fait qu’appliquer les textes», explique un responsable de la direction de la douane. Cette dernière avait d’ailleurs pris les devants en publiant une circulaire relative aux dispositions douanières contenues dans la loi de Finances 2006. Dans cette circulaire, l’annexe V dresse la liste exhaustive des «marchandises et des importations de certains organismes qui ne peuvent plus bénéficier de l’exonération ou de la suspension de la TVA à l’importation en vertu des textes particuliers les concernant».

Hors de question de sortir une nouvelle loi
A lire cette liste, bien des opérateurs risquent d’avoir des surprises dans les mois à venir (voir encadré). Cela dit, certains organismes, produits ou marchandises ont tout de même pu échapper à cette disposition. En effet, tout en annulant les exonérations à titre particulier, les rédacteurs de la Loi de Finances ont prévu une nouvelle liste d’exonérations de la TVA à l’importation en reprenant une petite partie des produits qui l’étaient au titre de textes particuliers. En termes plus clairs, certains produits seront toujours exonérés, mais en vertu cette fois-ci de la loi et non pas d’un décret ou d’un arrêté. C’est le cas par exemple des produits et articles importés par la Fondation Zayd Ben Soltane Al Nahyane, ou encore des équipements et matériel de dialyse et bien d’autres (voir annexe I et II de la circulaire 4985/211 de l’administration des Douanes : www.douane.gov.ma). Par contre, d’autres produits se trouvent tout simplement privés de l’exonération et parfois même taxés au taux maximum de 20 %, ce qui complique davantage la situation.

Les produits les plus problématiques seront traités au cas par cas
Les importateurs d’aliments pour bétail, premiers à être confrontés au problème, n’ont pas pour autant baissé les bras. Des discussions sont déjà engagées avec les départements concernés, notamment les Finances et l’Agriculture. Sauf qu’il ne pourront pas obtenir une annulation de cette disposition. Un opérateur explique en effet que «le ministère des Finances a clairement signifié que le maximum qui peut être envisagé est de réduire le taux».

L’annulation pure et simple de la disposition, elle, est quasi impossible. En effet, partant du principe selon lequel seule une loi peut en abroger une autre, l’annulation des dispositions de l’article 213 du livre d’assiette et de recouvrement suppose l’adoption d’une autre loi, ce qui, selon le ministère des Finances n’est pas envisageable. Mais quid des produits posant problème et dont l’exonération revêtait un caractère social ? Au ministère des Finances, on assure que «les produits les plus problématiques seront traités individuellement au fur et à mesure que les problèmes surgiront», sachant que «dans la majorité des cas, il ne s’agit pas volumes vraiment significatifs». A l’heure où nous mettions sous presse, la direction générale des Impôts, pour sa part, n’avait toujours pas fait connaître sa position sur la question. Affaire à suivre !.

Les impôts ratissent large
La circulaire 4985/211 de l’administration des Douanes (www.douane.gov.ma) réserve des surprises. Ainsi, l’annexe V de cette circulaire dresse la liste complète des marchandises qui ne bénéficient plus de l’exonération de la TVA à l’importation. On y découvre avec étonnement certains équipements comme le matériel et les produits destinés à lutte anti-acridienne, le matériel destiné à l’irrigation et à l’installation de serres, le matériel de forage destiné à la recherche et à l’exploitation des eaux souterraines, les plants d’olives (il y a pourtant un plan de développement de l’olivier)… Autre fait à relever sur cette liste : certains organismes, et non des moindres, ne sont plus exonérés de la TVA à l’importation comme l’Agence de développement des provinces du Nord, l’Agence du Sud, l’Entraide nationale, la Fondation Mohammed VI, l’agence spéciale Tanger Méditerranée ou encore les FAR pour leur approvisionnement en viandes. Qui a vraiment lu le projet de Loi de finances ?