Affaires
Transport touristique : Droit vers la banqueroute ?
Le début d’année s’annonce difficile. Les professionnels demandent une prolongation du moratoire relatif au remboursement des prêts, en plus d’un contrat-programme.
Le début d’année s’annonce difficile pour les transporteurs touristiques. Le moratoire de remboursement des échéances des prêts, prévu dans le cadre du plan d’urgence du secteur touristique, a pris fin. Les professionnels devraient s’acquitter de leurs échéances à partir de ce mois de janvier 2023. «Nous avons été les derniers à bénéficier des mesures gouvernementales de soutien il y a un an. Sauf qu’entre-temps, nous n’avons pas pu réellement sortir la tête de l’eau. Le secteur est toujours en crise et nous ne disposons pas de visibilité pour les prochains mois», déclare Mohamed Bamansour. Le secrétaire général de la Fédération nationale des transporteurs touristiques (FNTT) estime que 15 à 20% des entreprises mettront la clé sous le paillasson en ce début d’année. Des transporteurs qui ne pourront pas rembourser leurs prêts, en plus des cotisations sociales et autres taxes.
Même s’ils ont pu récupérer, en période estivale, jusqu’à 80% de leur activité comparativement à 2019, les opérateurs auraient fait face à plusieurs contraintes durant l’année écoulée. «L’inflation et la hausse des prix des hydrocarbures nous ont fortement impactés. La subvention du gouvernement nous a permis de souffler un peu, mais elle reste insuffisante. De même, les organismes de financement ne nous ont pas ménagés. Plusieurs d’entre eux n’ont pas respecté leurs promesses incluses dans l’accord établi avec le gouvernement dans le plan d’urgence signé il y a un an», regrette Bamansour. Des saisies de véhicules ont ainsi été effectuées par des établissements de financement, selon notre interlocuteur, ceci alors qu’un report des remboursements des prêts a bien été acté, mais «non appliqué» de manière générale, déplore-t-il.
Une cinquantaine d’entreprises ont quitté le navire
Par ailleurs, la fermeture des frontières aux touristes chinois à cause du Covid-19 ne sera pas sans impact sur leur activité. Près d’une cinquantaine d’entreprises ont quitté le navire ces derniers mois et l’hémorragie risque de s’amplifier davantage, avertit Bamansour, qui lance un appel à l’État pour venir en aide aux professionnels. Il préconise la mise en place d’un fonds spécial pour résorber la dette des opérateurs, l’annulation des majorations et une reconduction du moratoire sur les remboursements des prêts, et ce, jusqu’à ce que le secteur reprenne des couleurs, en plus de la mise en place d’un contrat-programme sectoriel avec le ministère de tutelle. D’ailleurs, du point de vue de la gouvernance, la Fédération demande une véritable clarification pour ne plus dépendre de deux départements (le Tourisme et le Transport). Rappelons que depuis l’éclatement de la crise sanitaire, la flotte de véhicules a été réduite d’un tiers pour représenter aujourd’hui près de 7.000 engins. «Face au manque de dynamisme et de visibilité du secteur, plusieurs véhicules seront mis à la vente ces prochains jours. Les professionnels ne peuvent plus s’acquitter de leurs prêts, d’autant plus que le coût des crédits va sensiblement augmenter à cause de la hausse du taux directeur décidée par Bank Al-Maghrib», souligne, non sans amertume, Mohamed Bamansour.
Projet d’amendement du cahier des charges
Dans ce contexte de fragilité et de crise, le ministre du Transport et de la logistique, Mohammed Abdeljalil, a déclaré récemment que son département travaille sur l’élaboration d’un projet d’amendement du cahier des charges relatif au transport touristique. Une bonne nouvelle pour le secteur, certes, mais qui ne répond pas aux attentes immédiates des professionnels. «Il y aura quelques changements cette année dans ce cahier des charges. En 2022, il y a eu une révision des normes des véhicules. Cette année, nous allons nous attaquer plutôt aux conditions d’accès à la profession et la création des entreprises de transport touristique, en plus de la digitalisation de la profession», nous précise le responsable de la Fédération. Et de poursuivre : «C’est une bonne chose, mais j’estime qu’il faut s’atteler aux problématiques urgentes liées à la crise et aux faillites qui se multiplient».
Ce dernier nous confie qu’une réunion avec le ministre Mohammed Abdeljalil est prévue en ce début d’année. Il s’agira de discuter des nouveaux changements du cahier des charges et de réitérer les doléances de la corporation pour «sauver ce qui peut être sauvé de ce secteur sinistré». La Fédération veut également un renforcement du volet réglementaire et ne plus fonctionner à partir d’un simple cahier des charges. «Nous sommes régis par un dahir qui date de 1963. Il nous faut une loi en bonne et due forme, un contrat-programme complet, une libéralisation du secteur, une montée en compétences des employés et un seul et principal interlocuteur», conclut Mohammed Bamansour. Un ensemble de points qui devraient donc faire l’objet des tractations avec l’Exécutif qui depuis plusieurs mois déjà apporte son soutien au secteur.
Nouvelles conditions d’accès au métier
Dans le cadre du dialogue sectoriel mené par le ministère du Transport et de la Logistique depuis décembre 2021 avec les différentes représentations professionnelles du secteur du transport routier, ces derniers ont appelé à réviser le cahier des charges et les conditions d’accès au métier du transport touristique. L’objectif est de préserver la qualité de cette activité qui est intimement liée au développement du produit touristique national. Le projet d’amendement englobera notamment les normes à respecter en ce qui concerne la capacité financière par rapport aux véhicules exploités et le professionnalisme du gérant de l’entreprise.