Affaires
Transport et circulation à Casablanca : les solutions préconisées par l’Intérieur
Création d’un “groupement d’agglomération” s’appuyant sur une société de patrimoine et plusieurs sociétés d’exploitation. Des aides directes pour le renouvellement des grands taxis à concurrence de la moitié du prix d’achat. Un seul mode de gestion pour le stationnement.
Mise en circulation de la première ligne du tramway, construction de trémies et de nouvelles voies de circulation, élargissement et réaménagement de certaines artères très fréquentées… Beaucoup d’efforts ont été accomplis ces dernières années pour mettre en œuvre un réel plan de déplacement urbain à Casablanca. Cependant, l’agglomération, qui doit faire face à une croissance importante des déplacements, peine à mener de front les quatre chantiers définis clairement par la feuille de route élaborée et validée au niveau du ministère de l’intérieur : la conception d’un système de transport urbain en site propre (bus, tramway et métro), la réorganisation du transport par grands taxis, la régulation de la circulation et la gestion du stationnement.
Les problèmes auxquels se heurte l’exécution des chantiers sont de différentes natures et de différentes origines. Outre le retard pris dans la réalisation des modes de transport en site propre depuis plus de 30 ans, on citera en vrac certains de ces problèmes pour illustrer cette situation caractérisée aujourd’hui par l’insuffisance des moyens de transport en commun (tram et bus) conjuguée à l’absence de subvention comme c’est le cas dans tous les pays avancés. Une subvention pourtant nécessaire et inévitable pour combler l’écart important entre les coûts du transport et les tarifs appliqués. L’absence de subvention se traduit par un déficit structurel de l’opérateur historique principal, M’dina Bus, avec ses conséquences négatives sur la qualité de service, et son incapacité à honorer ses engagements en matière d’investissement et de renouvellement de la flotte. A ceci, il faut ajouter la non-prise en compte de la problématique des grands taxis dans les solutions envisagées. Ces taxis, qui n’ont pas vocation à opérer en milieu urbain, sont tolérés par la force des choses et contribuent de manière importante à la mobilité des Casablancais en transportant quotidiennement quelque 600 000 passagers. En dehors des taxis, les opérateurs d’autobus privés continuent de colmater quelques brèches, là où ça les arrange, alors que leurs contrats ont expiré depuis la mi-2009.
Pour résumer, il n’y a pas de mise en œuvre d’un véritable plan de circulation dans la ville, de même qu’il y a des difficultés à mettre en place une politique efficace en matière de gestion, d’entretien et de maintenance des voiries avec comme conséquences, directes ou indirectes, l’insuffisance des parkings, le stationnement anarchique. S’y ajoutent la circulation des poids lourds à l’intérieur de la ville et des horaires de livraison des marchandises inadaptées. Toutes ces contraintes ne peuvent être dépassées sans une réforme de la gouvernance locale et la création de structures dédiées, ou l’adaptation de structures existantes, avec des attributions claires. En effet, la multiplication des intervenants (wilaya, commune, police, préfectures, arrondissements…) et la dilution des responsabilités agissent comme des freins à la mise en œuvre de certaines actions.
Eu égard à toutes ces entraves, le ministère de l’intérieur propose la mise en place d’un nouveau modèle institutionnel de gestion basé sur la séparation entre les investissements et l’exploitation à travers la création d’un «groupement d’agglomération», établissement public formé de communes tel que défini par la charte communale, qui s’appuiera sur une société de patrimoine et plusieurs sociétés d’exploitation dédiées chacune à une activité distincte : transport urbain, stationnement, assainissement… Certaines structures existent déjà. Reste à les réorienter selon le modèle proposé.
Transport urbain
Séparation entre investissement et exploitation
Pour le transport, la société de patrimoine est Casa Transports qui doit dépendre du groupement formé par les communes de la région. Sa mission sera de réaliser les investissements. Elle sera ainsi propriétaire des actifs et déléguera l’exploitation à des sociétés d’exploitation pour le compte du groupement. Ces dernières, pour le moment M’dina Bus et Casa Tram, seront chargées d’assurer un service optimal, selon un contrat type dans le cadre d’une intégration globale des deux réseaux avec une politique tarifaire commune.
Et c’est là toute la difficulté aujourd’hui, car une telle intégration passe obligatoirement par la révision du modèle d’exploitation de M’dina Bus et la prise en charge par les pouvoirs publics des investissements et des déficits d’exploitation. De plus, le besoin de M’dina Bus en nouveaux véhicules est de quelque 500 autobus, à acquérir probablement par Casa Transports si ce schéma est maintenu. L’acquisition coûterait quelque 750 MDH sur un an.
C’est un processus qui est en cours mais qui rencontre des difficultés notamment pour ce qui est du pilotage du dossier. D’où, estime-t-on au niveau du ministère de l’intérieur, la nécessité de désigner un maître d’œuvre pour accompagner Casa Transports et M’dina Bus dans la réalisation de ce processus d’interopérabilité.
Celui-ci passe aussi par une décision au niveau de la commune et de la wilaya concernant des aspects importants dont la fixation des tarifs et le partage des recettes, entre autres. Cette interopérabilité dépend aussi de l’engagement de l’Etat à travers les départements de l’intérieur et des finances. Il faudra en effet que les déficits soient pris en charge, en attendant le transfert des compétences au groupement d’agglomération.
Certes, un travail a déjà été mené avec la réalisation de la première ligne de tramway, soit 31 km, selon le schéma arrêté en 2007, qui prévoyait 157 km de transport en site propre.
La deuxième phase prévoit une ligne de métro aérien de 15 km avec un investissement estimé à plus de 8 milliards de DH et une mise en circulation en 2019. Cette phase comprend les études pour l’extension du tramway avec la réalisation de la deuxième ligne. En revanche, rien n’est encore arrêté pour la ligne du RER entre Mohammédia et Nouaceur.
Ces réalisations destinées à concevoir une offre adaptée englobant les autobus, le métro aérien et plusieurs lignes de tramway constituent un préalable à la décision de redéploiement des grands taxis sur d’autres itinéraires, en dehors de la ville. Car, pour l’heure, les grands taxis proposent un service compétitif en alignant leurs tarifs sur celui des autobus et en desservant de nombreux trajets dans un temps plus court.
Grands taxis
Distinction en deux types et aide au renouvellement du parc
Sur le court terme, il s’agit de moderniser et de réorganiser ces grands taxis qui seront séparés en deux types bien distincts : ceux qui desservent l’aéroport Mohammed V et ceux qui opèrent à l’intérieur de la ville. La distinction sera précisée par une circulaire du ministère de l’intérieur.
Actuellement, 400 taxis desservent l’aéroport Mohammed V dont 58% ont leur point d’attache à Casablanca et 15% à Nouaceur. Près de 6 000 taxis assurent le transport à l’intérieur de l’agglomération. L’âge moyen de ce parc dépasse les 20 ans.
D’où des mesures d’urgence prévues pour améliorer les dessertes à travers la mobilisation du fonds de soutien au transport urbain avec des mécanismes d’aide qui seront fixés par décret pour renouveler l’ensemble de ce parc. L’idée de base est d’accorder aux taxis desservant l’aéroport une aide à concurrence de 50% du prix d’acquisition hors taxe d’un véhicule neuf, dans la limite de 150 000 DH. Le même niveau d’aide sera accordé aux grands taxis urbains dans une limite de 120 000 DH. Dans les deux cas, les acquéreurs sont exonérés de la TVA, mesure déjà en application.
Le coût total de ces aides est estimé à 800 MDH. Une enveloppe de 80 MDH est affectée aux propriétaires des taxis de l’aéroport qui auront 2 ans pour procéder au renouvellement de leurs véhicules. Les 720 MDH sont consacrés aux taxis urbains, beaucoup plus nombreux. Le délai de renouvellement sera de 5 ans.
Mise en place d’un poste central de régulation de la circulation
Aujourd’hui et malgré l’adoption d’un plan de circulation à l’échelle de la ville, l’exécution se heurte à beaucoup de difficultés, ce qui provoque le scepticisme de l’autorité de tutelle quant à son aboutissement dans des délais rapprochés. Et ce, nous explique-t-on, en raison de la dilution des responsabilités entre la multitude d’acteurs, la non-prise en compte des recommandations par les instances concernées et la non-programmation des budgets nécessaires. En fait, on ne sait pas à qui revient la charge d’exécuter ce plan de circulation.
Par ailleurs, l’Intérieur déplore l’absence d’un poste central de gestion de la circulation regroupant les principales autorités concernées. Il existe certes un petit centre de vidéosurveillance à la préfecture de police mais les 60 caméras placées au niveau des principaux carrefours sont insuffisantes.
Le fait que l’entretien des feux rouges, dans une ville comme Casablanca, continue d’être assuré par les services de la commune sans qu’il soit intégré dans une vision globale de gestion de la voirie et confié à une entreprise dédiée est aussi vivement critiqué. Un rôle que pourrait assurer Casa Développement à l’échelle de toute la ville, quitte à la transformer en repensant son objet et son actionnariat.
A défaut, l’option jugée la plus adéquate est de créer une société chargée d’une telle mission et interlocutrice principale de toutes les parties prenantes qui lui apporteront leur concours.
Une telle entité pourrait avoir sous son autorité la circulation, le roulage et la signalisation des voies publiques, la mise en place d’un poste de commandement et de régulation de la circulation, la réalisation des projets de voirie…
Stationnement
Casa Développement a toujours les mains liées
Cette société dédiée au stationnement demeure inactive faute de moyens, et son sort est lié à l’approbation de sa mission par la CUC. Il existe à Casablanca deux modes de gestion du stationnement : des concessions à des sociétés privées dans les arrondissements de Sidi Belyout et de Roches Noires et une gestion par autorisations et des gardiens dans tous les autres arrondissements de la ville.
Il s’avère que les deux cas de gestion déléguée à des sociétés rapportent 5 fois plus que la gestion par autorisations, alors que le nombre de places gérées par concession représente 10% du nombre total de places recensées dans la ville. La CUC vient, en outre, de relancer les appels d’offres pour les autorisations de parkings, ce qui signifie qu’elle ne veut pas se prononcer sur cette question et du rôle que doit jouer Casa Développement.
Car l’idéal dans une ville bien gérée serait d’opter pour un seul mode de gestion du stationnement qui soit économiquement rentable et qui puisse jouer un rôle dans l’amélioration de la régulation de la circulation.