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Tourisme : pourquoi il faut réinventer la destination Agadir
Parc hôtelier en partie vieillissant, augmentation toute relative de l’activité, la station balnéaire nécessite une mobilisation générale et des investissements pour la mise à niveau du produit.
A l’approche de la rentrée scolaire, Agadir et son littoral tendent à se vider en ces derniers jours de la saison estivale en retrouvant petit à petit leur quiétude. Tout au long du mois d’août, la ville comme ses plages n’ont pas désempli. Les touristes nationaux étant nombreux à séjourner dans la station balnéaire et même si certains hôteliers se targuent d’avoir fait une bonne saison, les établissements hôteliers d’une manière globale n’ont pas enregistré de surbooking. En grande majorité la clientèle de touristes nationaux que draine la destination en cette période est à la recherche du locatif générant une flambée des prix à ce niveau. De fait, dans la station balnéaire, ce sont toujours les structures d’hébergement du front de mer qui en majorité boostent la destination et enregistrent de bons taux d’occupation en toute saison. Les professionnels du secteur estiment que sur les 30 695 lits qu’offre la destination, moins de 15000 sont aujourd’hui vendables. Le reste, dont un parc hôtelier vieillissant, a du mal à tenir la tête hors de l’eau. Aujourd’hui sur les 30 695 lits, plus de 19000 ont plus de 40 ans et ont besoin d’une véritable rénovation. Aussi, ce n’est pas avec un afflux de vacanciers durant deux mois dans l’année que l’on pourrait sauver la mise, lance un hôtelier.
Le taux d’occupation moyen de près de 50% dans les établissements hôteliers classés de la ville durant le premier semestre 2018 laisse d’ailleurs bien entrevoir que les augmentations en termes de nuitées comparativement à 2017 ne profitent pas vraiment à tout le secteur. Les performances par catégories hôtelières, communiquées dans une note de conjoncture du Conseil régional du tourisme (CRT) de Souss-Massa, montrent aussi que la hausse de l’activité enregistrée lors du premier semestre 2018 comparativement à la même période en 2017, ne se reflète pas à tous les niveaux. Ce sont surtout les établissements de moyenne catégorie, 1, 2 et 3 étoiles ainsi que les résidences touristiques qui enregistrent une forte augmentation de leurs nuitées. Ce qui sous-entend que la hausse des nuitées par rapport à 2017 ne se traduit pas par une forte augmentation du chiffre d’affaires du secteur.
Cette hausse de l’activité reste aussi toute relative comparativement à des années de référence telles que 2001 et 2007. En effet, avec environ 30 000 lits la destination a réalisé 2,24 millions de nuitées lors du premier semestre 2018, soit à peine ce qu’elle enregistrait durant la même période en 2001. On note aussi que le nombre de nuitées enregistrées en juin 2007 était quelque peu plus important que celui recensé en juin 2018. Il avait en effet atteint 389 799 nuitées en juin 2007 contre 377 537 lors du mois de juin dernier, alors que la destination compte plus de 7 000 lits additionnels. Cette situation se reflète justement dans le taux d’occupation moyen des établissements classés de la ville. En juin 2007, la station balnéaire enregistrait un taux d’occupation moyen de 65% contre 48,91% en juin dernier. «C’est dire que nous faisons du sur-place depuis des années en termes d’activité malgré la hausse de la capacité litière», souligne Rachid El Habtey, directeur général au sein du groupe Tikida.
Quelles sont les causes de cette situation ?
De l’avis de nombreux acteurs et observateurs du secteur, les causes de cette situation sont multiples. En termes de facteurs exogènes, il faut souligner l’émergence de destinations touristiques concurrentes et le changement des habitudes de consommation des touristes. «Il y a aussi le profil de la destination qui ne correspond aujourd’hui ni vraiment à une clientèle de troisième âge, ni à une clientèle de jeunes, ni à une clientèle de famille», estime le professionnel.
Meryam El Ouafi, DG du complexe touristique Shems Ayour et membre du CRT Souss Massa, pour sa part, met en exergue que le produit touristique n’est pas uniquement constitué de structures d’hébergement et qu’il est indispensable de mettre à niveau toute une ville, notamment dans toutes ses composantes urbanistiques et paysagères. Il y va en effet de l’image de la station balnéaire qui tend par endroit à offrir une image de laisser-aller à travers un nettoyage mal réalisé, d’espaces verts et publics mal entretenus, mal éclairés… Ceci sans oublier un littoral, premier atout de la destination, marqué par endroit par une anarchie urbanistique et un environnement pas assez entretenu, pas assez préservé et mis en valeur.
Sur le front de mer, le visiteur a du mal aussi à se retrouver entre les pique-niques et les barbecues sauvages sur les espaces verts du boulevard du 20 Août à proximité de la promenade de la plage. Tout au long de la plage, sur le sable, la gestion de l’espace fait défaut. C’est en effet encore une fois la transformation des lieux en terrains de football par les estivants, qui dérangent ceux qui sont à la recherche de détente ou tentent de se frayer un chemin pour aller se baigner ou se promener. Autant d’éléments endogènes d’une longue liste non exhaustive qui écornent l’image du produit touristique Agadir.
Comment rendre la destination plus attractive ?
La question se pose également quant aux moyens pour en faire une ville jeune, propre, moderne, verte, organisée, dotée d’une capacité litière renforcée et des services et infrastructures améliorés. En d’autres termes, un produit intégré, complet, cohérent, avec des fondamentaux solides et homogènes, pouvant se positionner sur différents marchés, et en toutes saisons. L’équation relève indéniablement d’une mobilisation générale et d’investissements sur le produit. Le sujet a maintes fois été au cœur du débat dans les rencontres d’institutionnels de la ville et professionnels du secteur. Mais les actions, selon les acteurs du tourisme, restent insuffisantes, voire pas assez structurées. Et ce, en dépit d’études et de plan de développement qui se sont succédé sans se concrétiser complètement.
Aujourd’hui, il est plus que grand temps d’imaginer une feuille de route dans le cadre d’un plan de redressement stratégique, dont la mise en œuvre et l’aboutissement ne peuvent se faire que dans le cadre institutionnel, c’est-à-dire avec l’implication des élus et du gouvernement, souligne une note de la commission produit du CRT Souss-Massa.