Affaires
Tourisme : l’Etat rassure mais reconnaît que l’année 2012 sera difficile
Un dîner-débat a été organisé par « La Vie éco » le 15 mars. Le ministre de tutelle mise sur les campagnes promotionnelles vers les marchés traditionnels, mais également ceux émergents. Les opérateurs réclament une augmentation des dessertes aériennes.
Comment donner une photographie fidèle de l’état de santé du tourisme national tout en rassurant les opérateurs ? C’est l’exercice auquel s’est livré le ministre du tourisme, Lahcen Haddad, à l’occasion du dîner-débat organisé jeudi 15 mars par La Vie éco sur le thème : «Tourisme : nos atouts sont-ils suffisants pour surmonter la crise ?». Il faut rappeler que l’année 2011 s’était terminée sur des nuitées en chute de 6%, alors que les arrivées ont augmenté de 1%. Les recettes ont, quant à elles, crû de 4%, s’établissant à 59 milliards de DH. Mais 2012 est loin d’être sur la même tendance. Elle a plutôt mal commencé avec des arrivées et des nuitées en recul respectivement de 9% et 17% en janvier par rapport au même mois de l’année précédente. Ces baisses sont à apprécier à l’aune des bonnes performances exceptionnelles du premier trimestre 2011, justifie le ministre, et ce, malgré la crise économique et financière qui sévit en Europe, principal pourvoyeur de touristes pour le Maroc. Toutefois, au vu des premières indications relatives à février, le retournement de conjoncture ne semble pas pour les prochaines semaines.
Les opérateurs souhaitent que le budget de promotion soit porté à 1,5 milliard de DH
S’appuyant sur les prévisions des institutions internationales, le ministre reconnaît en effet qu’il ne faut pas espérer un redressement de la situation dans l’immédiat. L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit, pour 2012, une baisse des arrivées touristiques de 1 à 1,5 point, pendant que l’Association internationale du transport aérien (IATA) table sur une stagnation du trafic de passagers. Comprenez, la demande pour le secteur du tourisme ne se porte pas très bien en 2012 comme en témoignent certains indicateurs : 81% des nuitées perdues par le Maroc en janvier sont à imputer à nos principaux marchés dont la France (31%), l’Italie (17%), l’Allemagne (7%) et l’Espagne (4%) sans oublier les nationaux (22%). La priorité est donc, de l’avis de tous les participants au débat, d’aller stimuler cette demande pour sauvegarder nos parts de marché avec les moyens dont dispose l’Office national marocain du tourisme (ONMT) que le ministre lui-même juge limités. En effet, avec 550 MDH, l’office doit agir aussi bien sur les marchés traditionnels que sur de nouveaux marchés. Selon Abdellatif Kabbaj, président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH), intervenant du débat, aux côtés de Ali Ghannam, président de la Fédération nationale du tourisme (FNT) et Khalid Majdi, celui de la Fédération nationale des agences de voyages (FNAVM), un budget de promotion conséquent devrait se situer autour de 1,5 milliard de DH.
Tout en partageant l’analyse du ministre, y compris pour ce qui est de la résilience du secteur du tourisme face à la crise, les opérateurs en appellent ainsi à l’appui des pouvoirs publics pour leur permettre de sortir du bourbier. Pour eux, il n’y a pas de mystère, la reprise passe par plus de promotion et plus de place d’avions.
Pour la promotion, il apparaît que pour 2012, les dés sont déjà jetés avec des actions sur les principaux marchés émetteurs pour essayer de préserver les acquis. Un plus grand intérêt est donné aux marchés émergents, notamment ceux des pays de l’Est, où des actions ponctuelles ont déjà cours depuis 3 ans, mais aussi dans des marchés plus lointains, mais prometteurs, comme ceux d’Asie ou d’Amérique latine, du Moyen-Orient ou d’Afrique. Mais quel genre de promotion ? La question se pose particulièrement dans les marchés traditionnels où, de l’avis des intervenants, le Maroc continue d’être victime de l’amalgame qui est fait avec d’autres pays en raison du «printemps arabe» alors même que le pays maîtrise fort bien cette phase de transition. A ce niveau, de gros efforts de communication sont encore nécessaires. Mais, pour l’heure, la campagne de l’ONMT n’a pas du tout, sans doute faute de moyens, porté sur cet angle d’attaque, se cantonnant dans un positionnement de «destination culturelle authentique».
La conquête de nouveaux marchés requiert davantage de places d’avion.
Le ministre exclut toute idée de subventionner les vols internationaux
Sur ce plan, l’idée de subventionner des vols comme le font certains pays concurrents a été balayée d’emblée par Lahcen Hadad, arguant du fait que l’adhésion du Maroc à l’Open Sky lui interdit de subventionner les vols. Il précise toutefois que le soutien des lignes intérieures devrait avoir lieu grâce à des fonds régionaux consacrés aux destinations comme Ouarzazate, Agadir et Fès. Cependant, les négociations de vols point à point ou un encouragement des compagnies aériennes par une baisse des taxes aéroportuaires et un service de qualité au niveau des aéroports pourraient être envisagées.
Pour les vols point à point, Royal Air Maroc affirme vouloir jouer le jeu, que ce soit pour le low-cost ou pour le charter, mais à condition que ces vols soient rentables. La raison de cette exigence est que la compagnie nationale est en proie à des difficultés qui sont en train d’être surmontées grâce au soutien de l’Etat avec qui elle est liée par un contrat-programme.
En parallèle, tout le monde est d’accord qu’il faut aussi agir sur l’offre qui est certes en pleine transformation, mais qui a besoin d’un nouveau positionnement. L’idée est de la modeler en fonction de la demande émanant des marchés émetteurs, tout en se préoccupant de l’existant. De nombreux établissements nécessitent en effet d’être rénovés pour répondre aux exigences des tour-opérateurs, mais il semble bien que les banques ne veulent pas jouer le jeu, comme devaient le souligner les présidents de la FNAVM et de la FNT.
En tout état de cause, le ministre du tourisme a affirmé avoir recruté un cabinet pour accompagner, au cas par cas, les établissements hôteliers en difficulté. Reste la question du tourisme intérieur, ce parent pauvre des stratégies touristiques qui nécessite, selon les avis des uns et des autres, une meilleure offre et une mise à niveau du système de distribution.