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Télécoms : bagarre autour de l’internet haut débit

Maroc Telecom est accusé de ne pas jouer le jeu sur le dégroupage de la boucle locale. La décision de l’ANRT, quant à  la saisine d’Inwi et le lancement des appels d’offres de la 4G, laisse entrevoir une révolution dans l’accès au haut débit.

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Telecom 4G 2014 03 10

«Le déploiement des réseaux à large bande stimule le développement économique et est devenu incontournable pour la compétitivité des pays». C’est là l’une des conclusions majeures qu’a révélées il y a quelques semaines la Banque mondiale dans son rapport sur le développement d’internet dans la région MENA. Malheureusement, le Maroc est encore loin de réussir ce challenge et l’internet haut débit est encore loin de jouer ce rôle. Les derniers chiffres de l’ANRT ne font que le confirmer. En tout, le taux de pénétration d’internet au Maroc est inférieur à 18% avec 5,7 millions d’abonnés à fin 2013.

L’ADSL, principal canal de l’internet haut débit, n’attire que 14% de ces abonnés. Certes, la même source fait valoir dans ses statistiques une hausse de 22,62% du parc d’abonnés ADSL en 2013. Cependant, le taux de pénétration de l’internet haut débit reste à ce jour limité à 3%. A titre de comparaison, ce taux dépasse, parfois largement, le seuil des 50% dans les pays développés. C’est dire tout le retard qu’accuse le Royaume dans ce domaine, au point d’être un handicap pour le développement de toute son économie. Pour expliquer cette situation, les avis des professionnels divergent.

D’un côté, «l’ADSL n’est pas rentable, mais Maroc Telecom n’a pas hésité à y investir car nous avons la mission de service public dans nos gènes», avait expliqué Abdeslam Ahizoune, président du directoire de Maroc Telecom, opérateur détenant 99,95% du marché ADSL, à l’occasion de la publication des résultats annuels de l’entreprise. De l’autre côté, les concurrents de Maroc Telecom expliquent la situation par un contexte de marché qui freine l’entrée de nouveaux opérateurs dans ce segment. L’expérience qu’a connue le segment du mobile depuis l’entrée sur le marché de Méditel, puis de Inwi, prouve en effet que dans le secteur des télécoms, une concurrence acharnée entre les opérateurs est une condition nécessaire pour un développement rapide du secteur. C’est ce qui semble manquer aujourd’hui au segment de l’internet haut débit, et ce n’est pas pour servir les intérêts des consommateurs.

Selon le rapport de la Banque mondiale, en dépit des avancées réalisées par le Maroc dans ce domaine, l’accès aux services de larges bandes est inabordable pour une large frange de la population. Ce constat découle d’une analyse du coût à supporter pour profiter de ces services rapporté aux revenus moyens de la population. En d’autres termes, l’accès aux services de larges bandes, partant à l’internet haut débit, est toujours cher. Cette situation pourrait-elle changer à court terme ? La réponse est oui, si le segment est investi par les trois opérateurs.

L’ANRT attendu au tournant

La balle est aujourd’hui dans le camp du régulateur des télécoms. La saisine déposée il y a quelques semaines par Inwi pourrait bien bouleverser ce segment. Pour rappel, Inwi a sollicité l’arbitrage du régulateur quant au dégroupage de la boucle locale (le dernier tronçon situé entre la prise téléphonique de l’abonné final et le central local des câbles téléphoniques de l’opérateur). En d’autres termes, Inwi souhaiterait accéder à l’infrastructure de liaison entre les abonnés potentiels et les premiers centres répartiteurs mis en place par Maroc Telecom, en contrepartie d’une rémunération.

Cet accès, faut-il le souligner, est permis selon la réglementation en vigueur depuis 2008. A cette époque, l’ANRT avait engagé des discussions avec les trois opérateurs, ce qui avait abouti à un schéma tarifaire qui permet aux concurrents de Maroc Telecom de bénéficier de la boucle locale qui lui appartient. Cette démarche visait principalement à éviter les coûts importants que nécessiterait la mise en place d’une architecture de liaison pour chaque opérateur. Sur le principe, Maroc Telecom n’est pas contre. C’est du moins ce qu’a rappelé son PDG lors de la présentation des résultats annuels. Pour lui, le dégroupage est possible et les conditions tarifaires ont été validées par l’ANRT en 2008.

Cependant, ce dont la concurrence se plaint aujourd’hui, ce sont les changements opérés par l’opérateur historique sur son architecture ces dernières années. Des investissements ont en effet été réalisés pour installer des «sous-répartiteurs», en l’occurrence de nouveaux centres de câbles qui font office d’intermédiaire entre les centres répartiteurs principaux et les abonnés. Pour les concurrents de Maroc Telecom, cette initiative ne permet plus une concurrence équitable entre les opérateurs une fois l’ADSL généralisée. En fait, dans le segment du haut débit, il faut savoir que la proximité est un facteur clé pour la qualité du service. Plus le client est proche du dernier centre répartiteur (ou sous-répartiteur), meilleur sera le débit de connexion auquel il aura accès. Dans la configuration actuelle, Maroc Telecom pourra toujours offrir le meilleur débit de connexion, sauf si le dégroupage de la boucle locale concerne également les sous-répartiteurs. C’est sur quoi devra se prononcer l’ANRT.

«Le traitement de la saisine suit actuellement le processus de contradiction et d’analyse tel que prévu par la réglementation en vigueur», fait-on savoir auprès du régulateur. Ce processus pourrait durer plusieurs semaines. Néanmoins, Inwi semble confiante quant à l’issue de sa requête. «Notre objectif est de pouvoir lancer notre offre ADSL au courant de l’année», indique-t-on auprès de cet opérateur.

La 4G finalement pour 2014

En attendant, l’entrée en vigueur de la 4G est également de nature à améliorer le taux de pénétration du haut débit, bien que cette technologie concerne principalement l’internet mobile. A ce niveau aussi, tous les regards sont fixés sur le régulateur. Les appels d’offres pour l’octroi des licences devaient être lancés en 2013, mais jusque-là rien. Auprès de l’ANRT, on indique que les conditions et les modalités de déploiement des technologies mobiles de 4e génération sont arrêtées et soumises à l’approbation du gouvernement. «Les arbitrages sont attendus dans les jours à venir», annonce l’agence. Dès lors, il sera possible de commencer le processus de lancement des appels d’offres pour l’octroi des licences.

Du côté des opérateurs, on se préparerait déjà pour ce lancement. Bien qu’officiellement on refuse encore de parler des investissements enclenchés dans ce sens, auprès des professionnels on souligne cependant que le processus est déjà engagé. Néanmoins, là encore, les opérateurs seront appelés à mettre la main dans la main pour assurer un développement rapide de ce nouveau segment. En effet, le déploiement des réseaux et infrastructures très haut débit nécessite des investissements importants. Pour y faire face et accompagner la demande croissante en services de télécommunications, les opérateurs sont appelés à partager leurs infrastructures de télécommunications, en vue de réduire leurs coûts de déploiement et favoriser l’offre de services compétitifs et attrayants.