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Station thermale de Sidi Harazem : Un patrimoine à la recherche d’un second souffle

• Sidi Harazem est l’une des deux stations thermales de la région de Fès, celle-ci se trouvant à environ 10 km à l’Est, elle est dotée d’une source chaude magnésienne (35°).
• Les vertus de cette source d’eau chaude magnésienne étaient d’ailleurs déjà connues du temps de Léon l’Africain, géographe arabe du XVIe siècle.

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Jadis, c’est surtout au printemps que de nombreux visiteurs affluaient pour boire l’eau salvatrice tout en priant Sidi Harazem, le Saint patron des sources, de bien vouloir leur accorder sa bénédiction. Aujourd’hui, ces eaux dispensent encore leurs bienfaits, mais c’est dans le confort d’une station thermale moderne.
Pour réhabiliter son complexe thermal de Sidi Harazem, la CDG qui s’était associé à Vichy Spa International pour donner une dimension luxueuse à sa nouvelle station thermale de Moulay Yacoub à Fès, avait opté pour une approche plutôt différente.
Le projet ambitionnait alors de redonner vie à la station en impliquant les habitants du village voisin de Skhinate, les commerçants informels occupant une partie de la station, ainsi que des artistes pluridisciplinaires. Porté par l’architecte Aziza Chaouni, ledit projet a fait qu’aujourd’hui l’espace, auparavant déserté, grouille de vie.

Une page d’histoire des lieux…
C’est en 1950 que la station thermale de Sidi Harazem a été commandée à l’architecte français Jean-François Zevaco. Ce dernier allait ainsi concevoir et livrer, en l’espace d’une année, un endroit que les spécialistes décrivaient alors comme «ingénieux», au style «brutaliste» et «poétique» où eau et béton se croisent. Ainsi, en 1960, La station prenait l’allure d’un complexe thermal, doté d’un hôtel, de bungalows, de piscines et d’une cour centrale. C’était devenu un lieu de villégiature qui attirait des visiteurs des quatre coins du Royaume et même d’ailleurs, et ce, deux décennies durant.
Puis, par le fait du temps et du manque d’entretien l’espace se dégradait… Aziza Chaouni expliquait alors que «… malgré des tentatives ratées de rénovation dans les années 2000, notamment de l’hôtel, ça tombait en ruine. Il fallait réagir, car cette station est un joyau de l’architecture moderne au Maroc et c’est dommage de la laisser à l’abandon».
Certes, dans un premier temps, la CDG n’a pas été réactive quant à l’urgence de la réhabilitation et de la mise en valeur des lieux, mais peu après, le regard des responsables sur la valeur architecturale et historique de l’espace a finalement changé.
Et en 2017 le projet de restauration allait enfin débuter. Cette année-là, Aziza Chaouni parvient à convaincre les propriétaires du lieu de soumettre un projet dans le cadre du programme de soutien «Keeping It Modern» de la fondation Getty pour la conservation des projets architecturaux modernes. Conçu par Aziza Chaouni, le projet sera retenu par la fondation américaine qui lui accorde une subvention de 150 000 dollars. Cette somme allait ainsi permettre à l’architecte d’initier les travaux de l’étude de réhabilitation de la station thermale de Sidi Harazem pour lesquels elle s’adjuge les services d’un cabinet d’ingénierie étranger. Dans le même sens, Aziza Chaouni sollicite l’expertise d’un laboratoire de topographie local et recrute la vidéaste Andrea Muscurel pour suivre les différentes étapes du projet.
En plus du volet technique, l’étude comprend un travail de recherche revenant sur l’historique de cette station.
Au niveau de la CDG, Aziza Chaouni a trouvé des correspondances avec l’architecte, des préétudes datant de 1959, mais «très peu de plans» de la station. Du côté de l’Hexagone, des archives sont piochées au Fonds régional d’art contemporain d’Orléans. «Ce n’était pas facile, car les archives n’étaient pas répertoriées», se souvient l’architecte. La surprise viendra de l’École nationale d’architecture de Rabat où les équipes du projet de réhabilitation retrouvent des documents inédits, dont des plans, jamais ouverts depuis le temps.
Pour donner une dimension participative au projet, l’architecte avait alors eu l’idée d’impliquer les habitants du village avoisinant et de faire appel à des artistes de disciplines différentes pour réfléchir à la portée historique, architecturale et humaine de cette station thermale, unique en son genre. Des ateliers ont ainsi été menés auprès des habitants du village voisin de Skhinate. Certains d’entre eux avaient dû être déplacés dans un terrain voisin à la station pour permettre sa construction.
Plusieurs artistes ont été conviés pour prendre part à des workshops sur le projet de Sidi Harazem. L’idée étant qu’ils réalisent des interventions collaboratives in situ. La photographe Laila Hida travaille sur l’économie informelle créée autour de la station. Un autre photographe, M’hammed Kilito, lui, centrera ses travaux sur la jeunesse du village de Skhinate.
L’architecte Zineb Andress Araki explorera la perception de l’architecture de Zevaco par les habitants. Le duo est composé de la chercheuse et curatrice Léa Morin et du plasticien Mohamed Fariji qui érigeront un musée collectif de Sidi Harazem. L’artiste sonore Abdellah Hassak a, lui, décidé de mettre en place une radio éphémère au cœur du complexe thermal. Fatima Zahra Morjani, qui a rejoint ce groupe d’artistes, a travaillé sur le traumatisme du déplacement des habitants.

Une résidence artistique pour la sensibilisation
Véritable oasis brutaliste, la station thermale de Sidi Harazem est un des fleurons du Maroc post-indépendance. Doté d’une architecture en béton brut époustouflante de poésie et de prouesses techniques, ce vaste ensemble s’étale sur 14,5 hectares, entre oasis luxuriante et collines arides.
L’objectif est donc de sensibiliser, à travers une résidence d’artistes, le grand public, la presse et les décideurs au fort potentiel du patrimoine architectural moderne du site afin d’en assurer sa protection. La résidence aura aussi pour but d’activer le site et sa région à travers des manifestations et des projets culturels s’inscrivant dans le long terme et qui impliquent la population locale.
Après une période faste ou la station thermale fut un haut-lieu de villégiature, celle-ci tomba en désuétude peu à peu, suite à la fermeture de nombre de ces programmes et à l’ajout de nouvelles piscines et de marchés informels, construits à la va-vite, sans considération pour l’architecture de Zevaco.
Toujours en attente du début des travaux de réhabilitation, ce site d’exception est aujourd’hui quasi à l’abandon. Il risque de ne jamais voir le jour si son patrimoine architectural n’est pas valorisé.
L’activation du site par la culture se veut avant tout comme un acte citoyen qui met en avant aussi bien un patrimoine délaissé et méconnu que des jeunes talents marocains, leur offrant la station thermale comme espace de réflexion, de création et d’action.
La résidence s’étalonnera sur trois temporalités : des évènements ponctuels, la production d’objets de design fabriqués avec la population localement, et un parcours artistique regroupant les œuvres d’artistes jalonnées à travers la station thermale.
Ce format de résidence artistique agissant pour la protection du patrimoine moderne marocain est le fruit d’une étroite collaboration entre Hamza Slaoui et Aziza Chaouni