Affaires
Sociétés financières : un taux de rentabilité de 25%
Leur taux de marge moyen approche les 50%. Cette bonne santé, si nécessaire malgré tout, ne se reflète pas vraiment dans l’ensemble de l’économie. Pourquoi ne pas rémunérer une catégorie des dépôts à vue.

Le secteur financier marocain, et particulièrement sa composante bancaire, se porte très bien, et c’est tant mieux. Il joue un rôle fondamental dans la collecte de l’épargne et le financement de l’économie, et sa santé n’intéresse pas que les épargnants, les déposants et, dans le cas des assurances, ceux qui se couvrent contre les risques en tous genres, mais aussi l’ensemble des autres secteurs. Pour autant, la relation entre système financier et croissance économique est toujours sujet de discussions, voire de controverses. Ici comme ailleurs ; mais surtout ailleurs.
Les performances que réalise le système financier, notamment les banques, trouvent rarement leur équivalent dans le reste de l’économie. Cela a sans doute une explication, a-t-il une justification ?
En 2017, les six banques cotées à la Bourse de Casablanca ont réalisé un PNB (produit net bancaire) de 58,6 milliards de DH, en hausse de 5,8% par rapport à 2016, selon des chiffres publiés par BMCE Capital. Pour les non-initiés, le PNB représente la différence entre les produits et les charges d’exploitation générés par les activités bancaires. C’est en quelque sorte le chiffre d’affaires des banques ou, si l’on veut, leur valeur ajoutée – même si, entre la comptabilité des entreprises et la comptabilité nationale, il existe quelques différences dont certaines sont notables.
Le résultat brut d’exploitation (RBE) de ces six banques cotées se monte, lui, à 28,4 milliards de DH, en croissance de 4,5%, et le résultat net à 14,2 milliards de DH en progression de 11%. Ainsi, le taux de marge moyen (ou marge opérationnelle) réalisé par ces six banques ressort à 48,4%, et le taux de rentabilité moyen (ou marge nette) à 24,2%.
Les sociétés de crédit à la consommation cotées ont, elles, réalisé des marges encore plus importantes : une marge opérationnelle de 64,6% et une marge nette de pratiquement 30%. Idem pour celles opérant dans le leasing : respectivement 76,5% et 24,4%.
La branche assurances et courtage du secteur financier, en revanche, a réalisé des taux de marge et de rentabilité proches de ceux que l’on peut observer dans le secteur non financier, soit une moyenne d’environ 19% et 12%, respectivement. Au total, les sociétés financières cotées ont réalisé une marge opérationnelle de 49% et une marge nette de 24,3%, selon BMCE Capital.
Le taux de marge moyen des 19 banques de la place était de 52% en 2016
Pour les entreprises non cotées du secteur financier, la rentabilité à la fois économique et financière n’est pas moins intéressante. Selon les chiffres contenus dans le rapport de Bank Al-Maghrib (BAM) sur la supervision bancaire couvrant l’exercice 2016 (celui de 2017 devant être publié en juin prochain), le taux de marge moyen des 19 banques que compte le pays était de 51,8% et le taux de rentabilité moyen de 20,4%. Pour les sociétés de financement (crédit à la consommation, leasing, affacturage, etc.), ces taux de marge et rentabilité était respectivement de 62,1% et 27,6% en 2016. Si l’on prend maintenant le reste des sociétés cotées en bourse, au nombre de 55 et qui relèvent de la sphère non financière, leur chiffre d’affaires en 2017 était de 161,45 milliards de DH, en hausse de 3% par rapport à 2016. Avec un résultat d’exploitation de 30,3 milliards de DH, leur marge opérationnelle était de 18,8% ; et avec un résultat net consolidé de 19,65 milliards de DH, leur marge nette était de 12,2%.
Ainsi, la rentabilité des sociétés financières, c’est quasiment le double de celle des entreprises non financières. Pourtant, les statistiques, cette fois de la comptabilité nationale, montrent que la contribution des entreprises non financières à la richesse nationale est incomparablement plus élevée que celle des sociétés financières : 38,5% pour les premières et 4,7% pour les secondes.
Cette comparaison mérite cependant d’être relativisée; et fortement. Par l’effet de taille d’abord : les établissements de crédits et assimilés, c’est-à-dire l’essentiel des sociétés financières, sont au nombre de 83, soit…0,04% de l’ensemble des sociétés affiliées à la CNSS. Par la nature de l’activité, ensuite : les entreprises non financières ont des activités capitalistiques et la rentabilité, surtout dans les branches de l’industrie, est souvent différée, ce qui n’est pas le cas des sociétés financières. Est-ce que cela justifie les niveaux de marge des celles-ci ?
Partage de la rentabilité
On peut valablement penser que les sociétés financières, et spécifiquement les banques, ont une activité dont la caractéristique même les oblige en quelque sorte à toujours rechercher des niveaux de rentabilité élevés. Cette caractéristique, c’est le fait qu’elles travaillent avec l’argent des déposants dont elles doivent impérativement prendre soin. Il se trouve cependant que cet argent, dans une assez large mesure, est gratuit. En 2017, les dépôts à vue, donc les dépôts non rémunérés, ont représenté plus de 55% de l’ensemble des dépôts. La question qui vient immédiatement à l’esprit est alors de savoir si, offrant gratuitement leur argent, les détenteurs de comptes courants, ne devraient pas, eux aussi, profiter de la rentabilité des banques. L’interrogation n’est certes pas nouvelle et chacun a un point de vue là-dessus. Dans d’autres pays en tout cas (ceux de la zone euro, la Tunisie, l’Egypte…), la rémunération des dépôts à vue existe, mais bien souvent, il faut le reconnaître, cela s’accompagne d’une augmentation des commissions…Bref, l’idée que la rentabilité des sociétés financières, et bancaires plus spécifiquement, devrait être un petit peu partagée n’est peut-être pas aussi farfelue qu’elle en a l’air. Dans quelle proportion et suivant quelles modalités ? C’est à voir…
