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SIAM 2017 : Le Maroc tient le bon bout

Près de 10 ans après l’entame de sa mise en œuvre, le Plan Maroc Vert a donné des résultats perceptibles. En dehors des céréales, le secteur agricole est beaucoup moins dépendant du climat et la production s’apprécie.

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Le compte à rebours a commencé. Plus que quatre ans avant l’échéance fixée pour l’exécution du Plan Maroc Vert adopté en 2008. Cette stratégie, dont la vocation est de transformer l’économie marocaine, est bâtie sur un socle à sept supports : l’agriculture, le principal levier de croissance pour les 10 à 15 ans qui suivaient ; l’agrégation comme outil d’organisation ; l’agriculture pour tous sans exclusion, la promotion de l’investissement privé ; la mise en œuvre d’une approche contractuelle; la sauvegarde des ressources naturelles pour une agriculture durable et enfin la refonte du cadre sectoriel en repensant les politiques foncière, de l’eau, et fiscale, ainsi qu’en réorganisant le marché national par la modernisation des circuits de distribution et l’amélioration de l’accès aux marchés de gros et aux abattoirs.

Les objectifs sont très ambitieux. Le programme d’action porte en effet sur la réalisation d’environ 900 projets dans le Pilier I (agriculture moderne à haute valeur ajoutée), et 545 dans le Pilier II (petite agriculture), respectivement au profit de 400 000 et environ 800 000 exploitants. L’investissement projeté se monte à 147 milliards de DH, répartis à hauteur de 75 milliards pour le Pilier I, 20 milliards pour le Pilier II et 52 milliards pour les actions transverses.

A partir de là, la valeur ajoutée agricole devrait monter de 38 à 99 milliards de DH en 2020. Au moins 1,5 million d’emplois devraient être générés et 4,6 millions de tonnes de produits agricoles exportées, 340% de plus que pour l’année de base.

Les ambitions étaient clairement exposées. Près de dix ans après l’entame de l’exécution du PVM, on peut dire que le secteur est sur la bonne trajectoire. D’abord parce que cette stratégie est citée en exemple par différentes institutions internationales comme l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) qui, en 2015, a d’ailleurs primé le Maroc pour avoir atteint, deux ans avant l’échéance, le premier Objectif du millénaire pour le développement (OMD) consistant à réduire l’extrême pauvreté et la faim et ce, grâce au PMV. Le directeur général de la FAO, José Graziano Da Silva, soulignait à l’époque que le Maroc pourrait «partager les expériences et expertises du Plan Maroc Vert et du Plan Halieutes avec d’autres pays africains», ce qui présenterait «un intérêt considérable et des opportunités réelles pour les pays qui pourraient ou voudraient s’en inspirer». La Banque Mondiale et la Banque Africaine de développement (BAD), deux des principaux bailleurs de fonds, abondent dans le même sens.

Les chiffres viennent ensuite conforter ces appréciations. Selon le ministère, le produit intérieur brut agricole (PIBA) a progressé de 74% entre 2008 et 2015, à 120 milliards de DH. Du fait de la mauvaise campagne céréalière 2015-2016, le volume est retombé à 108 milliards de DH. Malgré tout, le secteur se montre moins exposé aux aléas climatiques. Pour preuve, les baisses de la production céréalière impactent de moins en moins l’évolution du PIB agricole.

Des réalisations perceptibles

Au titre du Pilier I, 869 projets ont été concrétisés durant la période 2008-2016, soit 96,5% de l’objectif 2020. Ces projets bénéficiant à 293000 agriculteurs agrégés couvrent une superficie de 503 387 ha. A terme, le montant de l’investissement s’élèvera à 53,36 milliards de DH. Selon l’ADA, le nombre total des projets d’agrégation validés à fin décembre 2016 se monte à 166. Pour le moment, 56 projets concernant 135000 producteurs ont obtenu une attestation d’agrégation pour une superficie de 342 000 ha et 320 000 têtes du cheptel. L’investissement est de 20 milliards de DH (voir filières pages suivantes).

A propos du Pilier II, 616 projets ont été lancés à fin 2016, soit assez largement au dessus de la barre fixée. Le montant de l’investissement est de près de 15 milliards de DH. Environ 740 000 agriculteurs en bénéficient. La grande majorité des projets sont localisés dans les régions de Tanger, Tétouan-Al Hoceima (17%), Fès-Meknès (14%), Marrakech Safi (12%), et l’Oriental (11% des projets).

Toujours concernant ce pilier II, le projet d’agriculture solidaire et intégrée au Maroc (ASIMA) destiné à mettre en place des mesures de conservation des sols et de préservation de la biodiversité dans des zones marginales a profité à 8500 petits agriculteurs (dont 20% de femmes) de Rhamna, Essaouira, Haouz, Agadir et Tiznit. Le coût total du projet, dont la Banque Mondiale est l’administrateur, est de 41,98 millions de dollars (420 MDH) dont 35,54 millions (355 MDH) de contribution du gouvernement marocain et 6,44 millions (644 MDH) sous forme d’un don du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Ce projet lancé en août 2013 sera clôturé en décembre prochain.

Une attention particulière est aussi accordée aux produits du terroir considéré par le ministère de l’agriculture comme une alternative pour le développement local, viable et durable de zones difficiles d’accès. Selon l’Agence de développement agricole (ADA), 8 boutiques sont créées au profit de 8 groupements représentant 60 coopératives constituées de 2600 agriculteurs et 10 filières de produits du terroir (argane, safran, dattes, huile d’olives, olive de table, miel, couscous, lavandin et câpres). De nouvelles boutiques sont en cours de création pour 10 nouveaux groupements, représentant 17 coopératives regroupant 373 agriculteurs et 6 filières de produits du terroir (argane, miel, huile d’olive, figue de barbarie, PAM, épices). Sur le même registre, un contrat programme «Agriculture biologique» a également été signé en 2011 entre l’Etat et l’Association marocaine de la filière des productions biologiques (AMABIO). Les professionnels se sont engagés à produire respectivement 400000 et 8500 tonnes de produits végétaux et animaux et d’en exporter 60 000 tonnes d’ici à 2020.

Une mécanique bien rodée

Ces résultats découlent d’actions bien coordonnées. Sur le plan institutionnel, l’Agence de développement agricole (ADA) et l’Office nationale de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), deux organismes chargés de donner une nouvelle impulsion au secteur ont été créés, de même que l’Office nationale de conseil agricole (ONCA) chargé de piloter, coordonner et suivre la mise en œuvre de la stratégie du conseil agricole à l’échelle nationale. Cet office joue le rôle d’interface entre la formation et la recherche et la sensibilisation et le conseil des agriculteurs et des organisations professionnelles.

Sur le terrain, un partenariat fécond entre l’Etat et le privé a été établi.

Ce partenariat est scellé par des contrats programmes avec les principales filières agricoles représentées par leur fédération. Depuis 2008, 19 contrats ont été signés. D’ailleurs, pour consolider les capacités d’intervention des organisations professionnelles et leur donner les moyens de porter les projets de développement de chacune des filières, un cadre juridique régissant la création et le financement des interprofessions agricoles a été mis en place en 2015 à travers la loi 03-12 relative aux interprofessions agricoles et halieutiques adoptée en 2015. Déjà, neuf interprofessions ont obtenu leur sésame.

Une organisation bien rodée, mais il a fallu activer d’autres leviers. A cet effet, l’Etat a mis à la disposition des investisseurs privés suffisamment de foncier (pilier I) pour une durée de location assez longue. Ainsi, 100 000 ha ont  été alloués par appel d’offres à fin 2016. Les investissements engagés s’élèvent à près de 14 milliards de DH sur un objectif de 15,2 milliards, soit un taux de réalisation de 92%. Ces investissements concernent en particulier la production végétale, l’élevage et les unités de valorisation, en plus des actions transverses relatives à la mise à niveau des exploitations concernées, entre autres, les aménagements hydro-agricoles et fonciers.

C’est dans le même souci de faciliter l’investissement par la mise à disposition des terres que l’agrégation a été promue. Ce système organisationnel consistant à fédérer des agriculteurs autour d’acteurs privés, qu’ils soient une personne physique ou morale ou toute organisation professionnelle (Coopérative, Association ou Groupement d’intérêt économique), permet de surmonter le morcellement en vue d’améliorer les rendements à travers le transfert de technologie. Inciter les agriculteurs à produire, c’est aussi les rassurer en cas de coup dur. A ce titre, a été créé un système d’assurance qui couvre à présent plus d’un million réparti entre les céréales, les légumineuses, l’oléagineux et l’arboriculture. L’accent a aussi été mis sur une gestion plus efficace de l’eau. Près de 500 000 hectares ont été équipés pour la reconversion vers le goutte-à-goutte sur un objectif de 550 000 hectares, soit un taux de réalisation de 90%.

Produire, c’est bon. Mais le plus important est d’articuler l’aval et l’amont agricole par une logistique performante afin de favoriser la création de valeur. C’est ce qui est visé à travers les agropoles dont deux (Berkane et Meknès) sont déjà opérationnels. Cinq autres sont programmés.

Eu égard à ce bilan – non exhaustif -, on est tenté de croire que tout est parfait. Pourtant, il faut se garder de tomber dans la béatitude. Le PVM est un canevas qui permet de fédérer les énergies du public et du privé de sorte à produire plus et mieux. Ce faisant, des réajustements sont régulièrement effectués pour coller aux réalités du terrain (publication des textes d’application –publié en 2015- de la loi sur l’agrégation par exemple) et consolider les acquis.