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Ecosystème ferroviaire : un chantier d’envergure qui se fait attendre
L’écosystème est repositionné parmi les cinq priorités des IMM début 2019. Les doutes sur sa mise en place durant l’année en cours persistent. Alstom montre une grosse envie de faire bouger les lignes.

Décidément, la naissance de l’écosystème ferroviaire s’annonce difficile. Depuis la signature, en 2011, d’une convention de partenariat industriel stratégique entre Alstom, le ministère de l’équipement et du transport et celui de l’industrie, du commerce et des nouvelles technologies, dans laquelle l’industriel s’engage à contribuer au développement d’un écosystème ferroviaire marocain, aucune avancée significative n’a été réalisée.
Le projet est demeuré comme gelé pendant près de 5 ans, jusqu’en février 2016 lorsque le Groupement des industries ferroviaires marocain (Gifer) a été créé. L’objectif renouvelé était la mise en place de cet écosystème, à l’instar de ceux aéronautique et automobile. Lors du Rail Industry Summit, tenu à Casablanca en novembre 2017, la signature officielle de la mise en chantier de l’écosystème avait été promise pour décembre 2017. Elle avait été reportée une première fois pour début 2018, puis pour fin 2018, pour qu’ensuite aucune annonce sérieuse n’en soit faite, si ce n’est que le projet était en cours de finalisation. C’est, d’ailleurs, la réponse laconique qui nous a été fournie par des sources au sein du ministère de l’industrie.
L’environnement paraît favorable
Les objectifs de l’écosystème ferroviaire sont définis par l’ONCF et par les ministères de tutelle (Equipement, Economie & Finance). Il s’agit de porter à 23% la contribution du secteur au PIB, participer activement au rééquilibrage de la balance commerciale par la mise en place des infrastructures nécessaires, créer 500 000 nouveaux emplois à l’horizon 2020. Il est également question de réaliser les objectifs du Plan Maroc Rail 2040, à savoir un réseau LGV de près de 1 500 kilomètres, environ 2 700 kilomètres de lignes classiques, d’ouvrir et d’équiper de nouvelles lignes, de renouveler le réseau existant sur près de 2 000 kilomètres et, enfin, de renforcer le réseau du tramway urbain sur les principales villes du Royaume.
Nourddine Rhalmi, PDG d’Alstom Maroc, ne cache pas son enthousiasme. Il a assuré à La Vie éco que «le Maroc est l’un des pionniers du transport par voie ferrée dans le continent africain». Il explique aussi que le Royaume, pour lancer son écosystème ferroviaire, peut compter sur un certain nombre d’atouts dont la stabilité politique, les succès économiques dans divers secteurs, l’existence d’un plan clair de développement et d’amélioration des infrastructures ferroviaires (le plan Maroc Rail 2040 de l’ONCF, de nombreux projets de tramway en cours et à venir…), le PAI, la position stratégique aux portes de l’Europe et une main-d’œuvre qualifiée et compétitive.En 2017, 38 millions de voyageurs ont choisi le train pour leurs déplacements, 30 millions de tonnes de marchandises ont été transportées et 6,3 milliards de DH d’investissements ont été réalisés par l’ONCF. En milieu urbain, le nombre de passagers du tramway de Casablanca, par exemple, est passé de 22 millions en 2013 à plus de 35 millions en 2017. «La ville a inauguré, en janvier 2019, sa 2e ligne de tramway, et lancé un appel d’offres pour la réalisation des lignes 3 et 4», explique Nourddine Rhalmi.
Les acteurs en présence doivent d’abord être plus soudés
A priori, toutes les conditions sont réunies pour qu’un écosystème ferroviaire ambitieux émerge. Alstom, Bombardier- jusqu’à l’annonce de son intention de céder son site marocain-, la Société chérifienne de matériel industriel et ferroviaire (SCIF) et les autres membres du GIFER ne semblent attendre que le montage du projet pour le présenter au grand jour, et élargir les frontières de leurs écosystèmes respectifs pour en créer un à l’échelle du pays. Celui d’Alstom a réalisé, en 2017, un chiffre d’affaires à l’export de 214 millions d’euros, avec un taux d’intégration locale de 20% (l’écosystème automobile, lui, est à 60%). Cependant, seuls 22 des 300 fournisseurs prospectés par le constructeur français ont été qualifiés aux normes ferroviaires internationales dans les domaines de la tôlerie fine, le câblage, l’électronique, l’ingénierie de signalisation ou les housses de sièges.
«L’acquisition à 100% de notre usine de câblage ferroviaire à Fès est également la consécration de notre stratégie de développement d’un tissu industriel ferroviaire local au service du Maroc et du monde», précise le PDG d’Alstom. Cette usine emploie plus de 370 personnes, assure leur formation sur place et livre, à partir de Fès, des équipements et solutions pour des projets partout dans le monde (Algérie, Sénégal, Suède, France, Dubai, Sydney). Bombardier, qui a décidé de céder ses actifs et est actuellement à la recherche d’un acquéreur, avait créé un écosystème aussi efficace que celui d’Alstom, avec un taux d’intégration de 30%.
Un bureau d’études industrielles, contacté par La Vie éco, a confié que la structuration d’un secteur industriel en écosystème permet de tirer profit des forces dont justifie ce dernier, tout en maîtrisant les faiblesses (rareté des ressources humaines qualifiées, nombre réduit de sous-traitants locaux, etc.). «Mais il est impératif d’adapter cette structuration à la taille du secteur. Laquelle est définie par le nombre d’acteurs présents et leur degré d’interactivité pour ce qui est des volumes commandés», nous précise-t-on auprès dudit bureau, arguant qu’«une croissance trop rapide, et la mise en place d’un écosystème alors même que les acteurs présents ne sont pas en osmose, puisque chacun n’est porté que sur son propre réseau de fournisseurs ou de sous-traitants, risquerait de faire échouer le projet».
