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E-commerce : Entretien avec Hamza Aboulfeth, Fondateur de Genious
Les noms de domaine «.ma» ne dépassent pas 60 000 au Maroc contre 3 millions de «.fr» en France et 10 millions de «.uk» au Royaume-Uni.

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’hébergement des sites web au Maroc?
Malgré sa forte progression ces dix dernières années, le secteur de l’hébergement web et des noms de domaine au Maroc reste encore peu développé. Les noms de domaines en «.ma» ne dépassent pas 60000 au Maroc contre 3 millions de «.fr» en France, 10 millions de «.uk» au Royaume-Uni et 15 millions de «.en» Allemagne. Cependant, la position du marché marocain des noms de domaine en Afrique est tout à fait honorable. On retrouve le Maroc en 3e position après le Nigeria avec 150000 noms de domaine et l’Afrique du Sud avec 1 million de noms de domaine actifs. En ce qui concerne l’hébergement web, il existe à ce jour à peine 20 000 sites Internet d’entreprises marocaines alors que la CNSS, par exemple, compte largement plus de 200 000 entreprises. Ce décalage indique que ce secteur est loin d’être saturé et représente donc un avantage qui ne peut que réjouir les hébergeurs du Royaume.
Quels sont les principaux obstacles auxquels font face les plateformes d’hébergement?
Le manque de compétences est l’un des principaux obstacles de ce secteur d’activité, mais aussi le manque d’éducation. En effet, nous avons toujours du mal à marketer nos produits pour la simple raison que les gens ignorent ce que l’hébergement ou noms de domaine veulent dire. Du coup, le ROI de nos opérations marketing reste très faible par rapport à l’Europe ou aux US. C’est aussi notre devoir en tant que Registrar Accrédité par l’ICANN d’éduquer le marché à travers diverses conférences et workshops. La 55e édition de l’ICANN meeting vient de prendre fin à Marrakech, où nous avons animé plusieurs sessions sur le développement de l’industrie de noms de domaine en Afrique et au Moyen-Orient.
Serait-il plus coûteux d’héberger son site sur des hébergeurs marocains plutôt qu’étrangers?
C’était le cas il y a une dizaine d’années mais cela a changé depuis. Notre premier challenge était de pouvoir baisser les prix de l’hébergement au Maroc, et je peux vous dire que cela n’était pas du tout facile vu la dynamique du marché. En d’autres termes, les hébergeurs peuvent réaliser des économies d’échelle vu le nombre de clients qu’ils possèdent. Au Maroc, cela restait très difficile vu la faible taille du marché… Le coût des serveurs à l’étranger peut être plus avantageux par rapport au Maroc. Mais, si on doit ajouter les prestations d’infogérance à l’étranger, cela revient finalement beaucoup moins cher d’opter pour une prestation avec service inclus chez nous. A cela s’ajoute bien sûr les barrières de langues et fuseaux horaires des prestataires étrangers.
Comment se démarque Genious des autres plateformes d’hébergement?
Nous nous sommes spécialisés dans l’hébergement de sites à haute affluence depuis le premier jour, mais aussi sur les sites du e-commerce, car l’hébergement est avant tout un service. Et notre devoir est de s’assurer de délivrer une prestation de qualité en s’occupant de tout le volet technique et laisser le client s’occuper du cœur de son métier.
Nous hébergeons aujourd’hui les plus grands sites d’information du Royaume et aussi à l’international. Les offres les plus sollicitées pour l’hébergement professionnel sont le Genious Managed Hosting destinés aux sites de presse, Genious Mail Solution pour tout ce qui se rapporte aux solutions de messagerie et enfin les serveurs Cloud ou Dédié pour les clients qui souhaitent un accès aux serveurs ou qui ont un besoin spécifique.
Vous avez réalisé récemment une étude avec l’institut Averty. Quelles en sont les conclusions?
L’étude réalisée avec Averty a montré que plus de 55,5% des personnes sondées, qui n’ont jamais eu une expérience d’achat sur internet, comptent franchir le pas dans le futur. 42,2% de ces personnes s’intéresseraient aux offres de voyages, 40,6% par le matériel informatique et enfin 26,3% par le prêt-à-porter. Avec l’accélération des achats en ligne, de nouveaux acteurs du marché du e-commerce vont émerger. Nous souhaitons alors les assister dans toutes les étapes du processus en proposant des offres d’hébergement complètes. Les résultats de l’étude indiquent, par ailleurs, que les applications marocaines ont le vent en poupe. En effet, les trois quarts des répondants ont déjà utilisé une application marocaine quand sa fiabilité et son intérêt sont au rendez-vous. Il est donc prévu de voir la naissance de projets dans ce sens.
Vous venez de lancer le data center «nuage.ma», de quoi s’agit-il au juste?
Jusqu’à janvier 2016, l’ensemble de notre infrastructure était essentiellement au Canada. Ceci est en train de changer au vu de la volonté de beaucoup d’entreprises d’externaliser leurs parcs informatiques ainsi que l’obligation des organismes publics, bancaires… d’héberger leurs données sur le territoire marocain.
Nuage.ma est une nouvelle infrastructure fraîchement installée dans un neutral Datacenter au Maroc à Nouaceur, respectant les normes européennes. Le but de cette réalisation étant de fournir aux entreprises marocaines un espace de colocation de serveurs, des Cloud privés, des serveurs dédiés, sans oublier l’infogérance afin de les gracier de toutes interventions techniques. Malheureusement, les coûts des télécoms au Maroc sont exorbitants, paralysant ainsi le développement des datacenters dans le pays avec des coûts locaux 100 fois plus onéreux, que ceux pratiqués en Europe ; plus de 1000 DH le Mbit contre 10 DH le Mbit en Europe pour un seul opérateur. Or, le protocole BGP (Border Gateway Protocol) que nous cherchons à mettre en place et qui nous habilite à déterminer la route la plus optimale entre l’utilisateur et le datacenter selon l’opérateur depuis lequel l’utilisateur en question est connecté, nous contraint à contracter de la bande passante des 3 opérateurs afin de proposer un service répondant à nos satisfactions, ce qui influe sévèrement sur notre coût de revient.
