Affaires
Séchage des fruits : L’activité promet un bel avenir
La filière est plus développée pour les prunes que pour les raisins et les abricots. Elle dépend surtout des variétés de production. L’instauration d’une prime au séchage, à l’écrasement et à l’export devraient encourager les professionnels à s’impliquer davantage dans la transformation.

La stratégie «Green Generation» intervient dans la continuité du Plan Maroc Vert et met l’accent, entre autres, sur la transformation et la valorisation des produits. Dans la filière arboricole, le séchage des fruits constitue l’un des axes principaux. C’est, en effet, une pratique évolutive qui concerne plusieurs types de fruits. Sauf qu’elle reste bien développée pour certains produits comme les prunes à pruneaux et un peu moins pour les raisins et les abricots.
Il faut savoir d’abord que le séchage dépend des variétés de production. Pour les prunes à pruneaux, la totalité de la production destinée au séchage repose sur la variété ‘Stanley’, avec une faible part qui revient à la variété ‘Président’. Leur culture est concentrée au niveau de la région de Fès-Meknès dans deux bassins de production Sefrou et Elhajeb. Au total, «le volume de la production déshydratée est de l’ordre de 70 000 T annuellement avec un rendement au séchage de 25%, soit environ 4 Kg de prunes fraîches pour 1 Kg de prunes séchées», explique Moulay Belghit Hachimi, vice-président de la Fédération interprofessionnelle de la filière de l’arboriculture fruitière au Maroc (FéDAM). Toujours dans la même région, ce sont 41 unités industrielles, sous forme de fours, qui se chargent du processus de déshydratation. En fait, le procédé de séchage au Maroc a évolué. Il est passé de l’utilisation directe de la chaleur produite par du fuel et du propane/butane en tant qu’énergie du séchage à l’utilisation de la vapeur. Cette dernière est produite à partir de chaudière alimentée par la biomasse. Tout le processus de séchage prend entre 2 et 3 mois et débute à partir de la fin du mois d’août. Cependant, étant donné que le verger est presque monovariétal, la maturité des prunes, qui commence à partir de 18°Brix, est groupée, et impose le passage par les unités frigorifiques afin de réguler le flux. Si le séchage de ces fruits passe par les fours, il n’est pas forcément exigé pour les raisins secs. Il peut se faire au soleil comme dans les fours industriels qui servent pour le séchage des prunes à pruneaux. Cette activité a pris progressivement de l’ampleur, vu l’accroissement de la demande du marché national sur le produit. Elle s’est ainsi multipliée durant les cinq dernières années pour passer d’un volume d’importations de 563 T en 2016 à 12 418 T en 2020, avec comme principaux pays exportateurs l’Inde, l’Iran, l’Ouzbekistan et la Turquie. «Avec cette demande, sans cesse grandissante, le séchage des raisins a suscité l’intérêt des opérateurs qui commencent à conduire des essais de mise au point de ce procédé notamment à travers la sulfitation et la maîtrise des paramètres du fonctionnement des fours où le couple température et temps de séchage sont déterminants», ajoute M.Hachimi. Si la variété de raisin «Sultanine» qui sert pour le séchage est d’introduction ancienne dans les vignobles marocains, elle présente le défaut d’avoir un petit calibre et une peau fine. Du coup, sa destination principale reste la consommation en fruits frais. D’autres variétés ont été introduites comme «Thomson Seedless» et «Regal», dans le cadre de la structuration de la filière et des différentes stratégies agricoles qui ont permis d’orienter les producteurs vers la plantation des meilleures variétés de raisin. Ces dernières sont donc apyrènes, dorées et se caractérisent par une peau épaisse permettant de conserver la structure de la baie pendant la déshydratation. Contrairement aux deux fruits précédents, les figues sont séchées au soleil uniquement. Il s’agit d’une pratique ancienne qui est opérée dans les régions du Nord (Ouazzane, Taounate, Chefchaouen, Al Hoceima…) et concerne 50 à 60% du volume de la production nationale qui est de l’ordre de 156 000 T de figues fraîches. Bien que plusieurs variétés soient séchées, la dominance revient, cependant, aux variétés Nabout et Elquoti Labied. Plusieurs travaux de recherche ont été menés en matière de sélection variétale, orientée vers les variétés ayant de fortes aptitudes au séchage. «Cela, combiné aux incitations de l’Etat, accordées dans le cadre des stratégies agricoles PMV et GG pour l’installation de nouveaux vergers modernes conduits en irrigué au niveau de plusieurs périmètres, est de nature à augmenter la production et donc le volume des figues séchées», signale notre source. L’ambition étant que le Maroc reprenne sa place en tant qu’exportateur. A terme, l’avenir appartient à cette filière résiliente aux changements climatiques, très peu exigeante en eau d’irrigation et qui dispose de multiples vertus.
Si le pays a une activité de séchage assez développée pour certains fruits, l’abricot reste le maillon faible de la chaîne. En effet, le pays importe, principalement de la Turquie, la totalité de ses besoins en abricots séchés dont le tonnage ne cesse d’augmenter pour passer de 65 T en 2016 à 762 T en 2020 avec une valeur d’environ 30 MDH et ce, pour répondre à une demande de plus en plus forte. Pour combler ce déficit, la FéDAM a entrepris, depuis 2019, en collaboration avec certains partenaires professionnels (Arboval, Associations Nationale des propriétaires des fours de séchage) et institutionnels (INRA), des essais de mise au point des techniques de séchage des fruits de certaines variétés d’abricots, en l’occurrence Canino, à travers la sulfitation, le dénoyautage, la température et temps de séchage… Les résultats ont montré que la variété reste déterminante pour l’obtention de fruits déshydratés de qualité compétitive. Le séchage des fruits reste une activité très prometteuse pour l’aval de la filière arboricole, à laquelle le contrat programme a réservé une part importante. Le but est de satisfaire la demande du marché national et de se positionner en tant qu’exportateur vers les pays du Golfe, du Maghreb et de l’UE. L’instauration d’une prime au séchage, comme celle à l’écrasement, couplée à celles de l’export devraient encourager les professionnels à s’impliquer davantage dans les activités de transformation au niveau national.
Questions à Moulay Belghit Hachimi vice-président de la FéDAM
«La contrainte de séchage des raisins est liée au coût de la matière première»
• La Vie éco : Prévoyez-vous des perspectives favorables pour l’activité du séchage des prunes ?
• L’avenir de cette filière, à fort potentiel aussi bien sur le marché local que pour les exportations, va vers les prunes dénoyautées. Au Maroc, le procédé de séchage reste difficile avec la variété de base plantée au Maroc «Stanley» en raison de la grosseur du noyau et de son adhérence à la chaîre. Cela dit, la «Prune d’Ente» qui se prête bien au dénoyautage commence à présenter un intérêt notamment pour une niche d’exportation. En tout cas, des essais de maîtrise de séchage et dénoyautage sont actuellement programmés dans le cadre des activités de l’Agrinova, par le biais de son club Arbo.
• Quelles sont les contraintes rencontrées pour le séchage des raisins ?
Il n’y a pas de handicap technologique pour sécher les raisins au niveau des fours de séchage implantés dans les différentes régions de production. La contrainte est de type économique et est en lien avec le coût de la matière première (raisins) qui reste avantageux pour le frais. Pour avoir un kilogramme de raisins secs, il faut sécher environ 4 Kg de raisins frais qui coûtent 6 Dh/kg. Ce qui établit le prix de revient à environ 25 Dh/Kg de raisins secs, alors que le prix à l’international tourne autour de 15 Dh/Kg. Il serait tout aussi intéressant de s’approvisionner en raisins frais à des prix compétitifs aux alentours de 4-5 Dh/Kg. Cela devrait contribuer à booster cette activité de séchage et à limiter ainsi les importations.
• La production d’abricots séchés ne satisfait pas la demande nationale. Que fait la Fédam pour développer la filière ?
Un réajustement de la structure variétale, orientée auparavant vers des variétés qui donnent des fruits destinés à la consommation en frais, a été opéré dans le cadre de la nouvelle stratégie agricole et ce, afin d’adopter des variétés d’abricots destinées exclusivement au séchage. Les démarches nécessaires pour l’acquisition de ce matériel végétal ont été entreprises avec l’appui de l’ONSSA. Les nouvelles plantations de variétés d’abricots permettront l’approvisionnement des fours de séchage, dont l’activité sera élargie sur une durée de fonctionnement de deux mois environ.
