Affaires
Sa voiture saisie pour défaut de paiement, un client traduit Salafin en justice
Il avait suspendu le paiement de ses traites pour un désaccord sur certains termes du contrat, qu’il avait fait connaître à l’organisme prêteur.
Le tribunal ne l’a pas suivi dans sa citation directe pour escroquerie au jugement et abus de confiance.

L’affaire qui oppose Salafin à Philippe-Edouard Eymard est un véritable cas d’école. Cet expert financier résidant à Agadir vient d’être débouté en première instance par le tribunal correctionnel de Casablanca auprès duquel il avait déposé une citation directe pour escroquerie au jugement et abus de confiance contre Mohamed Amine Bouabid, Aziz Cherkaoui et Saïd Azelmad, respectivement président du directoire, directeur général et chef du service contentieux de Salafin. La procédure vise également ladite société, qualifiée par le plaignant de civilement responsable.
Tout a démarré en mars 2004, lors d’un financement pour l’achat d’une voiture, contracté par M. Eymard auprès de Salafin sur proposition du garagiste vendeur. Lors de la signature du contrat, le plaignant dit avoir constaté qu’il était qualifié de «locataire» tandis que l’organisme prêteur se considérait comme un «bailleur». Rassuré par l’agent chargé du dossier sur la nature du contrat, il a alors accepté de signer tout en s’abstenant d’écrire au bas de la page la mention consacrée «lu et approuvé, bon pour accord» en attendant «une précision interprétative», fait savoir son mandataire, la société Juris contentieux basée à Agadir. Après des mois d’attente, il menaça de faire la grève des échéances.
La menace fut mise en exécution. Après quelques mois sans recevoir aucun versement, Salafin obtient en référé auprès du tribunal de première instance de Casablanca «une ordonnance présidentielle de récupération du véhicule», indique le conseil de M. Eymard. Ce dernier conteste évidemment ce jugement, souligne qu’il «a été volontairement convoqué à une adresse qui n’était plus la sienne» et déplore le fait qu’il n’a pas été mis en demeure.
Pour empêcher la saisie définitive du véhicule, divers recours ont été déposés : devant le juge des référés pour la restitution, le juge de fond pour requalifier le contrat, et la cour d’appel en rétraction de l’ordonnance de récupération. Le plaignant estime que les moyens de preuve présentés par Salafin pour obtenir la saisie sont faux.
Il dit avoir également proposé d’éponger les arriérés d’un montant de 95 285 DH et envoyé «une mise en demeure par acte extrajudiciaire pour la restitution de la voiture en contrepartie du paiement des échéances (alors) en cours en plus d’une offre de garantie bancaire». Toutes ces démarches sont restées vaines. Finalement, Salafin a revendu la voiture en avril 2008 à 325 000 DH. C’est d’ailleurs ce montant que le plaignant réclame en guise de dommages et intérêts, en plus de 200 000 DH de frais de justice, soit 525 000 DH.
Le prêteur dit avoir respecté la procédure
Malgré le nouveau camouflet qu’il vient de recevoir, M. Eymard ne veut pas renoncer. Son conseil a interjeté appel dès la connaissance du jugement du 14 juillet relatif à la citation directe. En raison des vacances d’été, le dossier sera en principe mis en instance jusqu’en septembre. Du côté de Salafin, on se montre serein. La direction générale dit n’avoir rien à se reprocher dans cette affaire. Il s’agit d’un dossier classique de client qui fait défaut, explique M.
Cherkaoui, qui assure que toute la procédure a été respectée. Il précise par ailleurs que la société est dotée de tous les organes de contrôle et d’un dispositif interne qui laissent peu de place à des incohérences dans l’appréciation des problèmes du genre de celui qui l’oppose à ce client. S’agissant d’un contrat LOA, en effet, le client ne devient juridiquement propriétaire du véhicule que lorsqu’il en a payé la valeur résiduelle.
Selon un juriste, l’expert financier a peu de chance de remporter le procès dès lors qu’il a bien signé le contrat. Selon cette même source, la «mention lu et approuvé» n’a pas d’importance juridique spéciale. Par déduction, il fait savoir qu’on ne signe pas un document dont on ignore la teneur.
«La démarche la plus appropriée pour l’acheteur était de bien mentionner ses réserves en bonne et due forme, parce que le fond du problème était de s’assurer qu’il s’agissait bien d’un contrat de crédit et d’un non d’un contrat de location», explique-t-il. En l’absence du jugement, c’est-à-dire des arguments sur lesquels s’est fondé le juge pour rejeter la requête, il est difficile d’aller plus loin dans le commentaire.
