Affaires
Royal Air Maroc… grossir ou mourir
Le président de la compagnie rejette toute accusation de mauvaise gestion et met en avant la résistance de la compagnie malgré l’ouverture du ciel et l’arrivée des low cost.

Driss Benhima, PDG de Royal Air Maroc, ne veut pas se laisser abattre, après son passage, mercredi 9 mars, devant la Commission des finances et du développement économique de la première Chambre du Parlement, en compagnie de Karim Ghellab, ministre de l’équipement et du transport. Rencontre consacrée à la situation économique et financière de la compagnie, notamment sur des dossiers épineux comme la politique salariale, la situation des filiales et l’affaire Air Sénégal International. La seconde réunion consacrée à la question de ladite commission, qui devait avoir lieu, jeudi 17 mars, ne devrait pas être de tout repos pour le PDG de la compagnie nationale. Il défend bec et ongles son bilan et rejette toute accusation de mauvaise gestion des différents dossiers évoqués.
Il avance, argument à l’appui, que la RAM ne s’en sort pas si mal, en dépit de certains difficultés conjoncturelles et des réels problèmes structurels nés de l’Open sky qui l’ont, à partir de 2003, placée sous la pression des low cost. Mieux, affirme M. Benhima, la RAM dont beaucoup avaient pronostiqué la disparition après l’ouverture du ciel a réussi à bien s’en sortir dans un environnement concurrentiel de plus en plus difficile.
Néanmoins, il tient à souligner que si la compagnie «a résisté grâce à une inflexion stratégique pour s’adapter au nouveau contexte concurrentiel, elle est dans une situation fragile dans le sens où elle devient vulnérable à l’intensification de la concurrence low cost et à tous les évènements extérieurs». Entendez par là l’augmentation du prix du pétrole, la parité de change et le contexte géopolitique actuel et son impact sur le tourisme. Sans compter que la recette moyenne par passager sur la France, et l’Europe en général, est en baisse continue depuis 2003. Tout ceci fait que «la gestion de la RAM devient extrêmement tendue», reconnaît-il. Dès lors, la compagnie se trouve, selon son président, devant trois options stratégiques et son avenir sera déterminé par le scénario retenu.
La première option consiste à viser un équilibre rapide des comptes en réduisant l’investissement et en éliminant les lignes long courrier et les dessertes déficitaires. Cette option se traduira par une réduction de la production de près de 40% corrélativement à celle de la flotte, avec les conséquences classiques d’un tel scénario, c’est-à-dire un nouveau plan social et la vente de la compagnie. Ce scénario est écarté d’emblée.
Objectif : une centaine d’avions en 2 025
La deuxième option consiste à maintenir la compagnie telle qu’elle est avec son réseau et sa flotte tout en réduisant les investissements à court terme, ce qui obligerait l’Etat à mettre la main à la poche, à perte, pour faire face à la crise financière et économique mondiale. En d’autres termes, l’obligation de subventionner la compagnie afin qu’elle puisse accompagner les choix du pays en matière de tourisme en attendant des jours meilleurs… Mais un tel choix a aussi été écarté par le Conseil d’administration qui a estimé qu’il ne permet pas à la compagnie de soutenir la concurrence des low cost et les «géants européens».
Reste un troisième scénario, celui finalement retenu : il consiste à opter pour la croissance, c’est-à-dire continuer à investir dans une compagnie en tant qu’outil de développement de l’économie marocaine accompagnant les choix stratégiques du pays à savoir le plan Emergence dans son volet aéronautique, la politique touristique, le développement des exportations, et au niveau interne la politique de régionalisation, entre autres. Cette option, objet d’un nouveau contrat programme en passe d’être signé avec le gouvernement, nécessite pour la RAM d’engager un «important programme d’investissement dans la modernisation de la flotte, dans les infrastructures et les technologies pour améliorer le système de pilotage et réduire ainsi ses coûts». Driss Benhima estime qu’il n’y a pas d’autres alternatives pour la compagnie que de «grossir». Très sûr de lui, il dit vouloir «en faire la première compagnie africaine à l’horizon 2020» avec pratiquement un doublement de la flotte qui devra compter une centaine d’appareils en 2 025.
Elle est aujourd’hui troisième avec 6 millions de passagers et un chiffre d’affaires de 1,708 milliard de dollars ou 13,66 milliards de DH. Evidemment, une telle option nécessite de gros efforts financiers et dans cette optique le contrat programme prévoit un investissement global de 10 milliards de DH sur la période 2011-2015 dont 770 millions hors acquisitions d’avions. L’Etat, qui est sollicité en tant qu’actionnaire principal, devrait participer à cet effort «dans une proportion de 15 à 20%», précise le PDG de la RAM.
Les axes de la politique de développement de la compagnie resteront les mêmes, en l’occurrence le renforcement du hub Afrique et du réseau Maroc-Europe, le long courrier, le domestique avec un investissement de 1,2 milliard de DH pour la flotte de RAM-express, le fret et le tourisme, développement de l’offre industrielle, etc. Le PDG de la RAM réussira-t-il à vendre ce package aux parlementaires ?
