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Rolls Royce for ever
En 2012, la célèbre marque Rolls Royce a annoncé une hausse de ses ventes qui oscillait autour de 35%. Comme quoi en temps de crise (surtout dans l’industrie automobile !), le luxe tire toujours son épingle du jeu. Certes, il faut avouer que les initiales RR et la mascotte «Spirit of Ectasy» constituent le must du genre. Depuis 1904, cela a toujours été le cas.
Tout a débuté par la rencontre de deux hommes : Charles Rolls et Henry Royce. La première Rolls-Royce (la 10 HP) est lancée en 1904. Elle parvient avec ses 12 chevaux à atteindre les 65km/h. Un bon début. En 1908, après la sortie de la première Silver Ghost, un journaliste du Times à Londres écrit, visiblement enthousiasmé par l’auto, qu’il s’agit de «la meilleure voiture du monde». Il n’en fallait pas plus pour enflammer l’opinion publique et intéresser les éventuels acheteurs. Sous le poids de la demande, la petite firme quitte Manchester et installe ses quartiers à Derby afin de disposer de plus d’espace pour produire. L’histoire est en marche. Avant même que la Première Guerre mondiale n’éclate. La firme est déjà connue dans le monde entier, faisant la joie des têtes couronnées. Une fantastique ascension que ne verra malheureusement pas Sir Charles Rolls qui trouvera la mort en 1910 lors d’un meeting aérien. Il avait 33 ans. Participant à l’effort de guerre, la marque produit alors des moteurs d’avions, dont l’Eagle : une incroyable mécanique V12 de plus de 20 litres de cylindrée. La paix retrouvée. Rolls-Royce poursuit son aventure aéronautique, ce secteur devenant même son activité principale. Ce qui, du reste, lui permettra de soutenir celui de l’automobile dans ses pires moments. En 1933, Henry Royce s’éteint, laissant orpheline l’une des plus belles marques du royaume. Mais l’aventure continue… Après la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, comme le reste de l’Europe, a besoin de devises. Alors, Rolls-Royce s’exporte, surtout aux Etats-Unis. Elle propose à ses clients, c’est une première, une conduite à gauche et dote ses automobiles de boîtes automatiques. Désormais, l’usine de Derby se consacre aux moteurs d’avions pendant que les autos, à présent indépendantes, s’installent à Crewe. Une nouvelle page se tourne. Et elle sera définitivement tournée en 1965 avec l’arrivée de la Silver Shadow. Rolls-Royce abandonne le châssis séparé, préférant une structure monocoque et lui offre 4 roues indépendantes et 4 freins à disques. De quoi lui donner l’élan nécessaire pour atteindre le XXIe siècle.
Une voiture artisanale ultramoderne
Dans les années 1980, le luxe de ses prestigieuses automobiles n’était plus vraiment à la mode. La marque souffrait et les évolutions peinaient à venir. La firme britannique conservait cependant son inestimable prestance reflétant la puissance de ses propriétaires. Automobile des reines, des rois, des princesses et des princes, celle des stars ou de riches industriels, Rolls-Royce fut de tout temps le carrosse préféré de la jet-set. Mais face à l’appauvrissement de la gamme, à une certaine désuétude et un manque évident de trésorerie, les fortunes de la planète se sont lentement détournées de son luxe devenu suranné. Propriété du groupe Vickers, Rolls-Royce et Bentley, liées depuis 1931 (suite au rachat de Bentley par RR et construites dans la même usine historique de Crewe), seront finalement vendues respectivement à BMW et à Volkswagen en 1998. La vente fut particulièrement complexe, et pour le moins étrange.
En effet, BMW avait acquis la marque «Rolls-Royce», mais pas l’usine, alors que VW venait d’acquérir Bentley et l’usine qui va avec. Pour la marque bavaroise, la renaissance de Rolls-Royce semblait donc bien compromise. Pas d’usine, pas de modèle, nombreux pensaient que le géant de Munich allait produire des séries 7 stylisées à la mode RR. Un arrangement entre les deux constructeurs allemands allait permettre de poursuivre la fabrication des Rolls-Royce au sein de l’usine de Crewe. La dernière sortira de l’atelier en 2002. Il s’agit d’un Cabriolet Corniche que la marque conserve jalousement. Depuis 2003, Rolls-Roys est installée à Goodwood, non loin de la propriété de Lord March, l’homme qui a initié le très chic, mais néanmoins convivial Festival de la Vitesse de Goodwood. Autrement dit, une adresse des plus respectables. Sur ses nouvelles terres du West Sussex, Rolls-Royce, telle une belle plante, s’est mise à pousser, à s’épanouir. De 300 exemplaires en 2003, la marque franchit la barre des mille en 2007.
En 2011, 3 536 Rolls-Royce sont sorties des ateliers, alors que 2012 devrait annoncer un chiffre dépassant les 4 000 véhicules. Une ascension qui, selon le CEO de Rolls-Royce Motor Cars, Torsten Muller-Otvös, sera maîtrisée afin de garantir l’excellence. Pas plus de 7 000 voitures par an et pas question de céder à la mode 4X4. Quant à l’électrique présentée au salon de Genève 2011 sous le concept «102EX», Torsten Muller-Otvös a mis les choses au point lors de l’édition 2012 : pas suffisamment d’autonomie et un temps de charge bien trop long. Autrement dit, l’électrique n’est pas pour demain. L’hybride en revanche, fera, à n’en pas douter, son apparition prochaine sur de futures Rolls-Royce, synergie de groupe oblige. Composée autour de deux gammes, celle de laGhost et celle de la Phantom, Rolls-Royce fait des heureux sur la planète. Le premier marché est naturellement la Chine, talonnée par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Emirats arabes unis. Quand on sait que le ticket d’entrée est d’environ 260 000 euros et que le client ajoute nécessairement des options, le prix moyen d’une Ghost passe aisément le cap des 300 000 euros. Pour la Phantom, ajoutez 120 000 voire 150 000 euros sans options bien sûr. Fidèle au concept né en 1904 où la perfection doit régner dans les moindres détails. Rolls-Royce a su maintenir son rang tout en s’infligeant une profonde remise en question et en se montrant audacieuse. L’usine, qui en fait ne ressemble pas à une usine, laisse sortir en moyenne 15 voitures par jour de ses ateliers. On pourrait presque parler d’artisanat. Parmi les 1 000 employés sur le site de Goodwood, 650 sont dédiés à la production et il leur faudra 450 heures en moyenne pour réaliser de pied en cap une Phantom et un peu plus de 250 heures pour une Ghost. Le temps nécessaire pour que chaque auto porte fièrement l’emblème RR où une jeune femme depuis 1911 joue les filles de l’air perchée sur le sommet de l’imposante calandre. A titre indicatif, sachez qu’au Royaume du Maroc, Sméia est le représentant exclusif de la marque légendaire.