Affaires
Risques émergents : les assureurs contraints de s’adapter pour pérenniser leurs activités
Le changement climatique, les cyber-risques et les risques d’infection et de pandémies sont les trois gros problèmes identifiés par les experts. L’urbanisation contribue à l’augmentation des risques. La digitalisation est un axe majeur de développement de l’assurance.
La 6e édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance, tenue les 3 et 4 avril, a été marqué par des débats de haute facture sur les risques émergents qui représentent les nouveaux défis de l’industrie de l’assurance. Quarante intervenants nationaux et internationaux, spécialistes chacun dans son domaine, ont animé 16 panels pour débattre des principaux enjeux auxquels sont confrontés, désormais, les compagnies d’assurance et ont exploré les voies d’adaptation des business modèles des compagnies.
Ibrahim Obaid Al Zaabi, directeur général de l’Autorité de l’assurance aux Emirats Arabes Unies, affirme que «les risques d’hier n’existent plus aujourd’hui. Le monde évolue constamment et les risques aussi. C’est pour cela que la R&D est primordiale pour assurer la pérennité des compagnies et de leurs activités».
Analyser et anticiper dans l’objectif de maîtriser le risque
Trois grands nouveaux risques ont concentré les interventions des spécialistes, en l’occurrence le changement climatique, les cyber-risques, et les risques d’infection et de pandémies. Stéphane Penet, directeur des Assurances de dommage et de responsabilité à la Fédération française de l’assurance, estime qu’«en tant qu’assureur, notre matière première est le risque. Et donc, le changement climatique ne peut être qu’une opportunité. Tout réside dans l’anticipation des opérateurs à ce nouveau défi. Le changement climatique en lui-même n’est pas un risque. Ce sont les conséquences du changement climatique qui représentent un risque. Ce dernier, il faut l’analyser et l’anticiper dans l’objectif de le maîtriser, A défaut, les opérateurs vont le subir».
Eric Bertheret, directeur à l’Organisation mondiale de la santé, explique pour sa part que «l’urbanisation peut contribuer à l’augmentation du risque d’infection. Nous sommes, particulièrement, préoccupés par les grandes capitales dans les pays émergents. Et pour cause, dans ces pays et contrairement à l’Europe, la population s’installe avant la mise en place des infrastructures, ce qui augmente le risque infectieux et exacerbe le risque global».
Pour faire face de la meilleure manière à ces nouveaux défis qui s’invitent dans le secteur, la digitalisation apparaît comme un axe majeur de développement de l’assurance. Mais la révolution numérique peut également être considérée comme un risque, notamment, dans le cas de cyber-risque. Philippe Cotelle, Head of insurance risk management à Airbus Defence and Space, s’exprimant lors du panel «Développer la résilience face aux cyber-risques», explique en substance que la digitalisation ne devrait pas être perçue comme un risque. A son avis, c’est une décision du management qui décide de rendre son entreprise plus digitale et donc plus efficace. «Il faut redonner, en revanche, au management les clés de compréhension des conséquences de la digitalisation et donc des cyber-risques», conseille-t-il.
Rôle décisif des autorités de supervision et de régulation
En plus de ce volet de digitalisation qui est aujourd’hui une réalité chez les compagnies marocaines, l’intelligence artificielle et la robotique sont amenées à changer inéluctablement le visage de l’assurance, avec un grand impact sur le marché de l’emploi et la relation client. «Il y a de moins en moins d’agents dans les compagnies d’assurance, à travers le monde. On demande, aujourd’hui, aux clients d’aller sur des applications mobiles. L’intelligence artificielle et la robotique sont donc une aubaine pour le secteur. On peut, donc, mettre en place des humanoïdes qui joueraient, à l’avenir, le rôle des agents», prévoit Nadia Magnenat-Thalmann, directrice du Centre de recherche NTU à Singapore et celui de Mira Lab à l’Université de Genève. Toutefois, l’intelligence artificielle n’est pas porteuse que d’opportunités. Certains acteurs entrevoient déjà les menaces. «L’intelligence artificielle peut receler énormément de risques pour la mutualisation. La solidarité qui existe aujourd’hui dans nos systèmes d’assurance peut disparaître puisqu’on aura à l’avenir une analyse très fine du risque santé de tout un chacun, par exemple. Et donc, certains assurés peuvent refuser de contribuer à l’effort de cette solidarité qui existe aujourd’hui», alerte Pascal Demurger, DG à la MAIF.
Dans cet environnement en nette reconfiguration, «la régulation est nécessaire pour maîtriser le risque», tranche Manuela Zweimuller, Head of policy department of EIOPA, intervenant dans le panel «Régulation vs innovation : la stratégie des superviseurs».
Selon elle, «le risque augmente avec l’adoption de la mise en place d’une stratégie de digitalisation par toutes les entreprises. Il faut dès lors avoir des outils de protection des données, notamment celles des consommateurs. La cyber résilience est, donc, un élément clé à intégrer dans la stratégie des compagnies d’assurance». Nadia Fettah, DG de Saham Finances, estime en substance que le fait d’évoluer dans un marché régulé est une chance en Afrique. «Les régulateurs nous protègent des aléas du marché en surveillant de très près la pérennité des compagnies d’assurance. C’est ce qui nous permet de rester rentables», conclut-elle.