Affaires
Risque agricole : Wafa assurance s’attaque au quasi-monopole de la Mamda
Le quasi-monopole de l’opérateur «historique» du secteur Mamda est brisé.
L’offre de Wafa assurance couvre aussi bien les exploitations agricoles que l’industrie agroalimentaire.
Force du réseau pour le nouvel entrant, expérience pour la MamdaÂ…, chacun a des arguments à faire valoir.
Le marché de l’assurance agricole est en ébullition. La cause : il y a un mois, et surtout quelques jours avant la tenue du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), le mastodonte Wafa assurance a officialisé son entrée sur le secteur en proposant plusieurs produits dédiés aux risques agricoles. Une annonce qui a bousculé l’opérateur «historique» de ce secteur, la Mutuelle agricole marocaine d’assurances (Mamda).
Opérant depuis plus d’une quarantaine d’années dans le risque agricole, la mutuelle dont le siège est à Rabat est, à n’en pas douter, gênée par cette incursion. Certes, contactés par La Vie éco, ses responsables affirment qu’ils n’ont «aucun commentaire à faire», pourtant, la nouvelle offre de Wafa assurance cible, on ne peut plus directement, la clientèle habituelle de la Mamda, celle des agriculteurs et des industries agroalimentaires.
«Auparavant, il y avait un quasi-monopole de la mutuelle qui s’explique par deux raisons. La première a trait au système de remboursement relevant du programme de garantie de la production céréalière contre les effets de la sécheresse. Géré en partenariat avec le Crédit agricole et sous le contrôle des autorités de tutelle, ce système assure un monopole de droit et de fait à la Mamda et au Crédit agricole pour le risque sécheresse. La seconde raison tient du refus des compagnies d’assurances de couvrir les risques liés à l’agriculture jugés, pendant longtemps, trop élevés», explique une source au ministère des finances.
Aujourd’hui et suite aux engagements pris dans le cadre du Plan Maroc Vert, c’est le groupe Attijariwafa bank qui a été le premier à se lancer dans ce marché à travers sa filiale Wafa assurance. Le management de celle-ci n’a pas fait les choses à moitié puisqu’il a lancé toute une gamme de produits relatifs aux deux volets de ce secteur. «Pour ce qui est des produits couvrant l’aval agricole (NDLR, agro-industrie), notre nouvelle offre ne fait que renforcer notre présence sur ce segment» , souligne-t-on auprès de Wafa assurance.
En revanche, les produits couvrant l’amont agricole, c’est-à-dire les exploitations agricoles, n’existaient pas avant. «Notre offre vient soutenir l’approche sociale du Plan Maroc Vert qui vise à dynamiser le secteur agricole en y injectant près de 100 milliards de DH», ajoute-t-on auprès du management de la compagnie d’assurance.
D’autres opérateurs pourraient investir l’activité
Incendie, explosions, vols, dégâts d’eaux, perte d’exploitation, dommages aux récoltes sous hangar ou encore les dommages aux engins agricoles…, la nouvelle gamme de produits de Wafa assurance couvre la quasi-totalité des risques liés aux exploitations agricoles. Mieux -ou pire selon les points de vue-, «des produits comme l’assurance contre la grêle ou bien contre la mortalité du bétail sont actuellement à l’étude» , affirme le management de la compagnie. Pour l’agro-industrie, sont proposées, entre autres, des couvertures contre l’oxydation et la perte de poids des céréales et les pertes de marchandises en chambre froide.
Enfin, concernant les travailleurs, la compagnie a adapté une grande partie des contrats classiques aux spécificités du secteur agricole. Il s’agit par exemple de l’assurance «santé complémentaire», des «accidents de travail et maladies professionnelles», de «la retraite complémentaire» ou encore du «décès invalidité».
En définitive, seul le risque sécheresse pourrait, à terme, manquer à la panoplie de produits proposés par Wafa assurance. Pourquoi ? «Ce risque est assuré par les autorités de tutelle (NDLR, Agriculture et Finances). Sa gestion est légalement confiée à la Mamda et au Crédit agricole. Aucune autre compagnie ne peut le commercialiser. D’abord, parce qu’il s’agit d’un risque énorme et ensuite en raison du système d’évaluation du sinistre qui est confié à une commission publique. Celle-ci se réunit tous les ans pour décider qui des assurés sera indemnisé pour cause de sécheresse», explique le responsable du ministère des finances. L’assurance sécheresse constitue ainsi un atout qui pourrait peser dans cette nouvelle bataille commerciale. «Cette assurance constitue un excellent produit d’appel pour la Mamda qui lui permet de vendre les autres produits. L’établissement peut également se targuer d’un statut de mutuelle qui lui permet de distribuer ses bénéfices à ses sociétaires», analyse un expert en assurances. Quoi qu’il en soit, Wafa et Mamda disposent chacune d’arguments de poids. A la longue expérience de l’opérateur historique dans le domaine agricole, s’oppose le réseau de distribution étoffé fourni par les agences du groupe Attijariwafa bank.
Dans quelle mesure la Mamda conservera-t-elle son privilège ? Du côté de Wafa assurance, l’heure n’est pas à la concurrence, mais à la réalisation du Plan Maroc Vert. «Nous pensons que les investissements annoncés dans le cadre du Plan Maroc Vert contribueront à donner du volume aux deux segments du marché de l’assurance agricole (NDLR : les exploitations agricoles et l’agro-industrie)», explique-t-on auprès de la direction de la compagnie.
Enfin, il est certain que la brèche ouverte sera inévitablement appelée à s’élargir. Rien n’empêche, par exemple, le groupe Crédit populaire du Maroc de se lancer dans le créneau en s’appuyant également sur son réseau et sa proximité de la petite clientèle… à moins que son statut de banque publique ne la pousse à ne pas vouloir gêner à la fois le Crédit agricole et la Mamda.