Affaires
Révolution dans les habitudes de paiement de l’Administration à partir de 2017 !
Tout le processus de paiement a été analysé et les dysfonctionnements sont en train d’être réglés. Trois textes réglementaires déjà adoptés, quatre autres sont à l’examen au niveau du SGG. La réforme implique la formation des fonctionnaires et l’adaptation des systèmes d’information.

Changement radical dans la procédure de paiement dans le cadre des marchés publics à partir de janvier 2017. Invité de la Chambre française du commerce et de l’industrie au Maroc (CFCIM), Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, a insisté sur le fait que la réforme en cours actuellement, un des leviers majeurs de développement économique et d’amélioration du climat des affaires, se traduira indéniablement par un raccourcissement substantiel des délais de paiement. Ces derniers ne cessent de se dégrader, amenant l’Exécutif à agir pour reconsidérer le système dans sa globalité, «étant donné que le retard de paiement n’impacte pas uniquement l’adjudicataire mais engendre des effets négatifs en chaîne sur toute l’économie», affirme M. Bensouda.
Sollicitée par les pouvoirs publics pour préparer une refonte du système actuel, la TGR a décortiqué, avec les parties prenantes, toutes les phases du circuit de la commande publique, de bout en bout et avec précision. L’objectif étant d’établir un diagnostic complet et exhaustif en vue d’identifier les dysfonctionnements à l’origine des retards de paiement.
Plusieurs zones d’ombre
Premier constat fait : les données aujourd’hui disponibles donnent un aperçu sur la réalité des retards de paiement comptabilisés à partir de la date du service fait, mais n’appréhendent pas la phase en amont de la certification du service fait. Cette phase comporte en effet plusieurs zones d’ombre dont les délais ne sont pas quantifiés. Elle portent notamment sur la constatation du service fait en termes de définition, de délais et de responsabilité des acteurs concernés. Quatre dysfonctionnements ont été répertoriés à cet égard, en l’occurrence la pluralité des personnes habilitées à établir les documents de constatation du service fait, l’imprécision des dates de constatation de la prestation, l’hétérogénéité des délais impartis à l’Administration pour certifier le service fait selon le type de marché, et enfin la confusion des délais impartis à l’entreprise pour l’acceptation des rectifications de l’Administration. Pour lever ces ambiguïtés, désormais c’est l’entreprise qui est responsable de l’établissement des attachements pour tous les marchés. Pour la date de constatation, elle correspond dorénavant à la date de signature des attachements (ou certification de la facture, signature du procès-verbal ou certification de la note d’honoraires selon le type de marché) par l’agent chargé du suivi de l’exécution du marché. De plus, la réforme fixe à l’Administration un délai unique de 30 jours maximum pour la constatation à compter de la date de remise des attachements par l’entreprise. En cas de dépassement de ce délai, la date de constatation du service fait est le 31e jour à compter de cette remise. Le délai d’ordonnancement commence par conséquent à courir à compter de cette date. Enfin, un délai unique de 15 jours maximum a été fixé à l’entreprise pour l’acceptation des rectifications de l’Administration. Passé ce délai, les rectifications demandées par le maître d’ouvrage sont réputées acceptées par l’entreprise.
Tous les acteurs doivent agir en harmonie
Par ailleurs, en aval, la réforme a réduit les délais d’ordonnancement et de paiement ouvrant droit aux intérêts moratoires. Ces délais sont dorénavant fixés pour l’ensemble des marchés à 60 jours dont 45 jours pour l’ordonnateur à compter de la date de constatation du service fait et 15 jours pour le règlement par le comptable public. De plus, face à la non-application systématique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement (l’asymétrie des pouvoirs de négociation entre l’Administration et l’entreprise dissuade celle-ci de réclamer son droit), la réforme a fixé un délai de 30 jours maximum pour l’ordonnateur pour procéder à l’ordonnancement des intérêts de retard lorsqu’ils sont dus. A défaut, le comptable public est autorisé à les payer directement sous forme de dépenses sans ordonnancement préalable.
Pour activer cette réforme, celle-ci est déclinée en sept textes dont trois sont déjà adoptés (arrêté du chef du gouvernement n°3-302-15 publié au BO le 17 décembre 2015, décret du 13 mai 2016 et décret du 22 juillet 2016 publié le 4 août). Trois autres projets de décret et une circulaire sont en cours d’adoption à l’examen au niveau du Secrétariat général du gouvernement.
Mais la réforme ne vaut pas seulement par la refonte des textes. Pour M. Bensouda, au-delà des aspects juridiques, la réforme se fonde sur une logique de gestion qui nécessite la formation des ressources humaines et l’amélioration des systèmes d’information pour plus de traçabilité. «On a beau édicter des normes juridiques, on se rend compte finalement que faute d’un dispositif dissuasif et d’une traçabilité claire démontrant les responsabilités, la réforme ne peut produire pleinement ses effets. Administration, opérateurs économiques, institutions de contrôle et société civile doivent agir en harmonie pour mettre en œuvre cette réforme à partir de janvier 2017 et la faire vivre dans la réalité», conclut le trésorier général.
